Gard-Hérault : traite de Nigérianes, un pasteur à la tête du réseau
Le procès hors norme d’une organisation de traite d’êtres humains entre Lyon, Paris, Nîmes et Montpellier.
Pendant quinze jours s’est tenu un procès-fleuve au tribunal correctionnel de Lyon. Celui d’un vaste réseau de traite d’êtres humains et proxénétisme aggravé de femmes nigérianes entre Lyon, Paris, Nîmes et Montpellier.
Une affaire criminelle de grande ampleur
Une affaire criminelle de grande ampleur dont les racines sont ancrées à Bénin City, au Nigeria. Une ville d’où proviennent les 17 parties civiles et ceux qui les exploitent, pour quelques dizaines d’euros la passe. Parmi les 24 prévenus, dont une moitié de femmes, ex-prostituées, figure "un personnage central" selon les enquêteurs : un pasteur de 35 ans, Stanley Omoregie, surnommé Splendour.
Réunions à l’église
C’est l’une de ses nouvelles recrues lyonnaises qui, en juin 2016, dénonce les agissements de celui qui officie notamment dans une église pentecôtiste montpelliéraine, rue Bayard. C’est là qu’il organise des réunions avec des “mamas”, ces anciennes prostituées ayant racheté leur dette aux membres du réseau et devenues elles-mêmes maquerelles. Et " vient en aide " aux prostituées auxquelles il fait traverser la Méditerranée, sous emprise d’un rituel vaudou, le juju. Une croyance qui permet de contrôler les filles.
Il deale la "marchandise" avec les "propriétaires" au Nigeria, en Libye ou une fois arrivée en Italie
Il deale la "marchandise" avec les "propriétaires" au Nigeria, en Libye ou une fois arrivée en Italie. "Je veux les meilleures, et celles qui sont mûres et qui ont des beaux corps. Et celles qu’on peut contrôler, pas celles qui causent des problèmes", l’entend-on dans des écoutes. Il n’hésite pas à suggérer des représailles sur les familles restées au pays.
Ces filles qui pensaient travailler comme couturière ou coiffeuse sont battues et même violées sur le trajet. Il supervise leur activité, leur explique comment ne pas se faire repérer par les policiers. Il peut se montrer menaçant.
Le pasteur se met aussi en rapport régulier avec un autre proxénète nigérian Junior Franck, basé à Nîmes, pour leur trouver des logements à Montpellier ou Nîmes. Ou les loge directement au sein du dortoir de l’église ou dans l’un de ses appartements, rue de Gignac. Dans cette affaire, trois d’entre elles ont été entendues à Montpellier en octobre 2017 par l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains. Une seule s’est finalement portée partie civile. La Cimade de Montpellier connaît bien leur parcours.
Cellule spéciale
L’association a même créé une cellule “Nigérianes” il y a quatre ans, tant ces réseaux ont essaimé sur le territoire national. Un premier a été traduit en justice à Montpellier, en juillet 2018. Neuf personnes ont été condamnées (jusqu’à sept ans de prison).
À Lyon, sur 500 femmes qui œuvrent sur la voie publique, la moitié serait nigériane. À Montpellier, elles seraient 200. "Elles représentent un tiers des demandeurs d’asile à nos permanences", explique la responsable de la cellule Sylvie Raffy, qui insiste : "Ces femmes n’ont rien demandé. Elles sont toutes prostituées de force, toutes sans exception introduites en France par un réseau criminel."
La Cimade se bat pour que ces femmes réduites à l’état d’esclaves soient reconnues comme réfugiées
Prises en main par des madames auxquelles elles remboursent leur dette, payent le loyer, la place sur le trottoir, même le faux récit pour avoir des titres de séjour avec une commission au passage. La Cimade se bat pour que ces femmes réduites à l’état d’esclaves soient reconnues comme réfugiées. Elle a enregistré 50 dossiers. "Elles n’ont pas conscience que les gens qu’elles décrivent comme “gentils”, qui les aident, font partie du réseau ", décrit la permanente.
18 nouvelles plaintes visant d'autres réseaux à Montpellier
Dix-huit nouvelles plaintes auraient été déposées auprès du procureur visant d’autres réseaux à Montpellier. Ces procès ont-ils un véritable impact sur cette prostitution de masse ? "On n’avancera que lorsque l’on ne parlera plus seulement de prostitution mais de traite d’êtres humains", plaide Sylvie Ruffy.
Jusqu'à dix ans requis
Le parquet de Lyon a requis la peine maximale de dix ans d’emprisonnement et l’interdiction définitive du territoire contre Stanley Omoregie, 35 ans. La même peine contre Hélène Okpoto, 41 ans, une mama faisant "régner la terreur" sur une vingtaine de prostituées dans des camionnettes à la périphérie lyonnaise.
Parmi les 24 prévenus dans ce procès hors norme, figure aussi Jessica Edosomwan, femme la plus recherchée par Interpol, qui aurait collecté l’argent de la prostitution pour le transférer à l’étranger, elle encourt huit ans de prison. Des "peines exemplaires", selon le parquet, de trois à huit ans ont été aussi requises contre les autres prévenus : passeur, proxénète, collecteur, chauffeur, garagiste...
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