Après le "peak oil", voici le "peak meat", littéralement le pic de viande. Des scientifiques de plusieurs États appellent les pays développés à définir, dans la prochaine décennie, une production maximum de viande avant sa diminution progressive. Si le secteur de l'élevage continue à ce rythme, dans dix ans, il aura consommé, à lui seul, 49 % du budget de gaz à effet de serre autorisé dans l'Accord de Paris.

L’élevage est un des points noirs du réchauffement climatique. Si le secteur continue d’évoluer au rythme actuel, il pourrait représenter près de la moitié du budget d’émission de gaz à effet de serre autorisé dans le cadre de l’Accord de Paris. D’où cet appel lancé par des scientifiques du monde entier en pleine COP25, qui s’est achevée dimanche 15 décembre, demandant aux pays de fixer un "pic de viande" à partir duquel la production animale cessera d’augmenter.
"Alors que les décideurs révisent leurs contributions nationales, nous proposons que, pour obtenir en profondeur la transformation nécessaire dans le secteur agricole, les pays à revenu élevé et les pays à revenu intermédiaire s’engagent à atteindre le pic de leur production nationale de chaque espèce de bétail", commente Helen Harwatt, auteure principale de cette lettre publiée dans le journal Lancet Planetary Health.
Elle invite les pays à remplacer ces produits par des "aliments tels que les haricots, les céréales, les noix, les fruits et les légumes, de manière à réduire leur impact environnemental et maximiser le potentiel d’avantages pour la santé publique." 
80 % des terres agricoles sont utilisées pour le bétail 
Depuis longtemps, l’impact de la viande est pointé du doigt. Aujourd’hui, selon les auteurs de la lettre, les animaux d’élevage représentent 16,5 % des émissions de gaz à effet de serre. La production de viande, de lait et d’œufs est passée de 758 millions de tonnes en 1990 à 1 247 millions de tonnes en 2017. Une production qui exerce une pression accrue sur l’environnement notamment sur l’utilisation des terres. Les scientifiques estiment que 80 % des terres agricoles sont utilisées pour le bétail alors qu’elles ne produisent que 18 % des calories alimentaires.
"La production et la demande (de viande, NDR) devraient augmenter massivement à mesure que notre population va atteindre 10 milliards d’êtres humains", explique Matthew Betts, coauteur de la lettre et professeur à l’Oregon State University. "La réduction de la demande humaine de protéines animales à forte intensité de ressources ralentirait considérablement le taux de perte mondiale de forêts avec d’énormes avantages pour la biodiversité et le stockage du carbone". Pour les scientifiques, l’urgence est telle qu’il faudrait fixer ce pic d’ici 2030 au plus tard.
800 millions de personnes sont encore sous-alimentées,
"La transition devra être gérée de manière équitable pour permettre aux citoyens de changer de régime alimentaire et pour les agriculteurs, les producteurs et les chaînes agroalimentaires de se diversifier", a expliqué au Guardian Pete Smith, membre du Giec et coauteur de la lettre. "Dans les pays pauvres, où plus de 800 millions de personnes sont encore sous-alimentées, les priorités diffèrent évidemment", nuance-t-il. 
Sur ce sujet justement, une étude publiée dans la revue Global Environmental Change le 17 septembre avait défini les régimes alimentaires idéaux en prenant en compte la lutte contre le changement climatique et la malnutrition. Et entre les pays développés et les pays en développement, les recommandations n’étaient pas les mêmes. "Pour ne pas souffrir de malnutrition chronique, les pays en développement devront manger plus et par conséquent augmenter leur empreinte carbone", expliquait à l’AFP Keeve Nachman, principal auteur de l’étude. "Cela suggère que dans de nombreux pays à revenu élevé dans le monde, où nous consommons beaucoup plus de produits d’origine animale que la moyenne mondiale, il est urgent de commencer le plus tôt possible la transition vers des produits plus végétaux". 
Marina Fabre, @fabre_marina

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