L'histoire oubliée des camps d’internement de Japonais aux Etats-Unis

Miné Okubo en 1945
Miné Okubo en 1945
Miné Okubo en 1945
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Aujourd'hui dans le Journal de l’Histoire, le souvenir des camps d’internement de Japonais aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale

Le 8 décembre 1941, les Etats-Unis entrent en guerre contre le Japon, allié de l’Allemagne nazie après de longues tergiversations. C’est l’attaque de la base américaine de Pearl Harbor qui précipite cette décision attendue depuis longtemps. Il n’en faut pas davantage pour rallumer les feux de l’hostilité déclarée aux Asiatiques, le fantasme du péril jaune avait déjà connu de beaux jours à la fin du XIXe siècle, frappant d’abord les Chinois, victimes d’émeutes raciales, accompagnés de quotas d’immigration très stricts instaurés en 1924 à l’encontre de tous les ressortissants des pays asiatiques. Le FBI arrête plus de 1 300 personnes en quelques jours. Cela ajouté à la paranoïa d’une nation en guerre, le climat politique et social américain plonge dans les affres d’une suspicion de chaque instant. Un cocktail détonnant dont vont pâtir tous ceux qui s’apparentent aux pays ennemis. Près de 110 000 personnes - Japonais ou Américains d’origine japonaise - sont déplacées dans des camps dits "de réinstallation". Sur le sol américain, et sous les insultes racistes, des familles entières sont regroupées derrière des fils barbelés pour une durée de un à trois ans. 

Une demande de réparation

Longtemps réputée cachée ou oubliée, l’histoire des camps d’internement de Japonais aux Etats-Unis fait l’objet de demande de réparations dans les années 1970 et entre dans les prescriptions scolaires à la fin des années 1980 comme une « mesure raciste, hystérique et regrettable ». La Seconde Guerre mondiale, c’est un moment paradoxal dans l’histoire des Japonais américains, à la fois glorieux et humiliant, marqué par l’expérience de cette détention mais aussi par la gloire des 33 000 Nisei, les deuxièmes générations, qui ont pris part au combat sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale. L’histoire des camps de Japonais aux Etats-Unis connaît un intérêt sans précédent dans les médias, ravivé par les camps installés à la frontière mexicaine par l’administration Trump : le dernier best seller du romancier américain James Ellroy, La tempête qui vient, parmi d’autres romans, une série documentaire diffusée sur Arte, l’exposition des photographies de Dorothea Lange, et la deuxième saison de la série The Terror : Infamy où le trauma de l’internement arbitraire est redoublé par les fantômes du déracinement originel. 

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Pour tous, la sortie des camps sera difficile

Les enfants de ces familles spoliées, qui ont souvent repris avec difficulté leur vie après leur libération, ont raconté cet internement. A commencer par Miné Okubo : jeune étudiante en art, elle est internée avec ses parents dans le camp Topaz. Désœuvrée, elle tient un journal dessiné de son expérience qui sera publié dès 1949. Elle y fait le récit de ces mois hébétés, arrachés au réel, et des stratégies des internés pour montrer leur loyauté à leur pays d’accueil. De nombreux hommes se portent volontaires  pour servir dans l’armée ou pour pallier l’insuffisance de main d’œuvre dans l’agriculture et l’industrie. Mais, pour tous, la sortie du camp sera difficile. Miné Okubo décrit avec humour et mélancolie le labyrinthe administratif infligé à ceux qui se pensaient pleinement américains avant la guerre et les conférences qui leur sont proposées à leur sortie pour favoriser leur réinsertion : « Comment se faire des amis » ou « Comment se comporter dans le monde extérieur ». Des conférences, Miné Okubo en donnera beaucoup par la suite pour raconter l’expérience des ambivalences d’une société américaine qui porte fièrement l’étendard de son multiculturalisme. 

par Anaïs Kien 

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