La révolte gronde contre les objectifs climatiques « irréalistes » de l’UE

Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne responsable du « Green Deal ».

Le Premier ministre tchèque Andrej Babiš menace d’opposer son veto à l’objectif de l’Europe de devenir le premier continent climatiquement neutre au monde d’ici à 2050. Sa voix s’ajoute à celles des détracteurs du projet, toujours plus nombreux.

Dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, Andrej Babiš a cependant déclaré qu’il pourrait encore changer d’avis en échange d’un soutien financier accru de l’UE et de meilleures conditions d’investissement pour l’énergie nucléaire.

Les investisseurs privés hésitent à investir dans de nouvelles centrales nucléaires, car celles-ci sont confrontées à une hausse constante des coûts et à la concurrence croissante des énergies renouvelables bon marché. Les nouvelles installations dépendent du soutien de l’État, qui nécessite l’approbation préalable du puissant service de la concurrence de la Commission européenne.

Selon le quotidien tchèque Hospodářské noviny, partenaire d’Euractiv République tchèque, Andrej Babiš écrit dans sa lettre que « la construction de centrales nucléaires pourrait nécessiter de modifier certaines règles en matière d’aides d’État ».

Le financement de nouvelles centrales nucléaires est également une question prioritaire pour la Pologne, l’un des derniers États membres à s’opposer à l’objectif de neutralité climatique proposé par l’UE pour 2050.

Lors du dernier sommet européen en octobre, Varsovie a fait savoir qu’elle ne souscrirait à l’objectif 2050 que si les montants des fonds prévus dans le cadre du prochain budget à long terme de l’UE étaient « nettement » revus à la hausse.

La Pologne attise la querelle sur le coût et la signification de la neutralité carbone

La Pologne martèle qu’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 coûterait trop cher et relève du « fantasme ». Le WWF assure que le pays pourrait y parvenir en respectant le délai et le budget fixés.

Les résistances existent aussi au niveau régional. Le 5 décembre, lors d’un entretien entre Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne responsable du « Green Deal » et des élus locaux, ceux-ci ont mis en garde contre l’adoption d’objectifs climatiques « irréalistes » pour 2030. L’objectif de réduire, d’ici à cette date, les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 55 %, comme l’envisage la nouvelle Commission européenne, risque de nuire aux entreprises locales, a déclaré Cor Lamers, le maire de la ville néerlandaise de Schiedam.

 

« Nous sommes dans une situation d’urgence climatique », a répliqué Frans Timmermans. « Ce n’est pas seulement bien de le faire, nous devons le faire », a-t-il martelé, enjoignant les entreprises à s’adapter.

« D’ailleurs, la plupart des entreprises le comprennent parfaitement », a-t-il poursuivi, ajoutant que le sentiment d’urgence, surtout au sein des grandes entreprises, était plus fort qu’en politique.

Fonds de transition équitable « à trois chiffres »

Un fonds de transition planifié et équitable, destiné à aider les régions les plus touchées par la transition énergétique, est considéré comme fondamental pour convaincre les États membres réticents d’adhérer à l’objectif de 2050.

Une proposition de la Commission visant à mettre en place ce fonds, initialement attendue avant le sommet européen de la semaine prochaine, a été reportée au mois de janvier, ce qui laisse planer le doute sur les possibilités de parvenir à un accord sur l’objectif 2050 en décembre.

Mais, afin de rallier la Pologne et la République tchèque, Frans Timmermans a suggéré que le fonds pourrait être considérablement étoffé.

Reste que la révolte gronde également dans le secteur bancaire, où la Commission européenne préconise un programme sur la finance durable. Celui-ci inclut une taxonomie de classification qui fait l’objet d’âpres débats et vise à récompenser les investissements dans les technologies propres.

L’Europe lance un plan d’action sur la finance verte

La Commission européenne a dévoilé le 8 mars son plan d’action tant attendu sur la finance durable, qui clarifiera la définition d’investissements écologiques et réduira potentiellement les exigences de fonds propres pour les détenteurs d’actifs.

« Des banques solvables et rentables » sont une condition sine qua non au développement des financements verts, a déclaré José Manuel Campa, président de l’Autorité bancaire européenne, chargée de la réglementation bancaire.

« Si accorder des prêts dans le cadre de l’économie verte comporte un certain risque, les banques ont besoin de disposer de suffisamment de fonds propres pour faire face à ces risques », a-t-il souligné lors d’un entretien avec Euractiv, ce qui pourrait porter un coup au projet de la Commission de soutenir le financement vert.

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