Migrants, toxicomanes : la porte d’Aubervilliers craque

    560 migrants de la porte d’Aubervilliers (XIXe) ont été évacués ce jeudi, sur un total de 2000 personnes. Une opération «à minima » selon certains, dans ce quartier au bord de la crise de nerfs, où se sont également installés les toxicomanes chassés de la « colline du crack ».

     Porte d'Aubervilliers (XIXe), ce jeudi. 560 migrants ont été évacués sur un total de 2 000 exilés. Une opération "à minima" selon les associations et les riverains
    Porte d'Aubervilliers (XIXe), ce jeudi. 560 migrants ont été évacués sur un total de 2 000 exilés. Une opération "à minima" selon les associations et les riverains LP/C.B.

      Deux mille exilés... Et seulement 560 mis à l'abri ce jeudi matin. L'évacuation d'une partie des campements de la porte d'Aubervilliers (XVIIIe et XIXe), la 60e depuis 2015, a laissé un goût amer aux riverains, aux élus et aux associations de défense des migrants : 23 d'entre elles, dont Médecins du monde, Amnesty International, la Cimade ou Paris d'Exil, ont signé un texte commun dénonçant «le cycle infernal » des évacuations suivies du «retour à la rue d'hommes, de femmes et d'enfants. « Le gouvernement ne peut continuer de reproduire ces opérations sans garantir un hébergement pérenne, un accès aux soins et aux droits pour toutes les personnes exilées ».

      Ce jeudi, seuls 260 migrants en famille et 300 hommes seuls ont été pris en charge et conduits vers des gymnases d'Ile-de-France, tandis sur l'allée Valentin-Abeille, le long du boulevard périphérique, les forces de l'ordre repoussaient plus loins des dizaines de toxicomanes, qui, chassés de la «colline du crack », porte de la Chapelle (XVIIIe), avait élu domicile sur ce chemin, fréquenté chaque jour par les écoliers et leurs parents.

      Ce lundi soir des habitants des quartiers Chapelle, Charles-Hermite et porte d'Aubervilliers (XVIIIe et XIXe) ont bloqué le tram pour protester contre le trafic de drogues;/DR
      Ce lundi soir des habitants des quartiers Chapelle, Charles-Hermite et porte d'Aubervilliers (XVIIIe et XIXe) ont bloqué le tram pour protester contre le trafic de drogues;/DR LP/C.B.

      « Les toxicomanes restent à nos portes »

      Ne bénéficiant d'aucune prise en charge, les crackers se sont dispersés dans les rues du quartier, soulevant la colère des riverains: «Le cauchemar continue, s'insurge l'un d'eux : non seulement l'évacuation des migrants s'est faite à minima, mais les toxicomanes restent à nos portes. »

      Durant cinq jours, du 18 au 22 novembre, des dizaines d'habitants des XVIIIe et XIXe arrondissements ont occupé chaque soir les rails du tramway, porte d'Aubervilliers, pour dénoncer des quartiers devenus «la poubelle de Paris, la honte de la France ».

      Un risque humanitaire est majeur

      «Le nord-est est en première ligne et il est en train de craquer ! Reconnaît François Dagnaud, le maire (PS) du XIXe. Notre voix a tout de même porté, puisque cette évacuation, certes insuffisante, a eu lieu. Mais nous ne relâcherons pas la pression tant que tout le monde n'aura pas été pris en charge, d'autant que des températures négatives sont annoncées. Sur ces campements, le risque humanitaire est majeur, et aucune réelle alternative à la rue n'est proposée. » Ghislaine, qui vit depuis quatre décennies boulevard Ney (XVIIIe), ne décolère pas : «Entre les migrants qu'on laisse vivre dans des conditions abominables et les toxicomanes, notre vie quotidienne est devenue un enfer. Les gens ont peur des fumeurs de crack, qui agressent, volent et menacent. Les enfants n'ont plus un endroit pour jouer. Dans le quartier Charles-Hermite, surtout le soir, nos rues ne nous appartiennent plus, et aucune solution pérenne n'est envisagée. »

      L'allée Valentin-Abeille (XVIIIe), investie par des exilés et des toxicomanes de la "colline du crack" évacuée, a été rendue aux habitants ce jeudi./LP/C.B.
      L'allée Valentin-Abeille (XVIIIe), investie par des exilés et des toxicomanes de la "colline du crack" évacuée, a été rendue aux habitants ce jeudi./LP/C.B. LP/C.B.

      Un démantèlement complet programmé ?

      La préfecture de police a beau préciser que l'opération de ce jeudi n'est «qu'une maraude» et assurer qu'elle travaille activement pour procéder au démantèlement complet du campement de porte d'Aubervilliers conformément aux orientations gouvernementales », l'inquiétude reste vive dans le quartier, et parmi les militants associatifs : «le seul engagement respecté à ce jour c'est le zéro-retour porte de la Chapelle », assurent les 23 signataires. Depuis le démantèlement, au début du mois, d' un campement de 1 600 personnes, «la préfecture de police a renforcé le déploiement des forces de l'ordre dans la zone, pour éviter la reconstitution du camp. Ce harcèlement qui disperse et « invisibilise » les exilés, semble pour l'instant être la seule promesse tenue. Pourtant, il ne résout en rien la situation des personnes à la rue ».

      LA VILLE ACTIVE SON PLAN HIVER

      Hier soir, le gymnase Poliveau (Ve) a ouvert ses portes pour la première fois de l'hiver afin d'accueillir entre 60 et 90 sans-abri. Un système de rotation permet que chaque gymnase ne soit désormais mobilisé que pour une durée de trois semaines maximum. Des intervenants sociaux et médicaux seront présents. De nombreuses mairies d'arrondissement ouvriront également leurs portes ou celles d'une annexe tout l'hiver ou en période de grand froid afin d'héberger les personnes sans domicile fixe. Ce sont ainsi huit mairies d'arrondissement et l'Hôtel de Ville qui sont mobilisés.