Agriculture : le mil et le sorgho, victimes du changement climatique

Face à des rendements qui ont chuté de 15 à 20 %, des chercheurs ont mesuré l'impact du réchauffement climatique sur la production des deux céréales ancestrales. 

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En Afrique, particulièrement dans le Sahel, le mil et le sorgho représentent plus de 30 % de la production céréalière globale de ces pays.

En Afrique, particulièrement dans le Sahel, le mil et le sorgho représentent plus de 30 % de la production céréalière globale de ces pays.

© Frao-Warf

Temps de lecture : 4 min

Avant de se projeter en 2050, des chercheurs se plongent… dans le présent. Leur constat est alarmant. Les principales cultures vivrières en Afrique de l'Ouest, le mil et le sorgho, celles qui nourrissent les populations locales, souffrent déjà du réchauffement climatique. Depuis une vingtaine d'années, la production de ces céréales a chuté de 15 à 20 %, cela pourrait être encore pire dans les années à venir, menaçant directement la sécurité alimentaire des habitants.

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Benjamin Sultan et Dimitri Défronce, climatologues à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), ont publié en septembre 2019 une étude sur ces deux céréales en collaboration avec un laboratoire japonais, spécialisé dans les simulations environnementales. Ils ont comparé deux ensembles de simulations climatiques : le premier sans empreinte de l'activité humaine et le second qui intègre les effets des émissions de gaz à effet de serre mais aussi les améliorations technologiques agricoles. Sur une période qui va de 1950 à 2009, ils ont élaboré une centaine de simulations pour chaque ensemble puis comparé les résultats.

Résultats

En fait, sans l'activité humaine, la température moyenne afficherait un degré de moins sur la dernière décennie observée 2000-2009. « Aujourd'hui, le climat en Afrique est complètement lié aux effets de l'activité humaine. On serait incapable d'expliquer une augmentation de la température de 1 °C sans la prise en compte des émissions de gaz à effets de serre », explique Benjamin Sultan. Et cela n'est pas sans incidence. Le changement climatique impacte déjà la production agricole en Afrique de l'Ouest. Des orages et des pics de chaleur plus fréquents ont entraîné une baisse des rendements de 10 à 20 % pour le mil et de 5 à 15 % pour le sorgho. « Bien sûr, les rendements agricoles en Afrique sont très volatils, reconnaît Benjamin Sultan, les nombreuses simulations réalisées permettent de mettre en exergue le bruit de fond du réchauffement climatique et son impact sur la production agricole. » Les auteurs ont aussi calculé les pertes économiques induites par le réchauffement climatique : entre 2 et 4 milliards de dollars pour le mil et entre 1 et 2 milliards de dollars pour le sorgho.

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Sahel en danger

« Les régions les plus touchées se situent dans la frange nord du Sahel », précise Benjamin Sultan. Dans cette région déjà quasiment désertique, secouée par des mouvements djihadistes, la situation risque d'empirer. Les climatologues anticipent un réchauffement particulièrement intense dans les zones désertiques et continentales avec une augmentation des événements extrêmes, sécheresses, pluies diluviennes… « La culture du mil, même si elle est adaptée à la sécheresse de cette région, a déjà fortement souffert de ces évolutions climatiques et il sera bientôt impossible de cultiver cette céréale dans les régions les plus au nord du Sahel », prédit Benjamin Sultan.

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Les solutions

Bien sûr, la première issue de secours passe par la réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Mais sur place, l'adaptation est aussi un enjeu majeur. Les auteurs préconisent de travailler sur la diversité génétique des variétés de mil et de sorgho et sur la sélection de gènes résistants aux fortes chaleurs. En choisissant ces plantes vivrières particulièrement tolérantes, les agriculteurs pourraient les cultiver dans des conditions extrêmes. Sans cette adaptation, la vie dans la région sahélienne – où les moyens d'existence de deux habitants sur trois dépendent de l'agriculture et de l'élevage – deviendra de plus en plus difficile.

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Et demain ?

L'atteinte des objectifs de sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest semble en suspens. Elle dépendra de la capacité du secteur agricole à nourrir la population en croissance rapide et à atténuer les effets néfastes du changement climatique. Selon les dernières études, sans adaptation, le changement climatique entraînera une baisse moyenne du rendement agricole de 8 % dans l'ensemble de l'Afrique d'ici à 2050 et de 11 % en Afrique de l'Ouest. « Des investissements agricoles, non seulement dans les technologies classiques à haut rendement, mais également dans les efforts d'adaptation, sont nécessaires », estiment les auteurs de l'étude.

L'urgence est déjà là. Fin 2019, environ 9,4 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire immédiate, dont 4 millions au Nigeria, 1,5 million au Niger, et 1,2 million au Burkina Faso, selon le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA).

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Commentaire (1)

  • sergio46

    ... Ça serait un moindre mal !