Refuser de fournir le code de verrouillage de son téléphone à la police est interdit, rappelle la justice
Il s’agissait d’une banale affaire de trafic de drogue. La justice a fini par statuer sur une possible violation de la Convention européenne des droits de l’homme. En novembre 2017, la police met la main sur une plaquette de résine de cannabis, un téléphone et une importante somme d’argent en liquide dans le véhicule d'un conducteur. Lors de la perquisition menée à son domicile, les forces de l’ordre découvrent 3.780 euros et trois téléphones portables. Les choses se compliquent quand l’homme refuse de leur communiquer les codes de verrouillage de ses appareils, suspectés d’avoir été utilisés pour organiser le trafic de drogue.
L’homme est poursuivi et condamné pour infraction à la législation des stupéfiants. Il est également reconnu coupable de refus de remettre aux autorités judiciaires la clé de chiffrement de ses téléphones. Le condamné fait appel de ce jugement mais la cour d’appel le juge à nouveau coupable. Il se pourvoit en cassation contre la décision de la cour d’appel.
Droit à ne pas s'auto-incriminer
Selon lui, la condamnation méconnaîtrait le "droit de ne pas s’incriminer", mentionné dans l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce dernier interdit à l’accusation de recourir à des éléments de preuve obtenus sous la contrainte ou par des pressions.
Mais la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle dans son arrêt rendu le 10 décembre:
“L’atteinte au droit de ne pas s’auto-incriminer est constituée dès lors que les données ne peuvent exister indépendamment de la volonté du suspect, ce qui n’est pas le cas des données contenues dans les téléphones, qui peuvent être obtenues par des moyens techniques”.
Une jurisprudence de 2018
En 2018, le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi à ce sujet. Les Sages avaient alors estimé que l’article 434-15-2 du code pénal ne portait pas atteinte à la Convention européenne des droits de l’homme à partir du moment où c’était une autorité judiciaire qui réclamait la clé de chiffrement. L’article en question encadre strictement les conditions qui pourraient mener à ce scénario.
Il faut que l’appareil soit “susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit”. Cet article a été créé peu après les attentats du 11 septembre 2001. Le refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie est puni de trois ans d’emprisonnement et de 270.000 € d’amende.