“C’est un triomphe churchillien pour les conservateurs, du jamais vu depuis Margaret Thatcher”, résume le quotidien eurosceptique The Daily Telegraph.

À en croire un sondage de sortie des urnes réalisé par la BBC, ITV et Sky, jeudi 12 décembre, les torys décrocheraient une très confortable majorité de 368 sièges sur 650, contre 317 lors du précédent scrutin en 2017. Selon un décompte des sièges déjà remportés évalué par la chaîne de télévision ITV, les conservateurs ont remporté la majorité absolue à la Chambre des communes.

Le dernier sondage YouGov publié le 10 décembre ne prédisait, lui, au mieux, qu’une petite victoire au parti de Boris Johnson et envisageait même la possibilité d’un Parlement sans majorité. “La petite bulle londonienne est en état de choc, ironise Sherelle Jacobs, une autre journaliste du Daily Telegraph, dans une chronique au vitriol. Les sondeurs, les experts – et même de nombreux politiciens conservateurs grincheux – n’ont pas vu venir l’un des réalignements les plus dramatiques de l’histoire britannique. Ne vous y trompez pas, ce à quoi nous assistons ce soir, c’est l’histoire en devenir. Beaucoup pensaient que nous ne verrions jamais le mur rouge [du Labour] tomber de notre vivant. Mais ce soir, il s’est désagrégé en poussière, sous nos yeux”, estime-t-elle.

Boris Johnson, désormais “maître de la scène politique britannique”

Face à ce revers qui s’annonce historique pour le Parti travailliste, le chef de file de l’opposition Jeremy Corbyn s’est dit “très déçu” vendredi et a déclaré qu’il ne conduirait pas le Labour vers les prochaines élections générales. Pour son parti, l’échec est d’autant plus cinglant qu’il a “perdu une série d’anciens bastions dans le nord de l’Angleterre et au pays de Galles, dans des zones qui avaient voté ‘Leave’ lors du référendum de 2016 sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE”, explique la BBC.

La déception était grande également pour la cheffe du Parti libéral-démocrate europhile, Jo Swinson, qui a perdu dans sa propre circonscription d’East Dunbartonshire, en Écosse, face au Scottish National Party (SNP).

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est, lui, félicité vendredi d’avoir obtenu “un nouveau mandat fort pour réaliser le Brexit”. “La victoire est indéniablement celle de Johnson. Il y a un an, il n’était qu’un simple député sans responsabilité. Une majorité d’élus conservateurs ne voulait pas de lui comme leur chef encore cet été. Et maintenant, il est le maître de la scène politique britannique, il va pouvoir choisir son propre cabinet et exiger le soutien de ses députés pour sa stratégie de Brexit, analyse le journaliste du Guardian Martin Kettle. Il n’a désormais plus aucune raison de s’inquiéter du Parti du Brexit de Nigel Farage.”

Boris Johnson, futur “dictateur élu” ?

Pour Beth Rigby, rédactrice en chef politique de la chaîne SkyNews, les premiers résultats de l’élection semblent montrer que la stratégie de Jeremy Corbyn et du Labour a clairement échoué : “Ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu une bataille de cadrage entre les travaillistes et les conservateurs : les travaillistes voulaient que ce soit l’élection du NHS [système de santé britannique], l’élection de l’austérité, l’élection du coût de la vie, [alors que] chez Boris Johnson tout tenait en trois mots : ‘Get Brexit Done’ [finir le Brexit].”

Dans un éditorial publié sur le site de The Independent, Sean O’Grady s’inquiète du futur de la démocratie britannique, après la victoire des conservateurs. Le journaliste explique notamment que le Premier ministre souhaite supprimer le Fixed-Term Parliaments Act [une loi votée en 2011, qui prévoit l’organisation d’élections générales tous les cinq ans].

“Une fois qu’elle aura été abolie, le Premier ministre jouira à nouveau d’une liberté totale de déclencher des élections au moment qui lui convient le mieux politiquement et de manipuler l’économie pour gagner ces élections, souligne l’éditorial. En d’autres termes, M. Johnson obtiendra plus de pouvoirs que n’importe quel Premier ministre en temps de paix – quasiment comme un dictateur élu. Reste à voir comment il exercera ces pouvoirs”, conclut-il.