COP25 : les 7 événements de 2019 symboles du changement climatique
Des « méga incendies » en Californie, à l'appel à la mobilisation des Nations unies, l'année 2019 peut déjà être qualifiée d'exceptionnelle s'agissant des impacts que le dérèglement climatique a déclenchés un peu partout dans le monde.
Par Muryel Jacque, Joël Cossardeaux
Une année terrible. Sécheresse dans de grandes villes du monde, incendies terribles, ouragans, glaciers qui se meurent… À l'occasion de la COP 25, la conférence mondiale sur le changement climatique qui ouvrira ses portes le 2 décembre à Madrid, « Les Echos » font le tour du monde des évènements climatiques qui marquent 2019 comme une année hors-norme en termes de dérèglement climatique.
1. Le climat fait sa première victime en Bourse
La faillite du géant américain de l'électricité Pacific Gas & Electric Company (PG & E) en janvier a eu un retentissement planétaire. Car la banqueroute la plus retentissante depuis Lehman Brothers a aussi été vue comme un avertissement sur la façon dont le réchauffement climatique peut affecter les entreprises . Une enquête a conclu que les lignes électriques de PG & E ont causé l'incendie le plus meurtrier qu'a connu la Californie , une région à la végétation éreintée par la sécheresse.
Surnommé « Camp Fire », ce feu de forêt a fait 85 morts en novembre 2018, ravagé plus de 65.000 hectares de terre, détruit près de 20.000 bâtiments, anéantissant une ville entière, Paradise. « Camp Fire » a ainsi battu le triste record de « Tubbs Fire », le précédent incendie historique survenu un an plus tôt en Californie.
Des Etats-Unis au Brésil, de l'Australie à la Sibérie , avec les bouleversements du climat, les feux de ce genre se multiplient. La moitié des dix plus grands incendies de forêt et sept des dix plus destructeurs en Californie ont eu lieu au cours de la dernière décennie. Au total, le réassureur Munich Re estime le coût total de « Camp Fire » à 16,5 milliards de dollars. Jamais encore catastrophe naturelle n'avait été aussi coûteuse.
2. L'ONU réclame la fin des centrales à charbon
Si le réchauffement climatique n'est pas maîtrisé, on court à un « désastre total ». En mai dernier, à quatre mois du « sommet action climat » de l'ONU , son secrétaire général Antonio Guterres tape du poing sur la table : il demande qu'on cesse de construire des centrales à charbon dans le monde dès 2020, dans un entretien à « Associated Press ». Il réitère dans un tweet quelques jours plus tard.
Stop building new coal plants by 2020. We need a green economy, not a grey economy. pic.twitter.com/MInfJpJZqG
— António Guterres (@antonioguterres) May 13, 2019
Le charbon comptera pour moins d'un quart du mix énergétique mondial (répartition de la consommation par énergie) l'an prochain, mais il reste la première source d'énergie de l'économie, et les efforts à fournir pour s'en passer demeurent immenses. Antonio Guterres plaide aussi pour que les états arrêtent de subventionner les combustibles fossiles et qu'ils fixent un prix pour le carbone. Il faut une économie verte, des véhicules et des villes « propres ». Le seul moyen, dit-il, pour que le monde n'émette pas plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, à l'horizon 2050, que ce que la nature peut absorber. Pour l'heure, seuls quelques pays se sont engagés à cette « neutralité carbone ».
3. Début de prise de conscience des grandes entreprises
Près de 300 entreprises dans le monde, dont vingt-sept françaises , ont aligné leurs émissions de gaz à effet de serre sur les recommandations des scientifiques du GIEC pour limiter la hausse de la température moyenne mondiale en dessous de 2 °C. Toutes participent à l' initiative Science Based Targets , un outil d'évaluation des objectifs « basés sur la science », fondé en 2015 par CDP (Carbon Disclosure Project), l'ONG WWF, le think tank WRI et le Global Compact des Nations unies. Près de 400 autres entreprises se sont engagées à fixer des objectifs de réduction de leurs émissions de CO2 dans les deux prochaines années, que l'initiative devra valider.
4. La « ligne bleue » des Vosges menacée
Eté 2019. Scènes de désolation à répétition sur les hauteurs des Vosges. Leur fameuse « ligne bleue », formée de majestueux sapins, se clairsème. Affaiblis par plusieurs années successives de sécheresse, beaucoup de ces résineux ne trouvent plus la force de faire remonter leur sève et se mettent à roussir par rangées entières. Des « morts-vivants » dont le nombre ne cesse de croître d'été caniculaire en été caniculaire. De 1.000 m3 en 2016, le nombre de sapins et d'épicéas qu'il a fallu abattre est passé à 2.000 m3 l'an dernier et pourrait atteindre les 8.000 m3 d'ici la fin décembre. Un gros manque à gagner pour les acteurs de la filière, sachant qu'un résineux perd plus de la moitié de sa valeur quand il est coupé mort.
A l'autre bout de la planète, la raréfaction des pluies prend des proportions dramatiques dans les grandes métropoles. En Inde, les 7 millions d'habitants de Chennai (ex-Madras) ont échappé de peu , en juillet, au « Zéro Day », le jour où plus aucune goutte ne sort des robinets. Un état de stress hydrique dans lequel la ville du Cap, en Afrique du Sud, avait commencé à sombrer, l'an dernier.
5. L'Islande en deuil pour ses glaciers
18 août, jour de deuil national en Islande. Les autorités de l'île-Etat dévoilent une plaque à la mémoire de l'Okjökull dont les étendues gelées (12 km2 au début du siècle dernier) se sont réduites comme peau de chagrin. Ce glacier est considéré comme mort , sa très faible épaisseur l'ayant rendu inerte. D'ici 200 ans, les quelque 400 glaciers que compte le pays pourraient subir le même funeste sort. Comme l'Islande, d'autres régions du globe pourraient devenir des « cimetières à glaciers » sur de vastes étendues. Notamment le Groenland et l'Antarctique dont les calottes ont perdu chaque année environ 430 milliards de tonnes de glace entre 2006 et 2015.
A cette fonte massive s'ajoute celle de près de 200.000 glaciers de montagne, deux fois moins importante (220 milliards de tonnes liquéfiées sur la même période) mais qui n'en a pas moins contribué à une hausse de 1,8 mm du niveau de la mer sur cette période. Une montée des eaux sur l'accélération de laquelle ces glaciers terrestres n'ont pas fini de peser si, comme l'indique le dernier rapport du GIEC dans son scénario le plus pessimiste, 80 % de leur masse venait à fondre d'ici 2100.
VIDEO. Un glacier disparu commémoré en Islande
6. Les Alpes en état de péril imminent
Le 1er septembre, grande émotion dans la vallée du Valjouffrey (Isère), dans le parc des Ecrins. L'Olan, un de ses plus prestigieux sommets (3.564 m), perd une partie de sa face nord , haute de 1.100 mètres. L'événement, des plus spectaculaires, s'ajoute à une liste déjà longue d'effondrements dont toutes les zones de haute montagne de la planète, du Tibet à l'Himalaya en passant par les Andes, sont devenues le théâtre. En juin et juillet derniers, en pleine canicule, plus de 60 écroulements ont été signalés dans la seule région du Mont-Blanc, emportant des volumes de roche de plus en plus importants.
Car la montagne, elle aussi, se réchauffe . De 1,5 degré par décennie rien que dans les Alpes françaises où la surface couverte par le permafrost (1.300 km2 en 2008) est en constante diminution, privant les massifs du précieux ciment qui les fait tenir. Un phénomène particulièrement redouté par les experts du GIEC et porteur de lourds enjeux car la haute montagne n'est pas un désert. D'ici 2050, entre 740 et 840 millions d'humains vivront au pied des cimes ou à proximité, dont il faudra renforcer la protection.
7. Six millions à faire la grève pour le climat
Dans les villes, dans les villages, aux quatre coins de la planète, la dernière grande marche pour le climat, en septembre, a vu descendre dans la rue quelque six millions de personnes, jeunesse en tête. Sous le slogan #ClimatStrike ou #FridayForFuture des manifestations ont eu lieu sur tous les continents. Une mobilisation sans précédent dans l'histoire, pour « dénoncer l'inaction climatique ». En août 2018, la militante suédoise Greta Thunberg , avait démarré seule sa « grève scolaire pour le climat »… En septembre, plus de 250.000 personnes l'accompagnaient à New York.
En octobre, les militants du mouvement social écologiste Extinction Rebellion, les « XR » , nés au Royaume-Uni en 2018, ont, eux aussi, mené plusieurs actions coup de poing, notamment à Paris. Ils demandent « la reconnaissance de la gravité et de l'urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet ». Greta Thunberg a récemment appelé à une prochaine « grève scolaire » mondiale le 29 novembre.
Next global schoolstrike is on November 29th and in some countries December 6th. Please help spread the word! #fridaysforfuture pic.twitter.com/Y42aNiiKco
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) November 18, 2019
Joël Cossardeaux et Muryel Jacque