Yann Arthus-Bertrand : «C’est décidé, j’arrête de prendre l’avion !»

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    "C’est décidé, j’arrête de prendre l’avion !"
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Propos recueillis par Pierre Mathieu

l'essentiel Interview de Yann Arthus-Bertrand, photographe, réalisateur, créateur de la Fondation Goodplanet.

C’est à bord d’hélicoptères que le photographe Yann Arthus Bertrand a immortalisé "La terre vue du Ciel", livre aux 3 millions d’exemplaires qui a changé notre regard sur la planète avant que l’astronaute Thomas Pesquet aille la voir de beaucoup plus haut. Infatigable voyageur international, témoin des atteintes portées à la nature dans le monde, le photographe et réalisateur de documentaires a décidé de ne plus prendre l’avion.

Qu’espérez-vous de la COP25 à Madrid ?

Rien, et je me demande à quoi ça sert ! On parle de 22 000 personnes qui seront à Madrid… Il faut qu’on arrête ces grandes conférences où on prend l’avion pour venir parler des énergies fossiles ! Je ne dis pas que ce n’est pas important, mais il faut faire autrement : y aller en train et organiser plutôt des visioconférences. Moi, j’ai décidé la semaine dernière de ne plus prendre l’avion, je vais essayer en tout cas. Je ne serai pas le premier, je ne m’en vante pas, et vu ce que j’ai consommé en carbone pendant trente ans, je n’ai pas d’exemple à donner et j’aurais dû arrêter bien avant… A 73 ans, c’est une décision beaucoup moins courageuse qu’à 20 ans.

La COP21 avait débouché sur l’accord de Paris…

Quand on repense à cet accord, où il n’y a pas les mots charbon, pétrole ni énergies fossiles, j’ai l’impression que les gens l’ont signé en se disant "on verra bien ce qui va se passer". D’après cet accord, chaque Français en 2050 devra émettre au maximum 2 tonnes de CO2 par an, aujourd’hui on en émet 12 et ça augmente. On est tous inquiet de ce qui va se passer, mais on est incapable de changer de vie parce qu’on est tous dépendant de la croissance. Le Graal de tout gouvernement, c’est le pouvoir d’achat et l’emploi et c’est normal. Mais regardons le monde, on était 2 milliards quand je suis né, on est presque 8 milliards aujourd’hui, les consommations de viande et de poisson sont multipliées par 8 !

Energie, transports, déchets, agriculture, l’urgence est partout...

C’est chaque année de pire en pire et la consommation des énergies fossiles augmente. Il faut accepter l’idée qu’on a perdu la bataille contre le changement climatique pour parvenir à voir le monde de façon différente. L’espoir de toujours se dire qu’on va trouver nous empêche de trouver de vraies solutions beaucoup plus radicales. Empathie, bienveillance, partage, ouverture, éthique, c’est ça qu’il faut mettre au cœur de notre vie, et aujourd’hui, ce n’est pas le cas. On est dans la banalité du mal, il nous entoure, on mange de la viande sans savoir comment les animaux sont élevés et ce qui se passe dans les abattoirs. Et je dis ça en sachant que je ne fais pas mieux que les autres. Et non, je ne suis pas collapsologue, mais écoutez Pablo Servigne [chercheur et conférencier sur la transition écologique], il parle de la fin du monde et on ressort de là avec la pêche.

Le 10 décembre à Carcassonne, vous présentez "Woman"*, que vous avez réalisé avec Anastasia Mikova. L’avenir s’écrit-il au féminin ?

On est encore loin de l’égalité et dans le monde, où moins de 10 % des pays sont dirigés par des femmes, l’injustice les frappe toujours en priorité : elles représentent 70 % des personnes sous le seuil de pauvreté, une sur trois subit des violences au cours de sa vie. Et l’on sait, on voit, que ce sont elles qui font le plus preuve de courage. Greta Thunberg, que j’ai croisée une fois sans oser lui parler, on l’admire pour ça. Ce qu’elle a fait, aucun écolo au monde n’y était encore arrivé, sa détermination va au-delà de ses souffrances. c’est la souffrance de la Terre qu’elle exprime.

 

* "Woman", documentaire qui a nécessité 2 000 interviews dans 50 pays, sera projeté le 10 décembre au Dôme de Carcassonne, en ouverture du 2e festival du film politique. Tél. : 04 68 10 56 00.

 

 

Expo à Narbonne

Jusqu’au printemps 2020, au château L’Hospitalet (Gérard Bertrand) de Narbonne, Yann Arthus Bertrand présente en photos une approche photographique et singulière des objectifs de développement durable autour du monde. Tous les jours, tél.04 68 45 28 50.

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Les commentaires (9)
PLUMAGILE Il y a 4 années Le 09/12/2019 à 11:04

L'avion pollue, les bateaux aussi ; on le sait, mais on ne le dit pas assez. C'est plus facile de dire que la voiture pollue. Prenez le train (quand les conducteurs ne sont pas en grève) les bus de substitution s'il y en a, sinon bla-bla-car, covoiturage... Bourrage de crâne avec le réchauffement climatique et l'écologie !

Orky-D Il y a 4 années Le 05/12/2019 à 16:24

Prendrait-il sa retraite ? comme ça il n'ira plus aux antipodes pour prendre des photos et faire des films ! Je n'ai regardé que son premier reportage et quand j'ai entendu son prêche "faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais" j'ai boycotté toutes les émissions suivantes.

ricoco13 Il y a 4 années Le 05/12/2019 à 11:50

il a pu se payer un pédalo électrique pour ses deplacements ahahah