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Mélenchon, l'homme qui rêvait d'être Mitterrand et qui devint Marchais

Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de l'Émission politique le 29 novembre. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

FIGAROVOX/OPINION.- Après le passage mouvementé du leader de la France insoumise à l'Émission politique la journaliste Christine Clerc analyse la dérive de celui qui se voudrait «président littéraire» et finit dans le rôle de l'amuseur public.


Christine Clerc est journaliste politique. Elle est l'auteur de nombreux ouvrages dont un portrait croisé de De Gaulle et Malraux. De Gaulle et Malraux, une histoire d'amour (Nil, 2008).


Elle avait pourtant tout fait, Léa Salamé, pour amadouer Jean-Luc Mélenchon, invité l'autre soir de son «Emission politique»: non seulement elle avait évité de parler du cas Raquel Garrido, l'ancienne porte- parole du leader de la «France Insoumise», passée chez un représentant du grand capital, Vincent Bolloré, mais elle n'avait pas manqué de rendre hommage, tout sourire, à l'exceptionnelle «culture littéraire» du tribun Mélenchon. Un très bon truc, déjà utilisé avec succès par Édouard Philippe: vedette en septembre de la même émission, le Premier ministre ne manqua pas de saluer «le talent et la culture» de son «premier opposant». Alors, comme jeudi soir, on vit l'enfant de Tanger, titulaire d'une licence de philo obtenue à Besançon ( la ville natale de Victor Hugo) avant de devenir prof au lycée de Lons-Le Saulnier, ronronner. Certes, il a collectionné d'autres titres: conseiller général de l'Essonne sous le règne de François Mitterrand, député, ministre délégué à l'Enseignement professionnel dans le gouvernement de Lionel Jospin et enfin sénateur socialiste puis chef de parti, Mélenchon peut s'enorgueillir d'une assez belle carrière politique, qui l'a mené à la quatrième place aux dernières présidentielles, sur les talons de François Fillon.

Il n'a jamais oublié que François Mitterrand, qu'il admira tant, lui lança un jour «Marchez votre chemin!» Arpentant les podiums en parlant aux «gens», c'est avec le premier président socialiste de la Ve République qu'il continue, en fait, de dialoguer: «Je marche, Monsieur!» sourit-il intérieurement avant de clamer face à son public «Je suis le seul artiste poète en politique!». Oui, un «président littéraire», voilà ce que Mélenchon rêvait d'être. Parlez-lui donc du Victor Hugo des «Misérables» ou de «La Rose et le Réséda» d'Aragon, et vous le verrez s'arrondir dans son fauteuil comme un gros matou et sourire comme un enfant de 66 ans qui a vu le Père Noël. Car rien ne peut flatter davantage ce «Sans-culotte» à la cravate rouge, que de le traiter en pair de l'écrivain aristo Jean d'Ormesson - qu'il admire au point de l'attendre une heure dans un couloir à la sortie d'une émission TV et qu'il appelle, tout fier ( depuis que l'Académicien l'a reçu chez lui à déjeuner) «mon pote».

On songe à Jean-Marie Le Pen, qui se rendit coupable, un jour en campagne, d'agressions sexistes verbales et le paya très cher. Mais tout est permis à « Meluche ».Car il amuse le public comme Coluche

Mais voilà qu'on lui parle du Venezuela! Alors, «l'Insoumis» qui se souvient d'avoir adoré, dans sa jeunesse mais aussi à l'âge mûr, les révolutions de Cuba, de Bolivie et du Venezuela comme d'autres adorèrent l'Union soviétique stalinienne et la Chine de Mao - ce qui ne l'empêche pas, aujourd'hui, de voyager en première classe - dénonce un «traquenard» et se met à éructer. L'instant d'avant, le dos rond sous la flatterie, il faisait «miaou…» Mais soudain, il se dresse en meuglant «Meuh! Meuh!» comme une vache présumée imbécile. Il en a «ras le bol», poursuit-il, qu'on lui répète «Venezuela! Venezuela!» au prétexte qu'il a affiché son admiration pour le dictateur Maduro. La propre fille de l'écrivain Régis Debray, un authentique ancien compagnon de lutte du «Che», ose-t-elle raconter la vie quotidienne de sa grand-mère vénézuélienne qui, à 77 ans, se lève à l'aube pour aller faire la queue pour un peu de lait, tandis que d'autres font la queue à l'hôpital de Caracas dans le vain espoir d'être soignés? Mélenchon l'accable de son mépris «Ah, c'est votre heure de gloire, hein?» avant de lui tourner le dos. Interrogé ensuite par Nathalie Saint Cricq, il lui beugle d'aller «se faire foutre»… Ennuyeux pour un défenseur, de gauche, de l'égalité hommes-femmes. En éprouve-t-il seulement du remords? Pas du tout! Dans son blog, trois jours après, Mélenchon fustige Léa Salamé «sans foi ni loi» et poursuit sa diatribe.

On songe à Jean-Marie Le Pen , qui se rendit coupable, un jour en campagne, d'agressions sexistes verbales et le paya très cher. Mais tout est permis à «Meluche». Car il amuse le public comme Coluche. Ou comme l'illustre communiste Georges Marchais, dont François Mitterrand disait «Aboyer est sa façon ordinaire de s'exprimer».

Mélenchon, l'homme qui rêvait d'être Mitterrand et qui devint Marchais

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