250 intellectuels s'insurgent contre un article « nauséabond » de « Valeurs Actuelles » sur Benjamin Stora

L’historien dénonce un article « antisémite ». L’auteur de l’article dit de son côté « tomber des nues » et réfute « totalement » ces accusations.

L’historien Benjamin Stora.

L’historien Benjamin Stora. LUDOVIC MARIN / AFP

Plusieurs centaines d’intellectuels français ont apporté leur soutien à l’historien Benjamin Stora, après un article du magazine « Valeurs Actuelles » qualifié d’« antisémite » par ce spécialiste de la guerre d’Algérie, ce dont l’hebdomadaire se défend.

Dans un message de soutien posté sur le site de Benjamin Stora et révélé jeudi 21 novembre par « le Monde », plus de 250 intellectuels, dont Thomas Piketty, Pierre Rosanvallon, Hervé Le Bras, disent avoir « découvert avec consternation l’attaque nauséabonde de Valeurs Actuelles » dans le hors-série d’octobre que le magazine conservateur a consacré à la guerre d’Algérie.

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« Nous tenons à exprimer collectivement notre indignation face à l’attaque qui vous frappe », écrivent ces intellectuels, membres des centres de recherches de l’EHESS (Ecole de hautes études en sciences sociales).

« Caricature classique du juif capitaliste à gros cigare »

L’article de Valeurs Actuelles, intitulé « Benjamin Stora, l’historien officiel », évoque les « secrets du parcours de ce pied-noir ex-militant d’extrême gauche » qui « monopolise colloques et débats télé ». Il y est notamment question de son physique (« L’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé », « un poussah pontifiant », « gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à proportion de la vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social »).

« L’extrême droite m’a souvent attaqué sur mes engagements anticolonialistes, mais là il y a un saut qualitatif, avec cette insistance sur mon physique », déclare Benjamin Stora au « Monde ». « C’est de l’inconscient à ciel ouvert, on est dans la caricature classique du juif capitaliste à gros cigare. Je serais celui qui a fait carrière dans l’obscurité, qui ne peut pas comprendre l’identité française. »

Sur son site, l’historien médiatique, issu de la communauté juive de Constantine et qui a grandi dans l’Algérie française, a dénoncé un « article antisémite ». Ce que son auteur réfute « totalement ».

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«Une attaque fondée sur une description de mon physique »

« Je suis tombé des nues, je ne comprends pas », a déclaré à l’AFP le journaliste Bruno Larebière, qui reconnaît avoir signé un « portrait à charge » mais juge « totalement hors sujet » les qualifications d’antisémitisme.

Pour Benjamin Stora, c’est « le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir ». Cet article s’inscrit selon lui « dans la tradition classique antisémite des juifs de cour que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême droite au moment de l’affaire Dreyfus ».

L’historien, également spécialiste de la question coloniale, fustige « une attaque fondée sur une description de mon physique », et une « obsession sur mon poids » qui « suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite ».

« Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de mon fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum. »

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« A travers cet article d’un journaliste, ancien rédacteur en chef de Minute, on peut donc s’interroger sur la véritable nature de ce journal. »

« J’ai comparé le Benjamin Stora émacié des années 70 au Benjamin Stora gras d’aujourd’hui : c’est une parabole de son ascension sociale, c’est tout », s’est défendu Bruno Larebière.

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