DOCUMENTAIRE - Un cadre de rêve pour une perspective cauchemardesque. Diffusé ce dimanche 24 novembre sur National Geographic, le documentaire “Sea of Shadows”, produit par la société de Leonardo DiCaprio, ne ressemble à aucun autre. Et c’est sûrement ce qui l’a fait triompher dans tous les festivals où il a été présenté, jusqu’à peut-être briguer l’Oscar au mois de février prochain.
Et pour cause: ce “thriller environnemental” décrit d’une façon inédite un enjeu tristement révélateur de l’urgence que vit la biodiversité mondiale. Tourné en mer de Cortez, sorte d’immense lagon situé entre la péninsule de Basse-Californie et le Mexique continental, à deux heures de route seulement au sud de Los Angeles, le film met en lumière l’extinction en cours des vaquitas, une rarissime espèce de marsouin qui est aussi le plus petit cétacé au monde.
Un animal si méconnu que les pêcheurs locaux en parlent aujourd’hui encore comme d’un mythe, d’une bête qui n’existerait pas. Pourtant, c’est bel et bien le joyau le plus précieux du Golfe de Californie, lieu unique que le commandant Cousteau qualifiait “d’aquarium du monde” pour sa richesse inégalée.
Victime de la convoitise de mafieux chinoix
Un endroit paradisiaque qui souffre aujourd’hui d’un trafic méconnu et pourtant dévastateur, au point que ce n’est pas pour rien si les initiales de “Sea of Shadows” forment le signal d’alerte SOS. Depuis des années, des trafiquants mexicains ont effectivement développé une entreprise florissante dans la région. Ils poussent les pêcheurs locaux à poser des filets pour attraper des totoabas, un autre poisson endémique du Golfe de Californie, en vue de faire du profit.
En effet, la vessie natatoire -un sac de gaz présent chez de nombreux poissons et qui leur permet de se mouvoir à la profondeur qu’ils souhaitent- des totoabas est extrêmement prisée de la médecine traditionnelle chinoise. Ainsi, une scène du film montre 22 de ces organes séchés, emmailloté comme des ballots de drogue. Le commentaire explique: vendus par les trafiquants mexicains pour moins de 5.000 dollars à des mafieux chinois, ils seront revendus pour 35 fois plus en Chine.
Un business juteux qui incite les pêcheurs locaux -quand il n’y sont pas contraints par la mafia locale, et en particulier son parrain, un certain Oscar Parra- à poser toujours plus de filets, dans lesquels finissent par se prendre les vaquitas. Aujourd’hui, il ne resterait plus qu’une quinzaine de ces animaux, et le totoaba, pourtant très fécond, se retrouve lui aussi en danger d’extinction.
Casting de rêve pour récit haletant
Voilà pour le décor: un mammifère marin aussi furtif que somptueux à regarder, un gros poisson peu avenant et victime d’une croyance infondée, un baron de la “cocaïne de la mer” qui mène un trafic international avec la Chine, un journaliste star -Carlos Loret De Mola, sorte d’Élise Lucet mexicain qui enquête sur le sujet-, les militants pro-biodiversité de Sea Shepherd qui luttent sans relâche sur le terrain, et des anciens enquêteurs de la CIA et du FBI qui traquent les criminels sur plusieurs continents.
Une histoire ahurissante et pourtant incroyablement actuelle, illustrant à la perfection, à partir d’un cas particulier méconnu, la crise environnementale actuelle. D’autant que le message est convoyé de manière particulièrement efficace.
Au côté des militants de l’ONG de défense des océans Sea Shepherd, le réalisateur Richard Ladkani assiste à des scènes tout droit sorties d’un film d’action. Des poursuites en bateau entre pêcheurs illégaux et marine mexicaine, un drone espion abattu en direct par des mafieux mexicains, des rencontres filmées en caméra cachée entre enquêteurs de l’Earth League International et trafiquants chinois, des émeutes de pêcheurs mis au chômage par une initiative de protection de l’environnement, une tentative d’attraper et d’élever en captivité l’une des dernières vaquitas encore en vie sur la planète...
Ce récit se révèle haletant, touchant, et terriblement prenant. Car après avoir vu le documentaire, vous ne pourrez plus l’ignorer: à quelques heures de Los Angeles, dans une région prisée des touristes, un animal est en train de s’éteindre sous nos yeux. Malgré tout l’argent et tout l’énergie d’ONG, de journalistes, d’enquêteurs, de biologistes. Une situation qui fait dire au film dans une conclusion pessimiste que pour les océans, la partie pourrait très vite être perdue si le monde ne réagit pas collectivement.
“Sea of Shadows”, ce dimanche 24 novembre à 20h40 sur National Geographic.
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