Tribunal : « Quand une femme m’appartient, elle ne doit pas porter de jupe »

Par Thierry Charpentier

Trois accès de violences sur sa compagne l’ont amené devant le tribunal de Quimper, ce mardi. Les magistrats ont découvert sa conception de la femme, et sa mise en examen pour des coups mortels sur son ancienne compagne. Il a écopé d’un an ferme.

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« Pas exactement », répond-il au président qui lui demande s’il est d’accord avec le récit de ses emportements. « Je ne suis pas responsable de toutes les blessures sur son corps. Elle aime bien que je l’embrasse fort ». Le magistrat exhume le certificat médical, mentionnant dix jours d’ITT, une liste « d’abrasions consécutives à une strangulation » et des lésions en tout genre. Il y a aussi un album photo. Le juge lui présente chacun des clichés, lentement. Les jambes sont tuméfiées. Le cou parcouru de griffures. « Et là, vous ne l’avez pas prise par le cou ? », interroge-t-il. « Non ».

Sur le banc de la partie civile, celle dont les parties du corps sont ainsi exhibées est invitée à détailler les coups reçus. « Claques, coups de poing, de pied, de tout… », souffle-t-elle. Derrière elle, plusieurs membres de sa famille sont arrivés de région parisienne pour la soutenir. Ils s’inquiétaient depuis quelque temps pour celle qui avait perdu son époux en 2010, et qui était arrivée à Quimper en 2013, où elle rencontrera le prévenu dans le cadre du travail.


« Arrête, s’il te plaît »


Dans le box, mains jointes, Sofien Hajji, 35 ans, réfute tout, si ce n’est une gifle. « Pas vraiment une gifle, c’était sur les mains, le bras quoi, parce qu’elle insultait ma mère ». Ça ne colle pas avec les faits : le 28 novembre, la police a dû intervenir à leur domicile, avenue de la Gare, à Quimper. Une résidente avait appelé à 4 h du matin, après une nuit à entendre une femme supplier : « Arrête, s’il te plaît ». Le lendemain, elle dépose enfin plainte et raconte deux autres épisodes, mais surtout une relation toxique, faite de séparations et de retrouvailles, au gré des humeurs du prévenu, qui voulait un mariage religieux. Ce qui fut fait le 31 juillet. En octobre, elle apprend qu’il lui a été infidèle. Elle lui en fait le reproche et reçoit une dégelée de coups. Elle quittera les lieux à 3 h 30 du matin, le visage tuméfié. Inquiète, elle prendra quelques photos des hématomes et les enverra à deux connaissances. Le 13 novembre, ils se rabibochent. Pas pour longtemps. Le soir du 27 novembre, les coups pleuvent comme jamais. Il lui enserre le cou, lui retourne le bras sur le lit. Plusieurs fois, elle tente de s’enfuir par la fenêtre, en vain. Épuisée, elle s’endort sur le sol.


« Elle ne servait plus à rien »


La victime raconte aussi une forme d’emprise. Il lui a fait Interdiction de porter des jupes, de parler à d’autres hommes et même de « liker » un commentaire sur Facebook. La serveuse d’un bar du quartier de la gare, qui a eu une aventure d’une nuit avec le prévenu, a été auditionnée. Elle raconte que dès le lendemain, il lui interdisait de porter des robes, de parler à d’autres hommes. Il lui avait aussi remis un livre sur l’islam, pour qu’elle potasse. Elle était ivre au moment de leur étreinte. Étrangement, au réveil, elle avait plusieurs hématomes sur le corps et il la suivra pendant quinze jours. « Quand une femme m’appartient, elle ne doit pas porter de jupe, par rapport à ma religion. Je suis comme ça », répond-il à la procureure Marie-Noëlle Collobert qui l’interroge sur sa conception de la femme. La magistrate revient sur l’un de ses propos, quand il a asséné à sa victime qui fut opérée d’un cancer de l’utérus : « Vous lui avez dit que vous étiez allé avec une autre, qu’elle ne servait plus à rien parce qu’elle n’avait plus d’utérus ? ». Il acquiesce : « C’est pas impossible. Je suis encore jeune. J’ai voulu offrir un enfant à ma mère ».


« Une femme est l’égale de l’homme »


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La procureure se contient à peine : « Une femme n’appartient à aucun homme. Une femme est l’égale de l’homme. Si une femme veut porter une jupe, elle porte une jupe. Si elle veut regarder un homme dans la rue, elle le regarde ! ». Elle rappelle sa mise en examen, à La Réunion, pour des coups mortels sur sa compagne, celle dont il dit qu’elle s’était suicidée. « Ça questionne ! », estime la parquetière, qui requiert 24 mois de prison, dont six avec sursis et mise à l’épreuve. L’avocate de la défense voit une note positive : « C’est que mon client ne cache pas ses propos ». Sofien Hajji est condamné à 18 mois de prison, dont six avec sursis. Il est maintenu en détention. Il a interdiction de contacter la victime, de se rendre à son domicile ou à proximité, et de séjourner dans le Finistère pendant deux ans.

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