Il sera resté en poste moins d’un an. En fonction depuis le 1er janvier 2019, le directeur du Théâtre des quartiers d’Ivry (Val-de-Marne), Jean-Pierre Baro, visé par une affaire de viol présumé, a annoncé jeudi à l’AFP qu’il quittait ses fonctions, au lendemain d’une grève du personnel de l’établissement, appelant à sa démission.

Dans une lettre publiée sur son blog, hébergé par Médiapart, « Pourquoi je me retire de la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry », le metteur en scène justifie sa décision : « Je suis au clair avec ma conscience. Je ne renonce à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry que pour préserver cette magnifique institution, mais je ne laisserai ni salir mon honneur ni fouler au pied ma présomption d’innocence. »

L’homme de 40 ans était très contesté depuis qu’une plainte pour agression sexuelle sur une jeune femme alors âgée de 25 ans, avait été déposée à son encontre. Enregistrée en septembre 2018, elle avait été classée sans suite par le parquet de Paris, faute de preuves – les faits remontent à 2011.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Si Jean-Pierre Baro a toujours clamé son innocence, les soupçons à son encontre s’amplifient, après la publication d’un article du journaliste Jean-Pierre Thibaudat en juin 2019 sur son blog, hébergé par Mediapart. Cet article donne la parole à plusieurs jeunes femmes mettant en cause Jean-Pierre Baro (1).

Des retombées catastrophiques pour le théâtre

L’affaire s’avère complexe, engageant parole contre parole. « Je n’ai ce soir-là exercé aucune forme de violence ni de pression. Cette relation, je l’ai vécue comme totalement consentie. Rien, ni ce soir-là ni par la suite, ne m’a permis d’imaginer un instant qu’il put en être autrement. Ce n’est que sept ans plus tard que j’ai appris qu’elle considérait ne pas avoir désiré cette relation », a indiqué Jean-Pierre Baro, à nouveau dans la lettre. Avant d’ajouter, « j’ai un très grand respect pour la libération de la parole des femmes et pour leur combat. C’est une cause essentielle. Mais elle est ici dévoyée et se transforme en un lynchage public fait de rumeurs et de délation. »

Mercredi 11 décembre, dans la soirée, une centaine de personnes s’étaient rassemblées au TQI, à Ivry-sur-Seine pour appeler à la démission de Jean-Pierre Baro, évoquant les retombées catastrophiques de l’affaire sur le théâtre. Dans un tract publié sur la page Facebook « TQI en danger », les salariés avançaient un taux de remplissage de 23 % de leurs salles et affirmaient que plusieurs dégradations avaient été commises sur l’établissement. « Le public déserte nos salles. De nombreux artistes refusent de mettre les pieds au théâtre ou d’avoir affaire à sa direction. Les partenaires territoriaux se désengagent », avait indiqué le personnel dans un communiqué.

Cette démission est un cas rarissime en France depuis le début du mouvement #MeToo en 2017. Au théâtre, il s’agit du cas le plus notable, alors que le cinéma est encore secoué par les récentes révélations de l’actrice Adèle Haenel et par l’affaire Roman Polanski. En attendant une nouvelle procédure de recrutement, la direction du théâtre sera assurée par Licinio Da Costa, adjoint actuel de Jean-Pierre Baro, a indiqué le ministère de la culture.

(1) ainsi qu’un autre metteur en scène, Guillaume Dujardin, fondateur du Festival de théâtre des caves, à Besançon.