Décryptage

Retraites : en Suède, des points qui varient selon les années

Inégalités et montant des pensions fluctuant selon la conjoncture : similaire au projet français, le système suédois reste très critiqué.
par Lou Marillier, Correspondance à Stockholm
publié le 11 décembre 2019 à 20h31

En 2001, après dix ans de concertation, la Suède s’est munie d’un système de retraites «à points» qui enterre alors l’ancien régime, calculé sur la base des quinze meilleures années d’activité. Une mutation à comparer au projet du gouvernement français.

Aide publique

Lorsque cette transformation est enclenchée en 1991, elle est jugée nécessaire : la Suède s’extirpe d’une crise financière et veut retrouver l’équilibre budgétaire. Depuis, bien que l’échelle du mécontentement soit moindre qu’en France, le sujet y est de plus en plus l’objet de critiques et de manifestations ponctuelles pour appeler à un système plus juste et des retraites plus élevées.

Les pensions suédoises sont nettement plus faibles qu'en France : le «taux de remplacement», c'est-à-dire le pourcentage de son ancien salaire que l'on perçoit à la retraite, n'y est que de 53 %, contre 74 % pour les Français. Le nombre de «retraités pauvres», les personnes de plus de 65 ans qui reçoivent une aide publique car leur revenu est insuffisant, a doublé dans les quinze dernières années. Enfin, un rapport publié en mars montrait que les Suédoises, dont les carrières sont en général moins linéaires et les salaires plus faibles que les hommes, recevaient en moyenne seulement 68 % du montant des retraites des hommes. Cela s'explique en partie par le système à points, qui promet «une couronne de pension pour chaque couronne cotisée».

Pour ses opposants, ce système contribue à augmenter les inégalités, car il ne fait pas de distinction entre les différentes situations professionnelles. D’autant plus que la valeur des points, calculée en partie à partir de l’espérance de vie moyenne des actifs, ne prend pas en compte les différences significatives d’espérance de vie selon les catégories d’emploi.

Autre point qui cristallise les critiques : la fluctuation de la valeur des points selon la conjoncture économique, afin d’éviter à tout prix un déficit budgétaire. Ainsi, si les cotisations sont trop faibles, en raison par exemple d’une baisse du nombre d’actifs, un mécanisme d’équilibrage entraîne la baisse automatique du montant des pensions : ce fut notamment le cas en 2010, 2011 et 2014.

Dérives

Enfin, en Suède, contrairement au projet français, le système «général» à points est accompagné de deux autres volets. D’une part, 2,5 % du salaire annuel peut être investi au choix auprès de l’Etat ou dans des fonds privés, dont la multiplication a entraîné de nombreuses dérives ces dernières années. De l’autre, une forme de retraite complémentaire est négociée par les syndicats selon les branches et permet en partie de compenser la faiblesse du régime général.

Face aux inquiétudes accrues des Suédois, le Parlement a voté en octobre l'augmentation de certaines des retraites les plus faibles pour 2020. «Les mesures d'urgence ne suffiront pas à sauver les retraités, écrivait en réaction Mary Crofts, journaliste au quotidien Dagens Nyheter. Il faudrait plutôt s'assurer que le système fonctionne au long terme et permette des retraites raisonnables.»

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