C'est l'une des technologies plébiscitées par l'Agence internationale de l'énergie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : le captage et stockage de CO2. Pour l'instant, il n'existe qu'une vingtaine de projets à l'échelle industrielle dans le monde. Il en faudrait 100 fois plus d'ici 2050. Le pétrolier français Total mise particulièrement dessus et multiplie les projets et les modèles économiques.  

"Ce sera la première chaîne commerciale de stockage de CO2", s’enthousiasme David Nevicato, responsable du programme CCUS (Captage, stockage et valorisation du CO2) chez Total. Le projet auquel il fait référence est celui de Northern Lights en Norvège, piloté par le gouvernement norvégien, et dans lequel sont engagés Equinor, Shell et Total. Il pourrait devenir le premier site de stockage de dioxyde de carbone au monde à recevoir du CO2 provenant de sources industrielles de plusieurs pays européens.
Pour l’heure, le CO2 sera capté dans deux sites industriels de la région d’Oslo, une cimenterie et une unité de valorisation des déchets. Ensuite, il sera transporté et injecté sous forme liquide au fond de la mer du Nord, dans des gisements de pétrole et de gaz épuisés. 800 000 tonnes de CO2 pourraient ainsi être captées et stockées chaque année pour une capacité totale de cinq millions de tonnes. "Nous en sommes à la phase d’étude pour le stockage, complète David Nevicato. La décision pour investissement doit intervenir en 2020 ou 2021 pour une première injection de CO2 en 2024."
Le temps de l’exploration des zones de stockage
Le pétrolier français n’en est pas à son coup d’essai. Total avait déjà testé avec succès le stockage de 51 000 tonnes de CO2 à Lacq (Pyrénées-Atlantiques), de 2010 à 2013, dans un gisement de gaz épuisé. Le groupe vient par ailleurs de nouer un partenariat de cinq ans avec l’IFP Energies nouvelles, l’ancien Institut français du pétrole, et va investir 40 millions d’euros dans le captage et stockage du CO2. Les deux partenaires veulent capter le CO2 des hauts-fourneaux de l’aciérie d’Arcelor Mittal à Dunkerque avec un solvant chimique. Une fois capté, le CO2 sera valorisé sur place ou stocké en mer du Nord à plus de 1 000 mètres de profondeur.
Au Royaume Uni, Total participe également au Clean Gas Project, dont l’ambition est de produire de l’électricité à partir de gaz naturel et de capturer le CO2 émis pour le stocker dans deux réservoirs eux aussi situés en mer du Nord. L’objectif est de stocker six millions de tonnes de CO2 par an. Un principe de rémunération via le prix de rachat de l’électricité est l’une des solutions à l’étude. Au nord-est de l’Écosse, le pétrolier entend également capter le CO2 sur une production d’hydrogène à partir de gaz. Le projet pourrait permettre de récupérer un million de tonnes de CO2.
"Au total, avec ces projets, nous pourrions capter 12 millions de tonnes de CO2 par an, conclut David Nevicato. Or la cible en Europe est de 300 millions de tonnes d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, une nouvelle filière industrielle reste à construire au rythme d’une startup avec les financements associés. Pendant des années, nous nous sommes concentrés sur l’exploration pétrolière, poursuit-il, il faut maintenant se lancer dans l’exploration des grands aquifères salins pour le stockage de CO2." 
Objectif : 2,3 milliards de tonnes de CO2 captées
Selon l’AIE, le captage et stockage du CO2 (CCS) permettrait de contribuer à 7 % des réductions d’émissions d’ici 2040 dans un scénario 2°C. L’agence place même le CCS au troisième rang des priorités après l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. "En Europe par exemple, c’est l’une des rares technologies qui peut permettre au secteur de l’industrie lourde d’être neutre en carbone", précise Mechtild Worsdorfer, directrice Développement durable, technologies et perspectives énergétiques à l’AIE.
Aujourd’hui, 30 à 40 millions de tonnes de CO2 sont captées chaque année au niveau mondial. Or l’AIE table sur plus de deux milliards de tonnes captées d’ici 2040. "Les acteurs sont mobilisés, les technologies existent. Mais des verrous restent à lever : un prix du CO2 à la hauteur de son impact sur l’environnement (entre 80 et 100 euros contre 25 aujourd’hui), des aspects réglementaires tels que la révision du droit minier pour couvrir le stockage du CO2 et la responsabilité sur des centaines d’années. Enfin, la mise en place de démonstrateurs est essentielle pour améliorer nos apprentissages mais aussi faciliter les échanges avec la société civile"estime Florence Delprat-Jannaud, responsable du programme CCUs à l’Ifpen.  
La question de l’acceptabilité sociale se pose en effet pour des projets d’enfouissement du CO2 dans des formations géologiques profondes à 1 000 mètres sous terre, telle qu’un aquifère salin, avec des risques d’acidification, de remontée gazeuse vers les nappes d’eau, voire un dégazage brutal. Les ONG environnementales sont vent debout.
Concepcion Alvarez @conce1

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