"J’ai pris mon temps pour ressusciter": Michel Platini se livre à Nice-Matin lors de sa venue au Musée du sport

Une légende du football et du sport français était à Nice vendredi. Au musée, puis au théâtre pour deux moments inoubliables.

Article réservé aux abonnés
Propos recueillis par Philippe Camps Publié le 24/11/2019 à 08:00, mis à jour le 24/11/2019 à 08:00
Michel Platini dans le cadre de sa nomination comme première Légende du sport au musée du sport de l'Allianz Riviera. Photo Cyril Dodergny

Michel Platini au musée. Attention chef d’œuvre! Vendredi soir, avant sa "Masterclass" au théâtre, l’idole d’une génération de Français est entrée dans la "Légende" du Musée National du Sport à Nice. L’occasion de rencontrer un mythe.

Un face à face de 38 minutes avec "Platoche". Le rêve quoi...

"Je suis mort à 32 ans, le 17 mai 1987". C’est la première phrase de votre biographie sortie en 1988 ‘‘Ma vie comme un match’’. 32 ans après, le mort se porte bien...

J’ai pris mon temps pour ressusciter.

Pourquoi un second livre?

Je voulais raconter mes années de dirigeant. Après ma première mort. Expliquer ce que j’ai fait. Et ce que j’ai vécu...

Joueur, sélectionneur, consultant sur Canal, coprésident du comité d’organisation du Mondial 1998 en France, président de l’UEFA : vous avez eu plusieurs vies. La plus belle?

Heureusement que j’en ai eu plusieurs. Pour un footballeur, il vaut mieux. Sinon, c’est qu’il est passé du terrain au cimetière. La plus belle? Celle de joueur. Après, ce furent des aventures. Toutes intéressantes. A l’UEFA, ça s’est mal terminé, mais c’était bien... Vous savez, président de l’UEFA est le seul poste que j’ai vraiment voulu. Je me suis battu pour l’avoir.

Comment avez-vous vécu votre suspension?

Comme une injustice. Donc mal. Le premier mois, j’ai beaucoup souffert. Platini était devenu Al Capone. Des procédures en Suisse, une garde à vue à Paris: j’étais en pleine tempête. Sans oublier le procès médiatique qui fut d’une violence terrible. Les journaux du monde entier titraient: "Platini arrêté!". J’étais devenu un escroc international. Tout ça après avoir officialisé ma candidature à la présidence de la FIFA... Quel hasard. Au début, j’ai même perdu tous mes procès contre une machine infernale. Puis, j’ai contre-attaqué. Mes condamnations ont été réduites jusqu’à ce que je sois blanchi. Mais l’histoire n’est pas finie. Ces quatre dernières années, j’ai vu plus d’avocats et de juristes que de footballeurs. Maintenant, je connais le Droit par cœur.

Sur une radio, le président Macron vous a adressé un message qui a semblé vous toucher?

C’est vrai. Les mots du président m’ont ému. Dans la tourmente, tout le monde m’a supporté, soutenu, mais personne ne m’a aidé. Car mon procès fut aussi politique... J’ai longtemps été très seul.

Vous avez dit: "Je reviendrai". Quand et où?

Je n’ai pas encore tranché. Ce sera ma dernière aventure, mon ultime mission. Je ne dois donc pas me tromper.

L’Euro 2020 approche, et les critiques fusent quant à son éparpillement (12 villes de 12 pays)...

L’Euro 2020 est formidable. Vous savez pourquoi? Parce que c’est moi qui l’ai voulu (rires). ça permet à des pays de recevoir l’Euro. Ils ne peuvent pas tous construire huit stades. Ça coûterait une fortune. Cette formule permet à des pays comme l’Azerbaïdjan, la Roumanie ou la Hongrie d’avoir l’Euro et des stades neufs. Le foot, ce n’est pas deux ou trois nations. Je suis pour le développement du football. C’est pour ça que j’ai voté la Coupe du monde en Russie ou au Qatar. Comme j’avais voté pour le Maroc en 2010.

Vous vous êtes rangé derrière Olivier Rouyer qui combat l’homophobie dans les stades?

Il n’y a pas de différence entre les insultes racistes et homophobes. Il faut condamner et sanctionner les deux.

Un mot sur la VAR?

Je ne varie pas sur la VAR. Tiens, je vais la garder cette phrase... Je suis contre. On pensait que ça allait amener une justice. On s’est trompé. La VAR sert surtout à tuer les émotions. Mais on ne reviendra jamais là-dessus. Alors, on aura la VAR...

Passons à Platini joueur. Le meilleur avec qui vous avez évolué?

J’ai joué avec énormément de grands footballeurs. Il m’est impossible de faire un classement entre Zoff, Boniek, Scirea, Gentile, Rossi, Tardelli, Cabrini qui furent mes partenaires à la Juve. Ou chez les Bleus avec Giresse, Tigana...

Quand avez-vous pris conscience que le foot, c’était sérieux?

Quand j’ai signé à Saint-Etienne. A Nancy, c’était un jeu, une fête. Sous le maillot Vert, je joue mon premier match de championnat à Bastia (1979). On gagne (1-0) sur un terrain où je perdais toujours avec Nancy. J’arrive au vestiaire en joie, et là je comprends. Les mecs étaient tranquilles. Normal: ils avaient l’habitude de gagner. A Furiani comme ailleurs. Et puis Herbin n’était pas un rigolo...

Votre meilleure période?

C’est à Saint-Etienne que je me suis senti le plus fort. Mais collectivement, c’est à la Juve que j’ai été le plus haut. J’avais une plus grande équipe en Italie.

Parlez-nous de vos venues sur la Côte. Chez nous...

Je viens rarement dans votre région. Je m’arrête à Cassis où j’ai une maison depuis plus de trente ans. Mais oui, j’ai joué pas mal de matchs chez vous...

Dans le Var?

Je me rappelle avoir éliminé Sanary en Coupe de France (victoire de St-Etienne 2-0 avec un but de Platini en mars 1982). Dans le Var, j’ai aussi joué à Toulon, quand j’étais en D2 avec Nancy. Le coach s’appelait Marcel Duval. Sur le terrain, il y avait Sarr Boubacar. Mais pour tout vous dire, dans le Var, j’ai le souvenir d’avoir pris plus de coups que de plaisir... (il se marre)

Un souvenir niçois?

Saison 1973-1974 avec Nancy. La journée précédente, je suis 12e homme à Saint-Etienne. On prend 6-0. Le match d’après, je suis titulaire à Nice. L’OGCN de Molitor, Van Dijk, Huck, Baratelli, Jouve, Adams, Grava. C’était quelque chose. Il n’y avait pas encore Guillou. C’est Erikson qui menait le jeu. On fait 1-1 au Ray. Je ne suis plus jamais sorti de l’équipe. C’est le match qui m’a lancé. J’avais 18 ans. Je regardais Van Dijk, l’attaquant hollandais qui venait de l’Ajax, avec de grands yeux. J’admirais Molitor qui jouait en équipe de France. Nice était un grand club.

Il fallait signer au Gym...

On ne me l’a jamais demandé (rires)... Quand on descendait en train pour venir jouer sur la Côte, on voyait défiler les villes plus belles les unes que les autres. Je disais à mes potes de l’AS Nancy Lorraine: "Mais mais qu’est-ce qu’on fout là-haut. Vivement que je signe à Nice." Les dirigeants ne sont jamais venus me chercher...

Jean-Pierre Rivère vous a enfin remis un maillot rouge et noir...

Ça me fait plaisir. C’est un beau maillot pour lequel j’ai du respect. L’OGCN est un club emblématique qui a pris une nouvelle dimension avec l’arrivée d’Ineos. Et puis, j’adore Patrick Vieira, c’est un garçon formidable. Nice ne s’est pas trompé avec lui. Ce sera un grand entraîneur.

Un mot sur Monaco?

J’ai une anecdote au sujet de l’AS Monaco. En 1977-1978, on fait notre premier déplacement de la saison en Principauté: Monaco-Nancy. C’était au mois d’août, dans le vieux Louis-II. L’ASM montait de D2. On se fait jongler et on perd 2-0. Notre président Claude Cuny nous passe un savon dans le vestiaire. Il était furieux. "Vous avez perdu contre un promu. C’est inacceptable!" nous avait-il dit. Puis il avait ajouté, devant les micros, je crois: "Grâce à ces deux points de la victoire Monaco pourra peut-être se maintenir en première division". A la fin de la saison, les Monégasques étaient sacrés champions de France. Ils avaient une super équipe : Petit, Dalger, Onnis, Courbis, Gardon, Ettori... ça jouait bien au ballon. Le jeu, toujours le jeu. C’est ce qui vous plaît...

Le foot, c’est d’abord et enfin le jeu. J’aime toujours autant le foot, le jeu et les joueurs. Au delà du résultat, au delà des classements, au delà de tout.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Nice-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.