Aix-en-Provence

Merveilles des maîtres de l’estampe japonaise

Par

Publié le , mis à jour le
Cerisiers en fleurs, cascades et montagnes enneigées ornent des paysages d’un raffinement extrême. Des courtisanes en kimonos précieux se coiffent ou glissent sur l’eau, une tortue magique surgit des flots… À Aix-en-Provence, le collectionneur Georges Leskowicz dévoile pour la première fois en France ses plus beaux trésors : quelque 150 estampes des plus grands maîtres du Japon, assorties d’objets témoins des merveilles de l’époque Edo (1600 – 1868). D’Hokusai à Hiroshige, excursion en images au pays du Soleil Levant…
Katsushika Hokusai, “Ejiri dans la province de Suruga”, série des « Trente-six vues du mont Fuji »
voir toutes les images

Katsushika Hokusai, “Ejiri dans la province de Suruga”, série des « Trente-six vues du mont Fuji », vers 1831

i

Bourrasque bleutée

Arrachés à leurs propriétaires impuissants, un chapeau conique et une liasse de feuilles de papier s’envolent au-dessus d’une rizière, emportés par un coup de vent ! À l’horizon, une simple ligne pure dessine la silhouette du mont Fuji, symbole sacré du Japon qui, contrairement aux fragiles voyageurs, reste immobile et imperturbable face aux caprices de la nature. Afin d’insuffler de la poésie à ce paysage issu de sa célèbre série des Trente-six vues du mont Fuji, Hokusai a utilisé un pigment nouvellement importé de Hollande, le bleu de Prusse, pour une scène aussi légère que le vent…

Nishiki-e • 25,4 x 37,3 cm • Collection Georges Leskowicz • © Fundacja Jerzego Leskowicza.

Kitagawa Utamaro, Travail d’aiguille (feuille gauche d’un triptyque)
voir toutes les images

Kitagawa Utamaro, Travail d’aiguille (feuille gauche d’un triptyque), 1794-1795

i

Voilage virtuose

Tandis que son bambin joue avec un éventail, une femme équipée d’aiguilles, d’un mètre et d’une paire de ciseaux examine un tissu en vue d’un travail de couture. Remarquable par ses contrastes de jaune et de bleu, cette estampe exprime toute la virtuosité de Kitagawa Utamaro, dont les œuvres étaient de véritables défis pour les graveurs et les imprimeurs. Le visage de la couturière, dont la chevelure est figurée par de fines stries, y apparaît en transparence derrière le voile à pois. Une prouesse, quand on sait que plusieurs bois gravés, un pour chaque couleur, étaient nécessaires pour obtenir l’image finale !

Nishiki-e • 37,7 x 25,3 cm • Collection Georges Leskowicz • © Fundacja Jerzego Leskowicza

Utagawa Hiroshige, “La Forêt du sanctuaire Suijin et la région de Massaki au bord de la rivière Sumida” (35e vue), série « Cent vues célèbres d’Edo »
voir toutes les images

Utagawa Hiroshige, “La Forêt du sanctuaire Suijin et la région de Massaki au bord de la rivière Sumida” (35e vue), série « Cent vues célèbres d’Edo », 1857

i

Sérénité printanière

Écloses au premier plan, de belles fleurs de cerisier coiffent le mont Tsukuba – dont la silhouette bleutée pointe à l’horizon, nimbée d’un filet de brume rose – d’une aura délicate et magique. À ses pieds, des bateaux glissent doucement sur la rivière Sumida, dont la déesse est honorée dans un petit sanctuaire caché derrière les arbres. Dans cette série des Cent vues d’Edo (1856 – 1858), Hiroshige innove avec des paysages verticaux aux cadrages originaux qui, en Europe, inspireront Vincent van Gogh. Une manière poétique d’immortaliser la beauté paisible de la ville d’Edo (actuelle Tokyo), tout juste reconstruite suite à un violent séisme.

Nishiki-e • 35,5 x 25,5 cm • Collection Georges Leskowicz • © Christian Moutarde

Ippitsusai Buncho, Couple visitant l’exposition des chrysanthèmes accompagné d’un servant
voir toutes les images

Ippitsusai Buncho, Couple visitant l’exposition des chrysanthèmes accompagné d’un servant, 1770

i

Sortie coquine

Officiellement interdites, de nombreuses estampes érotiques, parfois très explicites, circulaient au Japon où elles rencontraient un grand succès. Plus discrète que d’autres, celle-ci représente un couple se livrant à des préliminaires coquins en pleine visite d’une exposition de chrysanthèmes ! Tout en l’embrassant, l’homme glisse une main sous le kimono de sa compagne, sans se soucier de la présence d’un petit serviteur occupé (avec une concentration feinte ?) à lire une appellation botanique sur une étiquette…

Nishiki-e • 21,7 x 28,8 cm • Collection Georges Leskowicz • © Fundacja Jerzego Leskowicza

Kitagawa Utamaro, Courtisanes admirant les cerisiers en fleurs (triptyque)
voir toutes les images

Kitagawa Utamaro, Courtisanes admirant les cerisiers en fleurs (triptyque), 1801-1804

i

Courtisanes en fleurs

Dans le quartier des plaisirs, les hommes les plus fortunés d’Edo s’offraient la compagnie de femmes élégantes et cultivées, douées pour la danse et la musique. Ce sont ces courtisanes de luxe, reconnaissables à leurs kimonos précieux, qu’Utamaro représente sur ce triptyque raffiné. Occupées à accueillir une invitée qu’elles s’apprêtent à couvrir de cadeaux, les chatoyantes demoiselles s’imposent comme les plus belles fleurs du tableau, reléguant au second plan un spectacle pourtant immanquable au Japon : la floraison des cerisiers !

Nishike-e • 38,6 x 25 cm ; 38,8 x 25,2 ; 38,2 x 25,2 cm • Collection Georges Leskowicz • © Christian Moutarde

Utagawa Kunisada, “Le Type démodé ou Le Type qui n’a guère de succès” (ou « The In-demand type »), série « Physionomie de trente-deux types dans le monde moderne »
voir toutes les images

Utagawa Kunisada, “Le Type démodé ou Le Type qui n’a guère de succès” (ou « The In-demand type »), série « Physionomie de trente-deux types dans le monde moderne », 1821-1822

i

La mal-aimée

Très prisé au XIXe siècle pour ses estampes d’acteurs de kabuki, l’artiste Utagawa Kunisada réalise en 1822 une série de portraits amusants représentant trente-deux « types » de courtisanes : « la compétitrice », « la populaire », « l’intelligente », « la flatteuse », « celle que les Occidentaux préfèrent »… ou encore celle-ci, « la démodée qui n’a guère de succès ». En mal de clients, cette dernière se jette avidement sur son courrier – sans doute une lettre de rupture ou de rejet –, au point d’en arracher les pages avec ses dents !

Nishiki-e • 38,8 x 26,5 cm • Collection Georges Leskowicz • © Christian Moutarde

Katsushika Hokusai, “Pluie fine au sommet du mont Fuji”, série « Trente-six vues du mont Fuji »
voir toutes les images

Katsushika Hokusai, “Pluie fine au sommet du mont Fuji”, série « Trente-six vues du mont Fuji », vers 1831

i

Orage volcanique

Saupoudré de neiges éternelles, le cône du mont Fuji a pris une teinte chocolat. Hokusai, qui le représente sous toutes les coutures, le dépeint ici par temps d’orage. Traversée d’éclairs graphiques évoquant des coulées de lave, une brume noire masque la moitié inférieure de l’estampe. Mais le sommet du volcan, imperturbable intermédiaire entre la terre et le monde céleste, reste à l’abri dans le ciel pur, sous quelques gouttes de pluie fine…

Assortie d’une œuvre animée en projection immersive signée Culturespaces, ce superbe paysage est présenté du 22 novembre au 15 janvier dans la dernière salle de l’exposition, où il alterne avec deux autres chefs-d’œuvre : la célèbre « Grande Vague de Kanagawa » (du 8 au 22 novembre 2019, puis du 8 au 22 mars 2020) et « Averse soudaine sur le pont Shin-Ohashi » d’Hiroshige (du 16 janvier au 7 mars).

Nishiki-e • 26,1 x 38,8 cm • Collection Georges Leskowicz • © Fundacja Jerzego Leskowicza

Utasakawa Sadagake, “La courtisane Shungetsu dans sa loge”, série « Huit vues dans le quartier de plaisir »
voir toutes les images

Utasakawa Sadagake, “La courtisane Shungetsu dans sa loge”, série « Huit vues dans le quartier de plaisir », fin 1832

i

Précieux surimono

Dépeignant une élégante courtisane en pleine séance de coiffure, cette gravure appartient au genre méconnu des surimono, estampes rares et précieuses mises en lumière par la collection Leskowicz. Destinées à promouvoir des poètes (d’où la présence d’un petit poème sur chacune d’entre elles), ces œuvres délicates étaient tirées à peu d’exemplaires et envoyées en guise de cadeau ou d’invitation par de riches Japonais. Plus travaillée qu’une estampe classique, l’image présente des teintes dorées et argentées résultant de l’application de pigments métalliques, et des effets de relief obtenus grâce à une technique de gaufrage soulignant notamment les motifs du kimono de la belle.

Shikishiban surimono, nishiki-e, gaufrage, pigment métallique • 20,2 x 18, 4 cm • Collection Georges Leskowicz • © Fundacja Jerzego Leskowicza

Utagawa Hiroshige, “Juro Sukenari est tué par Nitta Shiro Tadatsune dans la bataille à l’âge de 22 ans”, série « La Revanche des frères Soga »
voir toutes les images

Utagawa Hiroshige, “Juro Sukenari est tué par Nitta Shiro Tadatsune dans la bataille à l’âge de 22 ans”, série « La Revanche des frères Soga », 1843-1847

i

Duel tragique

Hiroshige illustre ici une vendetta très populaire au Japon, La Revanche des frères Soga, dont il exprime toute l’intensité dramatique. Enfants, deux frères assistent au meurtre de leur père. Dix-huit ans plus tard, ils assouvissent leur vengeance mais l’aîné, Sukenari, âgé de seulement 22 ans, est tué en retour par la garde shogunale. Tandis qu’un feu brûle sous une pluie battante, le jeune homme est sur le point de recevoir le coup fatal de la part de son adversaire, dont la tenue guerrière est finement détaillée par l’artiste. À comparer avec deux somptueuses armures d’époque présentes dans l’exposition, prêtées par le collectionneur Jean-Christophe Charbonnier !

Nishiki-e • 36,4 x 24,7 cm • Collection Georges Leskowicz • © Christian Moutarde

Arrow

Hokusai, Hiroshige, Utamaro. Les grands maîtres du Japon. Collection Georges Leskowicz

Du 8 novembre 2019 au 22 mars 2020

Retrouvez dans l’Encyclo : Hokusai Utagawa Hiroshige

Vous aimerez aussi

Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...

Visiter la boutique
Visiter la boutique

À lire aussi