Russie : quand les femmes battues sont réduites à tuer leur conjoint

‘‘Et maintenant, sale garce, je vais te tuer’’, titre à la une le 25 novembre le journal d’opposition Novaïa Gazeta. Alors que les cas de quatre femmes russes victimes de sévices infligées par leur compagnon sont actuellement étudiés par la Cour européenne des droits de l’homme, le ministère de la Justice de Russie a déclaré que ‘‘le problème de la violence conjugale [était] considérablement exagéré’’.

Des parents de femmes tuées sous les coups de leur conjoint ont adressé une lettre au ministère pour dénoncer de tels propos.

La question des violences domestiques occupe aussi l’actualité en Russie, et les faits divers rappellent à quel point elle est devenue un problème endémique. Un projet de loi sur “la prévention de la violence familiale et domestique”, après avoir rencontré beaucoup de résistance de la part des députés, sera peut-être enfin adopté d’ici la fin de l’année.

À l’issue de leur enquête, les journalistes ont pu mettre en évidence que 79 % des femmes condamnées pour meurtre en Russie ont tué leur conjoint pour sauver leur vie. Dans une grande majorité des cas, les plaintes déposées auprès de la police pour violence conjugale ne débouchent sur aucune protection, et, si l’affaire arrive en justice, les procureurs ont tendance à prendre la défense de l’agresseur, écrit Novaïa Gazeta.

Les femmes se défendent à l’aide de couteaux de cuisine

Dans 93 % des cas, la femme utilise un couteau de cuisine pour se défendre. Elle tombe alors sous le chef d’inculpation d’‘‘outrepassement des limites de l’autodéfense’’ et encourt jusqu’à 15 ans de prison. L’accusée aurait dû se défendre par un ‘‘moyen socialement acceptable’’ est-il généralement opposé à la femme qui a voulu sauver sa vie, comme l’explique l’avocate Elena Solovieva.

Elle aurait dû ‘‘sortir de la maison, se cacher chez des voisins’’. Mais ‘‘prendre une arme pour répondre à l’agression n’est pas un ‘moyen socialement acceptable’’’. En résumé, elle encourt une lourde peine parce qu’elle ‘‘ne peut pas se défendre à mains nues’’.

Il est à noter que dans 89 % des cas d’‘‘outrepassement des limites de l’autodéfense’’, c’est leur conjoint que les femmes tuent. Tandis que les hommes condamnés sous ce chef d’inculpation se défendaient à 67 % contre un ‘‘homme de leur connaissance’’, et seulement dans 3 % des cas contre leur compagne.