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#UberCestOver : les témoignages glaçants de passagères Uber qui dénoncent leurs agressions sexuelles

Femmes et Uber
Des femmes témoignent de leur mauvaise expérience avec certains chauffeurs Uber. Getty Images

Témoignages.- Derrière le hashtag #UberCestOver, les récits se multiplient sur les réseaux sociaux. La plupart racontent des histoires similaires : des chauffeurs Uber récidivistes qui harcèlent et agressent des clientes pendant la course. Aux États-Unis, près de 6000 cas d'agressions sexuelles ont été rapportées en 2017 et 2018. La plateforme, elle, affirme tout mettre en œuvre pour faire face au phénomène.

Quand la course Uber vire au cauchemar. Ce dimanche 17 octobre, Sonia profite de passer la soirée entre amis dans un bar du centre de Strasbourg. Vers 3h40 du matin, la bande d'amis commande une voiture avec chauffeur, via l'application Uber, depuis la place Gutenberg. Les quatre étudiants (trois femmes et un homme) s'installent dans le véhicule. Sonia, elle, s'assoit sur la place avant passager. "J'habite en dehors de la ville, c'est moi qui avais le plus de trajet donc je suis montée à l'avant jusqu'au moment de déposer mes trois amis", nous raconte l'étudiante de 22 ans. Puis de poursuivre : "Au départ, tout se passait très bien. Le chauffeur était gentil, très poli. Je n'avais pas à m'inquiéter pour la suite. C'est lorsque je me suis retrouvée seule que tout a basculé."

Je remarque qu'il roule lentement, mais je ne pense pas à fuir

Le chauffeur, bien plus âgé que Sonia, devient de plus en plus entreprenant. "Il commence à me demander mon âge, pourquoi je vis toujours avec mes parents, ce que je fais dans la vie. Quand je lui réponds que je suis étudiante en soins infirmiers, il me lance : "Ah, comme ça, tu pourras me soigner"." La jeune femme est mal à l'aise, répond sèchement. Quelques minutes plus tard, le conducteur entrelace ses doigts et ceux de Sonia. "À ce moment-là, tout se bouscule dans ma tête. Je suis tétanisée, je n'arrive pas à prononcer un mot", se souvient-elle. D'autant que l'homme rapproche sa main de la cuisse de Sonia, qui tente de le contrer avec son sac. En même temps, tout en veillant à ne pas se faire prendre, elle tente d'alerter l'une de ses amies par SMS. "Je remarque qu'il roule lentement, mais je ne pense pas à fuir. J'ai alors trop peur qu'il ait fermé les portes. Je décide de rester calme et de vérifier le trajet qu'il emprunte."

Un "serial-chauffeur" met le feu aux poudres

Aux environs de 4h30, Sonia arrive finalement à destination, à la Robertsau, le quartier où elle vit avec ses parents. Dans sa chambre, elle s'effondre et raconte tout à une amie par téléphone. Aussitôt, elle fait un signalement sur l'application. "Dans le détail de ma course, il m'est possible de faire une remarque sur un conducteur, j'indique la situation suivante : "Le comportement de mon chauffeur m'a fait me sentir en danger". Puis, je pars me coucher."

Il m'a rétorqué : "Ah, je pensais que vous étiez plus bourrée que ça"

Noémie, utilisatrice Uber

Trois heures plus tard, à 9 heures, la cliente reçoit le coup d'une fil d'une opératrice d'Uber qui prend note de son expérience. "La réaction de la plateforme a été rapide, j'étais assez surprise à vrai dire, se souvient Sonia. J'ai tout raconté. L'agent a évoqué l'option de porter plainte et m'a fourni une adresse mail dédiée à laquelle m'adresser." Puis, sur les conseils de proches, elle décide tout de même d'aller plus loin et de poster sa mauvaise expérience sur Twitter. L'objectif ? Alerter les Strasbourgeoises. Tout de suite, son témoignage fait écho. Noémie, 24 ans, reconnaît le mode opératoire et le profil de la personne mise en cause.

La jeune femme a vécu un trajet similaire, le 21 octobre 2017. "Je venais de raccompagner des amis et il m'a demandé de m'asseoir à l'avant. Ce que j'ai fait pour ne pas le vexer. Il m'a ensuite touché la cuisse, je lui ai demandé d'arrêter et il m'a rétorqué : "Ah, je pensais que vous étiez plus bourrée que ça"." À son retour chez elle, Noémie est encore sous le choc. Mais pas question d'en rester là. Elle informe la plateforme de l'agression qu'elle vient de subir. La réponse ne tarde pas : "Ce type de comportement est totalement inacceptable sur le réseau, et nous avons pris les mesures qui s'imposent immédiatement. Le compte de ce conducteur a été suspendu à la suite de votre message."

Compte temporairement désactivé

Aujourd'hui, Noémie s'interroge. Pourquoi le chauffeur a-t-il finalement continué de rouler alors que son compte ne devait plus être actif ? Contactée par Madame Figaro, la directrice communications d'Uber France, Rym Saker, argumente : "Dès lors qu'un signalement est enregistré, on engage automatiquement une enquête interne. On rappelle le chauffeur, on vérifie son historique et son compte est temporairement désactivé." Visiblement, sans succès. Qui plus est, le trafic des profils VTC serait monnaie courante. Afin d'échapper aux nouvelles contraintes liées à l'obtention de la carte professionnelle, certains chauffeurs feraient appel à des faussaires avant de s'inscrire sur la plateforme.

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Dans ces conditions, difficile de garantir la sécurité des utilisateurs. Aux États-Unis, Uber a révélé avoir enregistré près de 6000 agressions sexuelles en 2017 et 2018. Julie*, une Française de 25 ans, a quant à elle été victime de harcèlement sexuel par un conducteur le 6 juillet. De retour d'un festival, elle préfère commander un Uber plutôt que d'emprunter la ligne 13 du métro parisien. "L'homme qui m'accompagnait a indiqué au chauffeur de bien prendre soin de moi avant de claquer la porte. Et là, c'était parti ! Il a commencé à me demander pourquoi je rentrais seule, à me dire que j'étais une "chaudasse" et que j'aimais le sexe…" Julie esquive la discussion, se tourne vers la fenêtre et fait tout pour éviter le regard de son interlocuteur. "Et là, je me rends compte qu'il descend le haut de son jogging et sort son sexe, tout en lançant des "tu m'excites". De mon côté, je garde mon sang-froid et ne regarde pas." Au bout de 45 minutes, la femme est à quelques mètres du hall de son immeuble. "J'avais déjà mes clefs dans la main, j'avais tout préparé, car je pensais qu'il allait me suivre. Je me suis mise à courir et j'ai vite refermé la porte", se remémore-t-elle encore.

En vidéo, quand les utilisatrices dénoncent les agissements des chauffeurs

Un mouvement né sur les réseaux sociaux

Comme Sonia et Noémie, Julie n'a pas demandé au chauffeur d'arrêter, de peur des réprésailles, d'une saute d'humeur voire pire encore. Elle nous confie : "On roulait sur le périph' donc impossible de sortir. Et même si j'y parvenais, je craignais d'être perdue et qu'il me rattrape." Comme les autres, Julie partage aussi son histoire sur les réseaux sociaux. Mais très vite, elle la retire. Par mégarde, elle a laissé son adresse et reçoit des menaces de certains internautes qui ne croient pas un mot de son témoignage. En parallèle, elle a alerté Uber puis décidé de déposer plainte dès le lendemain. Cependant, la plainte s'avère non recevable car aucune plaque d'immatriculation n'a été communiquée. L'utilisatrice insiste et finit par réussir à déposer plainte. La police l'informe toutefois qu'elle risque bien de n'avoir aucun effet. Aussi, Julie demande à une avocate de l'aider, histoire de donner du poids à sa démarche. Mais depuis, aucune nouvelle. Ni d'Uber, ni de la police. Rym Saker tient à le souligner : "Pour qu'Uber communique les informations relatives aux chauffeurs, il faut qu'une procédure judiciaire ait été engagée". Dans le cas du chauffeur strasbourgeois, plusieurs femmes ont déjà porté plainte, parmi lesquelles Sonia et Noémie.

Il m'a demandé si j'avais déjà fait un plan à trois

Sur les réseaux sociaux, force est de constater que le ras-le-bol s'intensifie derrière le hashtag #UberCestOver. Marion, 31 ans, nous raconte : "Dans la nuit du 21 au 22 septembre, je devais rejoindre ma cousine à une fête d'anniversaire. À l'aller, le chauffeur m'avait fait quelques commentaires lourdingues comme on en a malheureusement l'habitude. Au retour, c'est monté d'un cran. Ma cousine était alcoolisée et s'était endormie. Il en a profité pour me demander quels étaient mes fantasmes, si j'avais déjà fait un plan à trois…" La trentenaire essaie de joindre son mari, sans succès. Alors, elle envoie cet S.O.S. à un ami : "Le chauffeur est très bizarre". Sur la suite du parcours, elle reste en ligne avec ce proche. Le lendemain, le signalement est fait et Uber réagit. "En une journée, mon cas avait été traité et mes courses remboursées." Mais peut-on vraiment se satisfaire d'un remboursement face à du harcèlement ou une agression ?

Uber supprime-t-il des commentaires ?

Devant l'ampleur du phénomène, la créatrice du compte Instagram @memespourcoolkidsfeministes Anna Toumazoff a décidé de relayer chaque histoire dans ses stories. Et depuis, les témoignages affluent. "Je ne m'attendais pas à en recevoir autant. Depuis mercredi, j'en ai reçu plus d'une centaine, précise la lanceuse d'alerte. Je lis des choses très dures : des histoires de viols, des messages d'adolescentes "brisées" et "tramautisées"..."

Face à ce constat, des internautes ont appelé à boycotter Uber et à témoigner directement sous les publications de l'application de VTC. Néanmoins, les commentaires ont rapidement été effacés. Plusieurs crient à la censure et accusent la plateforme d'avoir supprimé des témoignages de victimes d'agressions sexuelles. Rym Saker d'Uber France reconnaît une "véritable erreur". "Ces messages n'auraient pas dû être supprimés. Les commentaires ne sont retirés que lorsqu'il y a des insultes ou que le débat va trop loin. En l'occurrence, ici, ce n'était pas le cas", admet-elle.

Néanmoins, des utilisatrices vont plus loin. Elles assurent qu'Uber a supprimé certaines des courses qu'elles avaient signalées. Face à ces accusations, l'entreprise américaine est formelle : "C'est impossible ! Aucune course n'est effacée de l'historique". De leur côté, Sonia, Julie, Marion et Noémie y avaient encore accès quand nous les avons interrogées. "Ce qui est fou dans tout cela, c'est qu'on commande un Uber en croyant être en sécurité, inatteignable et finalement c'est la désillusion", conclut Noémie. En effet, des cas plus graves ont été rapportés. "Une amie a été séquestrée une nuit entière dans un Uber, il est entré dans un parking sous-terrain et a bloqué les portes de la voiture, raconte une internaute. On sait qu'elle a subi des attouchements. Elle n'a pas réussi à verbaliser le reste. Uber a dit qu'ils allaient "faire le nécessaire". Aucune preuve."

Uber
Pour dénoncer les agressions sexuelles par des chauffeurs Uber, les témoignages se multiplient derrière le hashtag #UberCestOver. Capture d'écran / Storie Instagram : @memespourcoolkidsfeministes

*Le nom a été modifié.

Cet article initialement publié le 21 novembre 2019 a été mis à jour.

#UberCestOver : les témoignages glaçants de passagères Uber qui dénoncent leurs agressions sexuelles

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