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Bientôt la fin des thérapies de conversion aux Etats-Unis et… en France ?

Léa Collet
Publié le 04/12/2019 à 11:06 Modifié le 04/12/2019 à 11:12
Bientôt la fin des thérapies de conversion aux Etats-Unis et… en France ?

350 000 personnes homosexuels ou transgenres ont déjà subi des thérapies de conversion en 2018 aux Etats-Unis. Ces thérapies, connues et répandues outre-Atlantique, sont en passe d’être interdites pour les mineurs dans l’Utah. Il sera le 19

ème
Etat à les faire interdire. Un pas supplémentaire vers leur disparition, alors qu’en France un projet de loi doit être déposé pour interdire ce type de psycho-thérapies.  

Prières, jeûne, exorcisme… Chaque année ce sont des milliers de mineurs qui sont confrontés à l’impensable dans des thérapies de conversion. Ces « thérapies » se donnent pour but de rendre une personne homosexuelle, hétérosexuelle et une personne transgenre, cisgenre. L’Etat de l’Utah, aux Etats-Unis, vient d’interdire les thérapies de conversion pour mineurs, avec l’accord de l’Eglise de Jésus-Christ Des Saints Derniers Jours, possédant une forte influence politique au sein de cet Etat très conservateur. Il s’ajoute au 18 autres Etats qui ont penché en faveur de cette interdiction et qui devrait entre en vigueur d’ici le 15 décembre. Selon le William Institute, entité de l’école de droit de l’Université de Los Angeles, ce sont 80 000 mineurs qui passeront encore, aux Etats-Unis, par ces thérapies de conversion avant leur majorité. 

6000 jeunes LGBT ont pourtant échappé à ces thérapies de conversion ou « homothérapies » ces dernières années, grâce à l’interdiction de ces pratiques dans les 9 États que sont la Californie, le Connecticut, l’Illinois, le Nevada, le New Jersey, New Mexico, l’Oregon, Rhode Island, le Vermont et Washington, selon cette même étude.

Ces cessions psychospirituelles sont menées essentiellement par deux entités : « Courage », association catholique fondée en 1980 à New-York et la seconde, Desert Stream Living Waters (devenue Torrents de vie en français), protestante évangélique et fondée en 1980 par Andrew Comiskey, ex-leader gay devenu hétérosexuel.

Les deux associations défendent l’idée que l’homosexualité résulte « d’un blocage psychoaffectif à un stade infantile et que, de ce fait, il est possible de le guérir ».

Les thérapies de conversion mènent au suicide

Ces thérapies de conversion, que l’on pourrait penser abolies de nos jours, tant elles semblent cruelles et provenir d’une autre époque, existent toujours et les expériences traumatiques comme l’exorcisme, se mettre nu devant une assemblée ou encore prier à outrance, mènent malheureusement de nombreux jeunes au suicide.

Plusieurs associations psychiatriques américaines, The American Medical Association, The American Psychiatric Association, et The American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, ont réalisé la première étude sur les thérapies de conversion et leurs conséquences sur la santé mentale de ceux qui y ont participé. Qu’elles soient homosexuelles ou transgenres, les personnes contraintes de participer à ces cures sont davantage sujettes aux tentatives de suicide après ces thérapies de conversion. 

Ces « camps chrétiens » ont axé leurs actions, plus récemment, sur les personnes transgenres. Selon des recherches menées par la Harvard Medical school et Fenway Institute, 200 000 personnes transgenres seraient visées par ces thérapies outre-Atlantique. En 2012, un manuel intitulé « Trouble de l’identité sexuelle chez les garçons: un protocole de traitement fondé sur le parent et les pairs » a été publié par une équipe de la Columbia University qui légitimait le recors aux thérapies de conversion. Ce manuel recommandait toute une gamme d’interventions pour pousser un enfant à devenir cisgenre et à suivre les normes traditionnelles de la société, où la personne transgenre n’existe pas.

Il était recommandé, par exemple, d’écarter les garçons des activités féminines comme la gymnastique et de laisser les garçons entre eux pour qu’ils ne s’habituent pas aux comportements des filles.

Une nouvelle approche de la quête d’identité de genre

Malgré la persistance des thérapies de conversion, les mentalités évoluent. Des médecins se sont penchés sur des approches pour permettre aux jeunes d’exprimer leur identité de genre d’une manière qui leur semble naturelle.

Les traitements hormonaux peuvent être proposés conformément aux protocoles de The Endocrine Society. Mais ces interventions médicales ne sont pas proposées aux enfants n’ayant pas encore atteint la puberté tout comme la chirurgie génitale qui est réservée à l’âge adulte. L’Académie américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent a publié, aux Etats-Unis, une déclaration condamnant toute législation qui rendrait ces soins médicaux illégaux. Si la législation avance pas à pas aux Etats-Unis, les thérapies de conversion, bien que plus discrètes, existent aussi en France sous d’autres noms.

Les thérapies de conversion françaises encore secrètes

Les deux groupes ex-gays, Courage et Torrents de vie, pourtant nées aux Etats-Unis, se sont également implantées en France depuis. Assez méconnues du grand public et peu médiatisées, elles agiraient auprès de très nombreuses personnes homosexuelles et transgenres afin de leur faire suivre des « cessions de restauration », « d’homothérapies » ou de « chemin de guérison », qui sont très similaires aux thérapies de conversion américaines.

Le but de ces groupes est de convertir à l’hétérosexualité ou du moins à encourager l’abstinence sexuelle. Deux journalistes français, Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, se sont infiltrés pendant un an dans ces « cessions de restauration ». Ils ont observé, en France, des hommes et des femmes y prendre part de leur plein gré, pour tenter de « guérir » leur homosexualité

Le “point commun” de ces structures “est d’envisager l’homosexualité comme une déviance psychospirituelle, que l’on pourrait supprimer ou du moins réprimer par toute une palette de méthodes – la parole, la prière, l’exorcisme”, écrivent les deux journalistes dans le livre Dieu est amour aux Editions Flammarion, paru début octobre.

« On nous montre en exemple des gens qui ont ‘guéri’ pour nous prouver que changer de sexualité est possible. Je dirais que les discours que ces gens véhiculent sont définitivement homophobes, mais derrière ça, c’est accueillir le pêcheur mais jamais le pêché. Il y a des gens sincèrement convaincus de vouloir aider les gens qu’il faut sauver du mal, détaille Jean-Loup Adénor, la cause de l’homosexualité est Satan pour ces groupes ».

Une proposition de loi pour 2020

Face à la parole qui se libère sur ces pratiques, la députée LREM Laurence Vanceunebrock-Mialon a saisi le sujet estimant avoir “suffisamment de matière pour prouver qu’il y a un sujet en France” et “une population d’homosexuels qui peuvent être la proie de ce genre de pseudo-thérapeutes”. Elle précise que le problème “reste à la marge” et ne concerne pas toutes les personnes LGBT. Dans la proposition de loi qui devrait être déposée au printemps 2020, 30.000 euros d’amende et 2 ans d’emprisonnement attendent les personnes à la tête de ces pratiques. 

La député estime que la loi est “le meilleur accompagnement qu’on puisse faire à un jeune homosexuel, c’est de l’aider à s’accepter”. Alors n’oubliez pas, acceptez-vous comme vous êtes.

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