Val-de-Marne : une ado de 16 ans contrainte à faire «200 passes» en cinq jours

Cinq personnes, dont une mineure à peine plus âgée que la victime, soupçonnées d’avoir participé à cette séquestration à Gentilly, ont été interpellées dans la nuit de samedi à dimanche.

 Gentilly, cité du Chaperon-Vert. Les clients des passes rejoignaient un immeuble du quartier après une première prise de contact sur un site de rencontre.
Gentilly, cité du Chaperon-Vert. Les clients des passes rejoignaient un immeuble du quartier après une première prise de contact sur un site de rencontre. LE PARISIEN

    Les deux geôliers qui montaient la garde dans le hall de l'immeuble étaient partis se chercher à manger. Dans la nuit de samedi à dimanche, en ouvrant la porte de cet appartement de la cité du Chaperon-Vert à Gentilly, l'adolescente ne s'attendait pas à voir débarquer les policiers de la brigade anticriminalité de Villejuif.

    Cinq jours qu'on lui envoyait des clients à n'en plus finir. Cette fugueuse de 16 ans expliquera avoir fait près de « 200 passes » pendant sa séquestration. Un nombre astronomique qui n'a pas pu être confirmé dans cette nouvelle affaire de proxénétisme de cité. Cinq personnes, dont une autre adolescente, à peine plus âgée et soupçonnée d'avoir sous-loué l'appartement de sa mère, ont été interpellées.

    Un sac-poubelle rempli de préservatifs usagés

    « Ils sont au fond là-bas », murmure en tremblant l'adolescente aux policiers après avoir ouvert la porte. Au milieu du couloir, deux jeunes majeurs, déjà connus semble-t-il pour des affaires de stupéfiants, se présentent. Ils sont arrêtés aussitôt sans opposer de résistance.

    Dans cet appartement du dixième étage, situé non loin d'un point de deal, une des deux chambres a été dévolue aux passes. Près d'un matelas pourri, un sac-poubelle déborde de préservatifs usagés. Un livre de comptes et une somme d'argent sont retrouvés sur place.

    C’est dans cet immeuble, au 10e étage, que l’adolescente a été récupérée. LP/Denis Courtine
    C’est dans cet immeuble, au 10e étage, que l’adolescente a été récupérée. LP/Denis Courtine LE PARISIEN

    La victime raconte son histoire. C'est toujours un peu la même dans ce genre d'affaire. Au départ, l'adolescente en fugue, originaire du Loiret, rejoint un « pote » à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Elle le connaît par les réseaux sociaux. Très vite, elle se retrouve à se prostituer à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et à la porte de Montreuil. Était-elle consentante à ce moment-là, si tant est qu'on puisse l'être à cet âge ? « Au début, je pense que oui, avance une source proche du dossier. Mais elle s'est retrouvée dans un engrenage. »

    Toujours est-il qu'elle est emmenée cité du Chaperon-Vert. Les clients entrent en contact par un site de rencontre. Une annonce a été mise en ligne. Ils se présentent dans le hall de l'immeuble où deux jeunes montent la garde. Puis ils montent au dixième étage. Dans l'appartement, deux autres personnes surveillent que « tout se passe bien » pendant la passe.

    Un texto d'appel à l'aide à sa mère

    D'après l'adolescente, il n'y a plus de consentement. On l'oblige à enchaîner les passes. « Ces cinq derniers jours, elle n'avait le droit de dormir que deux ou trois heures par nuit », précise une source proche du dossier.

    Elle finit par obtenir l'adresse de l'appartement par un client. Puis elle envoie un texto à sa mère pour qu'on vienne la sortir de là. La maman appelle la police.

    En redescendant de l'appartement, les fonctionnaires de la brigade anticriminalité ont interpellé les deux autres jeunes qui rentraient de leur dîner. L'autre adolescente a, elle, été arrêtée vers minuit alors qu'elle revenait de soirée. Âgés de 17 à 22 ans, les cinq mis en cause ont été placés en garde à vue. Plusieurs d'entre elles se poursuivaient toujours ce lundi matin, nous confiait une source judiciaire.

    «Une désacralisation du corps au profit de l'argent facile»

    Depuis 2017, les affaires de proxénétisme de cité se multiplient en France. Au parquet de Créteil, un magistrat est dorénavant dédié pour ce délit. L'année dernière, on comptait 20 dossiers de ce type dans le département contre trois cinq ans auparavant.

    Pourquoi une telle explosion ? « Ce type de proxénétisme est facile à mettre en place, décrypte un policier spécialisé. Au niveau matériel, il suffit de louer un appartement ou une chambre. Passer une annonce ne prend que quelques minutes ». Au niveau humain, les filles, le plus souvent mineures et à la dérive, sont en général consentantes mais ne prennent pas la mesure de ce qui les attend. « Il y a une désacralisation du corps au profit de l'argent facile, observe la même source. Mais il arrive de plus en plus souvent que ces affaires dégénèrent. »