En tant qu’homosexuel, je ne peux donner mon sang.
Les gens sont souvent surpris lorsque je leur explique qu’un gay ou bi ayant eu des relations sexuelles avec un autre homme au cours des trois mois précédents ne peut donner son sang. Je l’ai moi-même été en découvrant ces restrictions. Mon voyage dans le monde complexe du don du sang, des fenêtres sérologiques des virus transmissibles par le sang, et des méandres des politiques de santé a commencé suite à un moment inattendu dans ma cuisine.
J’étais en train de lire un questionnaire qui, à l’époque, me demandait si j’avais eu des relations sexuelles avec un homme au cours des douze mois précédents. Je ne suis pas du genre à me vanter de ma vie sexuelle mais un seul partenaire par an, même selon mes standards, relève de la traversée du désert. Cette question avait toutefois de sérieuses implications personnelles.
La raison pour laquelle je me retrouvais à lire ces questions dans l’espoir de donner mon sang tenait à un pacte passé avec mes parents. Mon grand-père venait de subir une lourde opération qui avait nécessité le don de près de quatre litres de sang. J’étais extrêmement proche de mes grands-parents, à la fois émotionnellement et physiquement, étant donné qu’ils vivaient à une centaine de mètres du lieu où j’ai grandi. Ils étaient comme des seconds parents pour moi, et apprendre que mon grand-père avait été transporté d’urgence à l’hôpital m’avait naturellement donné des sueurs froides.
L’idée que je ne pourrais m’acquitter de ma dette envers le donneur qui avait sauvé la vie de mon grand-père me donnait des nausées.
Il a survécu à cette opération grâce à la gentillesse d’un inconnu qui avait rempli le même formulaire que celui que je regardais, et donné son sang. La différence étant que cet inconnu avait connue une sacrée traversé du désert ou bien n’était ni gay ni bi. Debout dans ma cuisine, j’ai dû inventer une excuse, mes parents ignorant à l’époque mon homosexualité. L’idée que je ne pourrais m’acquitter de ma dette envers le donneur qui avait sauvé la vie de mon grand-père me donnait des nausées.
Je me suis juré à ce moment-là de tout mettre en œuvre pour pouvoir faire la même chose que ce donneur anonyme: sauver des vies en donnant mon sang. C’est ainsi que FreedomToDonate a vu le jour. Ce groupe de militants bénévoles a obtenu un réexamen des conditions concernant les hommes gay et bi en 2015, et travaillé avec fait voter une loi pour réduire les douze mois d’abstinence en vigueur à trois mois, en 2017. Nous avons aussi lancé récemment une campagne visant à mettre fin, une fois pour toutes, à des règles fondées sur l’orientation sexuelle.
Ça n’a pas été simple. Je ne pensais pas me retrouver un jour sur le canapé de BBC Breakfast, ni évoquer avec Piers Morgan sur Good Morning Britain une campagne bénévole qui, en toute honnêteté, nous a un peu échappé. Mais cela symbolise deux choses: le fort sentiment d’injustice éprouvé face à des réglementations basées sur l’orientation sexuelle, et les milliers de litres de sang qui pourraient être donnés en toute sécurité par des bénévoles si l’on privilégiait une évaluation individuelle des risques.
C’est, à nos yeux, la marche à suivre. Tout en maintenant l’importance cruciale de la sécurité dans l’approvisionnement en sang, nous souhaitons la mise en place d’une évaluation équitable et efficace du risque individuel plutôt qu’une vérification de l’activité sexuelle des hommes gay ou bi. L’éligibilité au don devrait reposer sur le comportement individuel plutôt que sur l’orientation sexuelle et, en utilisant les nouvelles technologies et une analyse factuelle à jour, nous pensons pouvoir contribuer à garantir un approvisionnement de sang sain, en quantités suffisantes pour tous.
[D]es milliers de litres de sang (…) pourraient être donnés en toute sécurité par des bénévoles si l’on privilégiait une évaluation individuelle des risques.
Notre dernière campagne, intitulée #BloodWithoutBias (sang sans préjugés) cherche à attirer l’attention sur les règles actuelles et sur le potentiel de sang sain inexploité. Le joueur de rugby Keegan Hirst nous a aidés à lancer une vidéo de sensibilisation et l’annonce d’une “banque de sang illégale”, pour les volontaires qui ne peuvent donner actuellement et s’engagent à promettre de donner un don de sang en signe de désaccord.
C’est une illustration criante du fait que des milliers de donneurs potentiels pourraient donner leur sang mais en sont actuellement empêchés. Quant à moi, je crois n’avoir jamais été plus proche de l’acquittement de ma dette envers le donneur qui a sauvé la vie de mon grand-père.
L’ampleur du soutien et des encouragements que nous avons reçus lors de l’événement organisé samedi 23 novembre dans l’est londonien m’a pris de court. J’ai même été contacté par des personnes de tout le Royaume-Uni, demandant si cet événement serait reproduit pour montrer l’importance d’un changement de politique. Ces bénévoles déclarent qu’eux aussi souhaitent pouvoir être en mesure de faire ce geste simple et puissant: donner leur sang.
Un don qui sauve des vies. Un don qui a sauvé la vie de mon grand-père.
Cet article, publié sur le HuffPost britannique, a été traduit par Sophie Legras pour Fast ForWord.
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