Selon l'étude annuelle des morts violentes au sein du couple menée par le ministère de l'Intérieur, il y a eu 121 féminicides en 2018, mais aussi 28 hommes tués par leur compagne ou ex-compagne, soit un tous les 13 jours.
Dans les homicides conjugaux, donc, un cas sur cinq concerne un homme. C'est un phénomène à la fois méconnu et complexe puisque la moitié des victimes ont eux-mêmes été violents envers leur conjointe. Dans 15 affaires d'hommes tués en 2018, soit plus de la moitié, l'enquête a révélé que l'homme avait commis des violences sur sa partenaire. "Quand c'est madame qui tue monsieur, elle a souvent été victime, gravement victime même", confirme Marie-France Casalis, membre du collectif féministe contre le viol.
Ces dernières années, plusieurs cas allant dans ce sens ont connu un certain retentissement. Celui d'Alexandra Lange, notamment, acquittée en 2012 du meurtre de son mari tué d'un coup de couteau à la gorge tandis qu'il tentait de l'étrangler et, plus récemment, de Jacqueline Sauvage, graciée en 2016 après avoir été condamnée par deux fois pour le meurtre en 2012 de son mari, violent avec elle durant 47 ans.
"Ces femmes tuent pour ne pas mourir", plaide auprès de l'AFP l'avocate Nathalie Tomasini, spécialiste des affaires de violences conjugales et conseil de Mme Sauvage. "Elles ont refoulé, refoulé, et à l'occasion d'une énième violence, il y a une explosion de la mémoire traumatique pouvant conduire à un passage à l'acte".
Ce passage à l'acte peut être motivé "par le désespoir et le sentiment que 'les services sociaux, la justice, ne vont pas me protéger', donc 'c'est lui ou moi'", analyse la psychologue Karen Sadlier, consultante au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof).
Pour elle, les femmes auteures d'homicides conjugaux se divisent en deux catégories: "les anciennes victimes et les femmes violentes, pour qui on est sur le même ressort psychologique que pour les hommes auteurs".
Début 2020, une quinquagénaire sera jugée par les assises du Rhône pour avoir porté en 2017 37 coups de couteau à son mari Paul, 54 ans. Ce dernier lui avait annoncé quelques jours plus tôt par téléphone qu'il voulait divorcer et elle avait découvert qu'il fréquentait une autre femme.
Confrontée à une séparation prochaine, "elle a préféré supprimer l'objet de son amour plutôt que d'imaginer que cet amour-là lui échappe", explique à l'AFP Thierry Perrin, avocat des proches de la victime, estimant qu'elle "ne lui a pas laissé de chances de s'en tirer". Lui et le conseil de l'accusée écartent toute violence préalable au sein du couple, dans un sens comme dans l'autre.
En 2018, pour 7 cas sur 28, des violences antérieures de la part de la femme étaient connues. Des faits qui restent rarement dénoncés, les violences faites aux hommes dans un cadre domestique demeurant le "tabou des tabous", selon Nathalie Tomasini. "S'il est déjà très difficile pour une femme aujourd'hui de déposer plainte dans cette société patriarcale, imaginez ce qu'il en est pour un homme de pousser la porte d'un commissariat et de venir expliquer qu'il est battu, invectivé, dénigré par sa femme", poursuit-elle, recensant sur les 200 dossiers de violences qu'elle a en cours une douzaine d'affaires où la victime est masculine.
Selon le collectif militant "Féminicides par compagnon ou ex", onze hommes ont été tués en 2019 par leur compagne. Parmi elles, cinq "étaient en probable légitime défense".
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