Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, le 13 octobre 2017 à l'Elysée

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, le 13 octobre 2017 à l'Elysée

afp.com/BERTRAND GUAY

"La ligne rouge a été franchie", c'est ainsi que Laurent Berger, le leader du premier syndicat de France a réagi aux annonces d'Édouard Philippe. Le gouvernement ne s'attendait certainement pas à une déclaration aussi violente de la part de Laurent Berger, plus enclin d'habitude au compromis. Pourquoi le syndicaliste a-t-il la moutarde qui lui monte au nez ? A cause de l'âge pivot. Dans son discours, Édouard Philippe a en effet annoncé qu'il y aurait bien un âge d'équilibre dans le système par points, fixé à 64 ans.

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Le 18 juillet, lors de la présentation du rapport Delevoye, qui prévoyait déjà un âge d'équilibre à 64 ans, Laurent Berger avait déjà dénoncé l'iniquité de ce type de mesure. Il prônait une solution individualisée. Et pour cause, l'introduction d'un âge pivot pour tous revient à mettre en place de la décote et de la surcote... Et donc à allonger la durée de cotisation.

Risque de cumul avec la réforme Touraine

Mais, si la CFDT est aussi remontée c'est parce qu'il y a un risque que la mise en place de cet âge pivot se cumule avec la réforme de 2014, la réforme Touraine, qui prévoit déjà un allongement du nombre de trimestres cotisés pour bénéficier d'une pension à taux plein.

Le diable se cache dans les détails, mais, à l'issue du discours du premier ministre, le flou demeure : lorsque Édouard Philippe affirme que "pour atteindre l'âge d'équilibre de 64 ans en 2027", il faudra prendre des mesures". N'entend-il pas que le système de surcote et de décote lié à un âge pivot commencera à se mettre en place plus tôt ? C'est-à-dire dès 2022... pour monter en puissance jusqu'en 2027 et faire en sorte que les Français soient obligés de travailler jusqu'à 64 ans pour avoir une retraite à taux plein. Ce qui signifierait, par exemple, que les salariés qui partiront en retraite en 2023, cumuleront alors les 3 trimestres supplémentaires dus à la réforme Touraine, mais aussi l'inconvénient d'un trimestre supplémentaire du fait de l'âge pivot. Pour ceux qui partiraient en 2026 et 2027, la note pourrait monter jusqu'à 8 trimestres, soit deux ans de travail en plus.

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L'autre point de discorde pour Laurent Berger dans ces mesures budgétaires, repose sur la méthode employée par le gouvernement. Le premier ministre entend confier le "retour à l'équilibre financier" aux partenaires sociaux : "Si les partenaires sociaux s'entendent sur une telle trajectoire, le gouvernement la prendra à son compte".

Et Édouard Philippe d'assurer : dès l'année prochaine, "une gouvernance" sera mise en place pour "leur confier les principaux leviers", afin de "prendre des décisions qui seront mises en oeuvre dès le 1er janvier 2022"... Sous-entendu, si syndicats et patronat ne font pas le nécessaire, d'ici à deux ans, pour remettre les comptes dans le vert, le gouvernement prendra des dispositions.

Chat échaudé...

Laurent Berger craint une forme d'entourloupe de la part de l'exécutif. Il a en mémoire la récente réforme de l'assurance chômage. Le gouvernement avait proposé aux partenaires sociaux de négocier et de trouver un accord, mais dans un cadre budgétaire extrêmement contraint. Au final, l'exécutif avait estimé que syndicats et patronat n'étaient pas allés assez loin et avait repris la main.

Pour Laurent Berger, le gouvernement avait manqué de loyauté. Il n'avait pas eu de mots assez forts pour dénoncer une réforme sociale parmi les plus dures de ces dernières années. "Une punition pour les demandeurs d'emploi", avait-il répété. Pas question de retomber dans le même piège...

La CFDT avait prévenu, elle en avait même fait un "casus belli" : la mise en place du système par points ne devait pas être polluée par des dispositions financières, qui de facto reviennent à travailler plus longtemps avant 2025. Le gouvernement pensait certainement amadouer la centrale réformiste en assurant le maintien des carrières longues, mais aussi en donnant des garanties en matière de prise en compte de pénibilité dans le nouveau système. C'est raté.

Laurent Berger va-t-il appeler à la grève, lui qui est favorable à la base à un régime de retraite par points ? Va-t-il rejoindre le rang des manifestations ? Va-t-il tenter de fissurer la majorité en cherchant des députés qui amenderont le projet de loi ? Le patron du premier syndicat de France réunit son bureau ce mercredi avant d'intervenir au journal de 20 heures sur France 2.

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