Vidéo : le plus grand rassemblement de tortues de mer jamais filmé

Chaque année au Costa Rica, les tortues olivâtres se pressent par centaines de milliers sur les plages d'Ostional mais l'aménagement et le tourisme pourraient menacer leur avenir.

De Douglas Main
Publication 27 nov. 2019, 17:50 CET
Une ou deux fois par mois pendant la saison des pluies au Costa Rica, des tortues ...
Une ou deux fois par mois pendant la saison des pluies au Costa Rica, des tortues olivâtres femelles reviennent sur terre par dizaines de milliers pour y pondre leurs œufs, cet événement de nidification massive porte le nom d'arribada. Les éclosions débuteront 45 jours plus tard.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P. Peschak, Nat Geo Image Collection

Tous les ans, le Refuge National de Vie sauvage Ostional au Costa Rica est le théâtre d'un événement hors du commun : des centaines de milliers de tortues olivâtres femelles se hissent à terre pour y pondre leurs œufs, avec seulement quelques jours d'intervalle bien souvent.

La biologiste Vanessa Bézy étudie depuis plusieurs années ce phénomène connu sous le nom d'arribada en espagnol. Dans le cadre de ses recherches, elle a filmé les reptiles, pour la plupart des tortues olivâtres, se rassembler dans l'océan avant de s'élancer vers le rivage. Un jour, par chance, elle a enregistré grâce à un drone un immense rassemblement de ces créatures, la plus grande densité de tortues de mer jamais filmée.

« J'ai immédiatement su qu'il se passait quelque chose de spécial, » se souvient-elle du jour où elle a filmé l'essaim de tortues en novembre 2016. « Encore aujourd'hui, j'ai le souffle coupé par la vidéo. Elles ressemblent à des autotamponneuses. »

 

 

Ostional est l'un des seuls endroits au monde où les arribadas sont aussi massives ; selon les experts, il n'y a que la plage Escobilla à Oaxaca au Mexique qui accueille plus de visiteurs tortues.

Bézy indique qu'elle publie la vidéo aujourd'hui car les tortues sont de plus en plus menacées par le nombre croissant de touristes qui peuvent envahir les plages au moment le moins opportun, mais également par le développement urbain. Ce film permet de sensibiliser le public quant au caractère unique de ce lieu et son besoin d'être protégé, explique Bézy, également exploratrice National Geographic.

« C'est la première fois que je vois une vidéo qui immortalise ce phénomène dans l'eau, » déclare Roldán Valverde, directeur scientifique de l'organisme Sea Turtle Conservancy basé en Floride et biologiste au sein de la Southeastern Louisiana University. « La plupart des photographies qui documentent ce phénomène sont centrées sur la plage. »

L'enregistrement par drone montre le rassemblement des animaux avec une densité d'environ une tortue par mètre carré, ce qui est sans précédent à travers le monde. Au cours de la saison humide, la densité moyenne a été estimée à 250 tortues par kilomètre carré, une autre valeur hors norme. De plus, on remarque sur la vidéo un flux constant de tortues en provenance des profondeurs, ce qui laisse entendre qu'il y a encore plus de tortues sous la surface.

Bézy espère que ses travaux permettront de percer le secret du pourquoi et comment ces tortues se retrouvent sur cette plage, principalement d'août à octobre. Les facteurs pourraient aller des courants marins à l'orientation de la plage en passant par le type de sable ou tout simplement les préférences de ces animaux. Le nombre faisant la force, de telles arribadas pourraient également assurer une certaine sécurité aux femelles et à leurs œufs en maximisant leurs chances de survie, ajoute Bézy.

Les tortues olivâtres sont l'une des six espèces de tortues de mer que l'Union internationale pour la conservation de la nature considère comme étant menacées et de tels rassemblements de masse sont une partie essentielle de leur cycle de vie, poursuit-elle.

« C'est un phénomène naturel énigmatique, » observe-t-elle. « Nous ne savons pas comment les tortues se coordonnent et pourquoi. »

 

UN BESOIN D'ENCADREMENT

À Ostional et dans les environs, l'Homme gagne rapidement du terrain et des réglementations sont nécessaires pour garantir que cette expansion se fasse de manière responsable, préconise Bézy.

L'une des communautés jouxtant Ostional, la municipalité de Nicoya, travaille actuellement sur un ensemble de mesures qui permettra d'établir une « zone tampon » autour du refuge faunique. Environ 80 % des résidents soutiennent les réglementations proposées, indique Francisco Jimenez de la Nosara Civic Association, une organisation qui collabore étroitement avec les représentants de Nicoya pour étoffer les mesures.

Cependant, certains promoteurs ne partagent pas ce sentiment. Pour Jeffrey Grosshandler, PDG de The Gilded Iguana Hotel et copropriétaire d'une franchisse immobilière dans la région, le processus de réglementation pourrait créer une « insécurité juridique » pour les promoteurs. Il affirme que les mesures proposées n'ont pas été approuvées par le gouvernement fédéral et revendique une approche uniforme pour tous les secteurs qui, idéalement, devraient être répartie en fonction de différences démographiques ou géographiques bien précises.

Des tortues olivâtres se rassemblent à proximité des côtes du Refuge National de Vie sauvage Ostional.
PHOTOGRAPHIE DE Vanessa Bézy

Jimenez soutient quant à lui que le processus est tout à fait approprié et rappelle que les règles proposées ont été partagées à plusieurs reprises et modifiées en fonction des retours du public. La commission présentera dans les semaines qui arrivent la dernière version des réglementations et le public disposera de 10 jours ouvrables pour faire part de ses commentaires en personne à l'occasion d'une réunion, ou par e-mail. Il espère un achèvement de la procédure début 2020.

D'après Bézy, ces mesures cherchent à encadrer la hauteur des bâtiments, l'utilisation des éclairages et d'autres facteurs qui pourraient affecter l'environnement et les tortues. Elle trouve cet ensemble de règles plutôt permissif pour les promoteurs mais reconnaît qu'il est toujours mieux que rien étant donné le rapide développement de la zone.

 

UNE RÉCOLTE DURABLE ?

L'aménagement est déjà interdit sur les 200 premiers mètres du rivage, à l'instar des autres zones protégées du pays.

Pendant les deux premiers jours des arribadas, les locaux ont le droit de recueillir les œufs qui ont de grandes chances d'être piétinés par les tortues qui arrivent plus tard. Ils peuvent ensuite vendre ces œufs et une partie des revenus est utilisée pour financer les projets de la communauté comme les infrastructures, les agents de sécurité et les nettoyages de plage.

Les travaux de Valverde suggèrent que cette récolte est durable, en partie parce qu'il existe des règles qui limitent le lieu et la période de récolte des œufs. Malgré son apparence stable, il semblerait que la population de tortues olivâtres d'Ostional ait connu un déclin ces dernières décennies, précise-t-il. (À lire : Malgré les menaces croissantes, certaines tortues marines parviennent à s'adapter.)

En revanche, les œufs sont également récoltés de manière illégale, témoigne Bézy, à l'origine d'une ONG appelée TortuGuiones Sea Turtle Conservation Project qui utilise le concept de sciences participatives pour mesurer le niveau de récolte et de perturbation des nids. Bézy a également fondé un autre groupe, la Wildlife Conservation Association qui travaille à « la protection de ce qu'il y a ici, » dans ses mots, par exemple en s'associant avec les groupes de touristes pour une observation responsable des tortues, sans les déranger.

Elle espère que le grand public fera plus attention aux tortues après avoir vu ce film et soutiendra la protection de la zone.

« Tous ceux à qui j'ai montré cette vidéo ont eu une réaction chargée d'émotions, » conclut-elle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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