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À La Une - Liban/Archives

Un dignitaire chiite évoque la "crucifixion" et "l'amputation" de Dima Sadek

"Je n'ai pas appelé à l'instauration d'un État islamique ou à infliger des sanctions. (...) Je refuse la violence", se défend l'uléma Mahmoud Berjaoui, qui accuse Dima Sadek de "corruption". La journaliste dénonce, pour sa part, une "incitation au meurtre".

La journaliste libanaise Dima Sadek. Photo D.R.

La journaliste libanaise Dima Sadek, qui fait désormais l'objet d'une campagne de cyber-harcèlement et qui subit de nombreuses menaces de la part des partisans du Hezbollah et du mouvement Amal, surtout depuis le depuis le début de la révolte populaire du 17 octobre, a dénoncé samedi une "incitation au meurtre", suite aux propos tenus par un dignitaire chiite, qui avait évoqué sa "crucifixion" et son "amputation en vertu de la charia", provoquant une nouvelle polémique.

Tout commence le 25 novembre au soir, lorsque la journaliste, qui était présente lors d'une manifestation contre le pouvoir sur la voie-express du Ring à Beyrouth, se fait voler son portable, devant les caméras en direct, par un homme vraisemblablement partisan du Hezbollah ou d'Amal, que la journaliste critique régulièrement. Le lendemain, Dima Sadek, vedette de la LBCI, annonce sa démission de la chaîne télévisée, affirmant avoir été mise à l'écart par la direction de la chaîne en raison de ses tweets au sujet de la présidence de la République.

Récemment, Dima Sadek est revenue dans une vidéo sur les circonstances du vol de son portable, critiquant l'individu qui le lui a volé, en mettant en avant des arguments d'ordre religieux pour expliquer à cet homme que son geste est contraire aux enseignements de l'islam. Mme Sadek est elle-même de confession chiite.

Samedi, la journaliste a partagé une vidéo d'un dignitaire chiite, l'uléma sayyed Mahmoud Berjaoui, qui incitait à la violence contre elle. 



(Lire aussi : Dima Sadek, une main de velours dans un gant de fer)



Crucifier et amputer

Dans l'enregistrement, le cheikh chiite, qui s'adresse à des fidèles lors d'un prêche, reprend des propos qu'il attribue à Dima Sadek, qui selon lui s'adressait à celui qui lui a volé son portable. "+Est-il acceptable, hajj, que tu voles ? que tu t'en prennes à moi ? (...)+ lui dit-elle. Ce qu'elle cherche à lui dire c'est que moi, Dima Sadek, je veux crier, trahir et coopérer avec l'ennemi, provoquer la mort et  d'autres choses, mais que toi, tu n'as pas le droit de me voler car tu es croyant, même si je suis criminelle et corrompue. Voilà le summum de l'insolence !", s'emporte le cheikh dans la vidéo. S'adressant à Dima Sadek, le dignitaire lui lance sur un ton remonté : "Si tu veux la charia (la loi islamique, ndlr), je vais te parler de charia. Celle-ci dit que ceux qui combattent Dieu et son prophète (Mahomet) sur Terre, doivent être amputés des mains et des bras, crucifiés". Et le cheikh de poursuivre : "Tu sais ce que tu as fait ? Tu a coupé des routes. Tout comme la charia bannit le vol et prévoit l'amputation du bras du voleur, la charia prévoit de te crucifier, ou encore de t'amputer la main et la jambe (...)", conclut-il. 

"C'est une incitation flagrante au meurtre! Vous cautionnez l'effusion de mon sang ! Vous appelez les gens publiquement, au nom de la religion, à me trancher la main, la jambe et à me crucifier ? Je ne vais pas vous comparer à cette organisation (le groupe terroriste État islamique, qui commet de nombreuses exactions, notamment des amputations et des crucifixions, au nom de l'islam) comme d'autres l'ont fait (...). Je vais me contenter de mettre cette vidéo à la disposition des forces de l'ordre, en guise de note d'information", a réagi la journaliste sur Twitter, samedi, en incluant dans son message le compte Twitter de la ministre sortante de l'Intérieur Raya el-Hassan, et celui des Forces de sécurité intérieure. 


(Lire aussi : Le prix à payer au Liban lorsqu’on est une femme, journaliste et engagée)



"La charia"

La réponse du dignitaire chiite est venue en soirée. Dans un communiqué, il tente de minimiser ses propos, dénonçant "une exploitation et une déformation" de ce qu'il a dit.

"Tout ce que j'ai dit c'est que la journaliste Dima Sadek a cité la charia pour dire que le vol de son portable est un péché. De mon côté, j'ai répondu que les sanctions contre les voleurs sont prévues par la charia, notamment l'amputation de la main, tout comme les sanctions prévues contre les corrompus, et qui sont les plus sévères. Tout ces propos figurent dans le Coran. Je n'ai pas appelé à l'instauration d'un État islamique ou à infliger des sanctions. (...) Je refuse la violence. Que les lecteurs se souviennent que la nouvelle corruption, représentée par la journaliste pré-citée ainsi que d'autres au Liban, n'est pas meilleure que la corruption contre laquelle ils s'insurgent", écrit l'uléma. "C'est pour cela que j'appelle cette journaliste et tous ceux qui la défendent (...) à garder le différend sur le plan politique, loin des références religieuses", conclut le dignitaire, affirmant avoir demandé à la personne qui a publié la vidéo de son prêche de la retirer "afin d'éviter toute exploitation négative".

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes, journalistes et activistes ont affiché leur soutien à la journaliste libanaise.

Dima Sadek est constamment sous les feux des critiques des partisans du Hezbollah et du Courant patriotique libre, fondé par le président de la République, Michel Aoun, et dirigé par le ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Ses opinions sont souvent dirigées à l’encontre de "l’esprit raciste" qui marque, selon certains observateurs, le discours du CPL.

Récemment, et comme cela a été le cas pour plusieurs autres journalistes, le numéro de portable de Mme Sadek avait été rendu public sur les réseaux sociaux. "Mon numéro de téléphone a été rendu public, avec un appel aux internautes pour que je sois insultée de manière continue", avait-elle révélé sur son compte Facebook. Elle avait ensuite publié des captures d’écran de certaines des insultes reçues sur son téléphone. Victime aussi de ce harcèlement sur son propre compte, en raison des prises de position de sa fille, la mère de la journaliste avait alors dû être hospitalisée, victime d’un malaise.

En juin, Dima Sadek avait été violemment agressée sur les réseaux sociaux. "Vous méritez qu’on vous viole. Y a-t-il quelqu’un de plus sale que vous ?" lui avait alors écrit un internaute.

Dima Sadek est originaire de Khiam (Liban-Sud). Elle a fait des études de sciences politiques à l'Université Saint-Joseph, et a commencé sa carrière à la télévision en 2007. Elle avait rejoint la LBCI en 2011.


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commentaires (28)

Courage à vous, Dima Sadek. La majorité des libanais vous supporte.

Mohamed Melhem

23 h 06, le 11 juillet 2023

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Commentaires (28)

  • Courage à vous, Dima Sadek. La majorité des libanais vous supporte.

    Mohamed Melhem

    23 h 06, le 11 juillet 2023

  • Dima Sadek dit tout haut ce que nous pensons. Dima Sadek c'est notre fille, notre soeur, notre amie, notre compatriote et notre symbole de liberté d'expression et notre Liban laic et moderne. Dima Sadek, les Libanais vous aiment et vous apprécient. Merci et mille mercis pour votre courage. En espérant une bonne solution à tout ce que ces voyous vous font subir.

    LE FRANCOPHONE

    19 h 44, le 11 juillet 2023

  • Ce que cheikh Berjaoui occulte sciemment le fait q'il y a eu vol prouve. Tandis qu'il n'y a AUCUNE preuve que me Sadek est corrompue ou a trahi. Chacun a droit a son opinion que les autres doivent respecter. Nous ne sommes pas des moutons de panurge. Pourquoi faut il qu'à chaque fois on implique la religion. Le cheikh ne fait Qu 'INTERPRETER la charia. Cela ne veut pas dire que son interprétation est correcte et qu'elle est vérité. Mme Sadek est une heroine et merite notre respect et notre soutien complet. Elle montre sa force de caractere et son courage. Nous avons besoin de MILLIONS comme cette DAME.

    sancrainte

    19 h 04, le 11 juillet 2023

  • Dima Sadek, une excellente journaliste, n’en déplaise à certains!!

    GKaram49

    12 h 25, le 25 janvier 2022

  • la justice ne bougera évidemment pas, le Hezbollah ne permettra pas qu'on ose interroger un Cheikh qui lui est inféodé. "Shia, Shia" criaient les hordes au ring et a Monot en cassant, insultant et agressant. Ce Cheikh nous donne un petit aperçu de ce que cela veut dire. NON AUX YEUX du Chiisme Libanais, celui de Moussa Sadr et d'autres. Mais certainement celui de Khamenei, Kaouk, Raad et consorts...Il me reste un doute sur Nasrallah.

    Lebinlon

    09 h 53, le 09 décembre 2019

  • Tout cela est bien triste pour le pays déjà en très mauvaise situation à cause des injustices et de la corruption. Inutile d’en rajouter. La pauvre journaliste ... heureusement qu’elle a du courage.

    Luns Chrif

    20 h 47, le 08 décembre 2019

  • Hitler aurait-il été fier de cet enturbanné surexcité?!

    Nicolas Rubeiz

    17 h 59, le 08 décembre 2019

  • Mais en fait, si l'on dit que le Hezbollah est l'allié discret d'Israël dans la région, est-ce du blasphème ? Depuis que Gaza est dans les mains du Hamas et est soutenu par l'Iran ou que la Syrie est appuyée par le Hezbollah tout va bien pour Israël. Amusant!

    TrucMuche

    17 h 51, le 08 décembre 2019

  • we have to stopped each time that a woman is attacked to refer the world feminist en libanais ca donne ma ntali3 kil ma da2 el kouz bil jarra esset el feminist cela suffit ceci etant dit bien que je ne partage pas le point de vue de madame sadek, je suis avec elle a 100% elle est libre de critiquer chaque jour le ou les partis qu'elle veut

    Bery tus

    15 h 47, le 08 décembre 2019

  • Ces religieux chiites sont bourrés de contradictions. D'un côté on prétend protéger les non-musulmans du takfirisme en envoyant des miliciens en Syrie mourir pour Bachar El Assad, et de l'autre côté on takfirise contre ceux qui nous critiquent. Au moins Daech n'a pas cette hypocrisie.

    Citoyen libanais

    13 h 56, le 08 décembre 2019

  • Si critiquer le chef de l'Etat et son aide de camp mène à l'amputation et à la crucifixion, Mohamed Berjaoui a du pain sur les planches durant des années. Il doit commencer à Machta-Hammoud et finir é Naqoura

    Un Libanais

    13 h 48, le 08 décembre 2019

  • J'ESPÈRE QU'ON NE LAISSERA PAS PASSER CETTE HORRIBLE HISTOIRE DANS L'OUBLIETTE. ON NE PEUT QU'ADMIRER LA DIGNITÉ ET LE COURAGE DE MADAME SADEK. IL FAUT ABSOLUMENT PROTÉGER LA PATRIOTE, UNE VRAIE MINISTRABLE. UNE OCCASION EN OR POUR HASSAN NASRALLAH POUR REDORER SON IMAGE ET LIVRER CET INDIVIDU À LA JUSTICE "LIBANAISE"

    Gebran Eid

    12 h 47, le 08 décembre 2019

  • Je comprend tout à fait les critiques contre Sayyed Mahmoud Berjaoui et je condamne ses propos qui pourraient constituer une incitation au meurtre de Dima Sadek. Il devrait être sanctionné par la justice. Cependant, il ne faut pas être aveugle, ce n’est pas parce qu’une journaliste a choisit pour passe-temps de critiquer le Hezbollah à longueur de journée que cela en fait une héroïne, bien au contraire. Les attaques systématiques et non fondées contre le Partis de Dieu constituent, si prises une à la fois, des attaques à caractères diffamatoires, et si prises dans leur ensemble avec leur caractère systématique, une incitation à la sédition. Je condamne Dima Sadek, et je condamne encore plus ce dignitaire chiite pour son manque de clairvoyance. Ce pays manque définitivement de modération à tous les niveaux.

    Chady

    12 h 45, le 08 décembre 2019

  • QUE FAIT LA JUSTICE? QUI SONT CES JUGES DE NOTRE PAYS QUI PERMETTENT À CET INDIVIDU DE MENACER PUBLIQUEMENT DE MUTILATION ET DE MORT UNE JOURNALISTE ET DE L'INSULTER POUR AVOIR FAIT SON TRAVAIL SANS QU'IL NE SOIT INQUIÈTÉ? CES PROPOS SONT TRÈS CHOQUANTS ET INSULTANT POUR TOUTE LA NATION. FAITES VOTRE VOULOT MESSIEURS LES FORCES DE L'ORDRE ET PRÉSENTEZ CET INDIVIDU A LA JUSTICE POUR NOUS MONTRER QUE CE PAYS MÊME EN FAILLITE A ENCORE SA DIGNITÉ

    Sissi zayyat

    12 h 20, le 08 décembre 2019

  • Il se sent fort et ne se cache pas pour menacer publiquement une journaliste parce qu'il sait qu'il est protégé par HB. Pourquoi ce cheikh n'est pas derrière les barreaux pour menaces et incitation aux meurtres? Ce qu'il a fait est un crime Tant que HB tient le pouvoir le sang des journalistes continuera de couler. Ils ne sont pas à leur premier crime. Ils devraient être jugés pour tous les crimes commis au nom de la liberté d'expression et la liste est longue. Messieurs les juges nous attendons votre verdict rapidement concernant cette affaire afin de couper court à la terreur qui régit ce pays. Nous sommes à l'aune d'une nouvelle ère et nous nous battons contre l'obscurantisme et la dictature. Alors aidez-nous. Tous les journalistes devraient prendre position pour dénoncer cet événement qui est loin d'être banal et qui est un message d'auto-censure camouflé pour taire les vérités. Cet homme n'a fait que couvrir d'opprobre la religion qu'il représente. HONTE À LUI

    Sissi zayyat

    12 h 00, le 08 décembre 2019

  • Il mérite la prison à vie pour avoir dit des tels propos... et insiter la haine et les crimes.

    Assoun F

    11 h 30, le 08 décembre 2019

  • Quand est-ce qu'on va finir de ces surexcités du turban?

    Fadi Chami

    10 h 56, le 08 décembre 2019

  • on sait bien que les vieux démons ne sont pas loin mais la jeunesse éclairée, patriote ,n'en veut PAS!j.P

    Petmezakis Jacqueline

    08 h 54, le 08 décembre 2019

  • Un "dignitaire chiite" ? En quoi est-il "digne"...en prêchant la violence...surtout portant un turban noir...? On a compris depuis belle lurette que ces gens-là ne connaissent que cela: la violence ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 44, le 08 décembre 2019

  • Je ne peux qu’être en admiration devant le courage et la détermination de Dima Sadek. Sachez que vous avez la majorité du peuple qui vous soutient, quant aux autres illuminés et fanatiques, il n’y a rien à faire. Tout simplement ils appartiennent à un autre monde que le nôtre

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 33, le 08 décembre 2019

  • Enfin !, la révolution a trouver notre prochain chef de parlement! Dima l'héroïne sera parfaite a ce poste ! Elle pourra remporter haut la main cette élection Juste dégageons d'abord cette bande de corrompus qui y siège!

    Aboumatta

    07 h 42, le 08 décembre 2019

  • Un religieux qui au lieu de prêcher l’amour du prochain et la compassion incite ses ouailles à la haine et la violence. Quelle bonne école ce libanais messager de paix!

    michel honein

    05 h 51, le 08 décembre 2019

  • ÇA Y EST, ON VA APPLIQUER LA CHARIA AU LIBAN SUR LES NON CROYANT À LA RELIGION ISLAMIQUE. SAUVE QUI PEUT.....VITE

    Gebran Eid

    01 h 37, le 08 décembre 2019

  • The attacks on Ms. Sadek, a journalist, a feminist and an influential woman should be condemned. She should be allowed to practice her journalism freely and benefit from the freedom of speech afforded by the law.

    Mireille Kang

    01 h 23, le 08 décembre 2019

  • Alleluia et bienvenue au moyen âge! Des hommes religieux de ce calibre sont plus toxiques que toutes les bombes chimiques de saddam et des assad! C'est ce qui a amené l'Inquisition, Daech et autres! On est tous avec Dima et la supportons dans son libéralisme et son indépendance!

    Wlek Sanferlou

    01 h 03, le 08 décembre 2019

  • Ça va mal finir , préparons nous à d'autres épisodes

    Chucri Abboud

    01 h 00, le 08 décembre 2019

  • VOILA ILS REVENT D,IMPOSER AU LIBAN LA CHARIAA FAKIHISTE. ET L,OBSCURANTISME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 46, le 08 décembre 2019

  • Ce Chef religieux est un génie ! Nous avons enfin un super interprète qui pourra déchiffrer les messages de l’ennemi ! Qu’il est profond le gouffre séparant les générations et les idées de la lumière et celle de l’ombre à la décharge de ce chef religieux il faut reconnaître que nous n’avons pas assez de courant pour éclairer notre perception des choses réelles de ce bas monde Vivement que l’électricité revienne !

    PROFIL BAS

    23 h 54, le 07 décembre 2019

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