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«Nana», «gonzesse»... Ces mots moins innocents que nous le croyions

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Ils semblent banals et pourtant... Ces termes d’hier et d’aujourd’hui ont un sens bien plus sulfureux qu’ils ne le laissent paraître.

C’est le propre d’une langue: vivre. Le français évolue, mute, bouge, change. Chaque jour les mots de nos aïeux se parent de nouveaux sens. Peut-être plus joyeux ou malheureux. En l’occurrence, certains termes aujourd’hui courants ou du moins, innocents, ont eu des définitions osées par le passé. Florilège.

Nana

Il est ni élégant, ni vulgaire. Quelque peu maladroit, un peu lourd... «Nana», ainsi que le rappelle Le Trésor de la langue française, désigne dans la langue populaire une «jeune fille, femme». Ainsi peut-on parler d’une «chouette nana», une «nana intelligente». D’où vient cet étrange surnom? Il est, ainsi que l’explique Claudine Brécourt-Villars dans Du couvent au bordel, mots du joli monde (La Table Ronde), le «diminutif du prénom Anna, attesté dans la correspondance de Théophile Gautier». De toute évidence, le nom fut popularisé par l’héroïne qui le porte dans le roman éponyme d’Émile Zola.

Seulement, avant de désigner «n’importe quelle femme» au XXe siècle, le terme qualifiait la «maîtresse en titre du souteneur». C’est-à-dire, «celui qui vit de la prostitution d’une ou de plusieurs filles publiques en se donnant l’apparence de les protéger», peut-on lire sur le site du CNRTL.

Gonzesse

Certes, nous l’entendons de moins en moins. «Gonzesse» disparaît de nos conversations quotidiennes. Ce terme familier «serait dérivé de gonze, ‘‘homme’’, enregistré en 1821 au sens de fille en général», précise Claudine Brécourt-Villars. «Gonze», lit-on sur le site du CNRTL viendrait de l’italien gonzo, «individu stupide»; définition attestée depuis le XVIe siècle. En 1684, un «gonze» peut être une manière d’appeler un «gueux».

En 1864, poursuit l’auteur, une «gonzesse» désigne une prostituée ou la femme de souteneur. Le Trésor de la langue française précise que le terme peut également être employé pour parler d’une «fille de mœurs légères» mais aussi, caractériser un «homme lâche, couard».

Garce

Ce mot est le féminin de «gars». Dès 1130, la forme garz est attestée au sens de «goujat, misérable, lâche (terme d’injure)». En 1155, le terme s’applique à un valet, note Franck H. Laurent dans Femmes que de mots pour vous dire... (Bartillat) Puis, enfin, à un «jeune homme» à la fin du XIIe siècle. Au XVIIIe siècle, un «gars» est un «gaillard».

Quant au mot, «garce», on le trouve sous la forme de «garse» au XIIe siècle: «femme débauchée», «femme vénale» ou encore, «jeune fille, adolescente». Il pouvait, au XIXe siècle, définir une «compagne (hors mariage) puis, au siècle suivant, une «femme de mauvaise vie», lit-on dans le TLFI. Par extension, il qualifie familièrement une «fille ou femme méchante ou désagréable».

Cocot(t)e

Le mot nous fait penser, à juste titre, à l’onomatopée «cot-cot!» qui imite le cri de la poule. Au figuré, peut-on lire dans le Littré, cette appellation est un «terme d’amitié donné à une petite fille; et quelques fois à une grande fille, dans un sens un peu libre». Cependant, remarque Franck H. Laurent, le Supplément de ce dictionnaire ajoute en 1877 en cinquième sens: «fille galante». Définition quelque peu chaste, lorsqu’on la compare à celles données par les dictionnaires d’argot.

Ainsi apprend-on qu’une «cocotte» est une «fille de mœurs excessivement légères, qui se fait grimper par l’homme aussi souvent que la poule par le coq» (Delvau, 1864). Ou encore, une «demoiselle qui ne travaille pas, qui n’a pas de rentes, et qui cependant trouve le moyen de bien vivre - aux dépens des imbéciles riches qui tiennent à se reuiner» (Delvau, 1883). Enfin, «dans le monde galant, la cocotte tient sa place entre la femme entretenue et la prostituée» (Rigaud, 1888). Voilà qui est clair. Ainsi que l’analyse Franck H. Laurent, «la cocotte surgit avec la Révolution industrielle et le brassage mondain qui s’ensuit». Elle attire les princes mais aussi, les affairistes, précise l’auteur. À noter qu’elle vient en général «du peuple et adopte le cocottisme comme moyen de survie».

Milord

«Allez, venez, Milord! Vous asseoir à ma table...» La chanson de Piaf est célèbre. Ainsi que nous le lisons sur le site du CNRTL, un «milord» est «le titre donné aux lords anglais et par extension à tout Anglais». Plus largement, un «milord» peut désigner un «Anglais ou Américain riche et distingué».

Peu le savent, pourtant un «milord» est également un mot d’argot qui peut-être le surnom d’un «entreteneur ou protecteur d’une fille». Un sens attesté dès le XIXe siècle. Ainsi peut-on lire chez Balzac: «Sauvez-le, ou Titine te renie pour son milord

Jules

Ce surnom a, en apparence, un air tout à fait charmant. Voilà un mot que vous entendrez peut-être dans la bouche de vos grands-parents. «Avoir un Jules» signifie «avoir un petit copain, un amant.»

Chose étonnante: un «Jules» peut dans la langue populaire caractériser un «pot de chambre ou tinette», apprend-on dans Le Trésor de la langue française. On peut également parler de «Thomas», même si cet emploi est vieilli.

Un «Jules» pouvait également désigner un «maquereau». Autrefois, l’on pouvait également entendre «Julot». Ainsi que l’écrit Claudine Brécourt-Villars dans Du couvent au bordel, il y avait le «Julot mie de pain», c’est-à-dire un «petit proxénète», mais aussi le «Julot casse-croûte», soit «un homme qui prostitue son épouse».

«Nana», «gonzesse»... Ces mots moins innocents que nous le croyions

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1 commentaire
  • Vincent NETTER

    le

    De tout temps et dans toutes les langues, le vocabulaire fourmille de mots politiquement incorrects pour désigner tel ou tel type de gens de façon péjorative.

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