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Morgan Stanley condamné par l'AMF à payer 20 millions pour manipulation de cours sur la dette française

La commission des sanctions de l'AMF a prononcé contre la banque américaine une sanction de 20 millions d'euros. Et ce, pour avoir manipulé le prix de la dette de l'Etat français en 2015 afin de limiter ses pertes.

Le juge de l'Autorité des marchés financiers a condamné Morgan Stanley à payer 20 millions d'euros.
Le juge de l'Autorité des marchés financiers a condamné Morgan Stanley à payer 20 millions d'euros. (Arnaud Poilleux/Les Echos)

Par Laurence Boisseau, Isabelle Couet

Publié le 10 déc. 2019 à 09:06Mis à jour le 20 janv. 2020 à 12:15

Le verdict vient de tomber. La Commission des sanctions, le juge de l'AMF, a condamné mardi Morgan Stanley à payer 20 millions d'euros au Trésor Public. La banque américaine est accusée d'avoir manipulé le prix de la dette de l'Etat français et de l'Etat belge en 2015, pour limiter ses pertes sur les marchés. Début novembre, le collège de l'AMF (équivalent du procureur) avait requis une amende de 25 millions d'euros .

Une faute concentrée sur une journée

Les accusations sont concentrées sur la journée du 16 juin 2015. Dans un premier temps, le « desk » londonien de Morgan Stanley a acquis massivement des contrats à terme sur la dette française et la dette allemande. Juste après, il a vendu instantanément des emprunts français et des emprunts belges.

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Pour le juge de l'Autorité des marchés, avec cette opération, les traders de la banque ont cherché à faire monter le cours des contrats à terme sur la dette française dans le but de faire grimper celui des emprunts d'Etat eux-mêmes. Et ce, afin de les céder dans la foulée à un prix plus élevé. La Commission des Sanctions parle de « tromperie » et « d'artifice », dès lors que l'acquisition de ces contrats à terme « avait pour effet de donner aux autres intervenants une image biaisée de l'état du marché des instruments obligataires souverains français ».

Limite de risque

En novembre, lors de l'audience, Morgan Stanley avait expliqué qu'en achetant des contrats à terme sur la dette française le 16 juin, ses traders n'avaient fait que déboucler une position prise la veille, suite à une transaction avec un gros client japonais. Pour la banque, ces achats de « futures » ne visaient donc pas à renforcer son exposition au risque français, même si cette transaction en elle-même revenait bien à cela. Pour se défendre, l'établissement a souligné qu'il avait conscience que sa position était devenue trop importante compte tenu de l'agitation suscitée par les craintes de « Grexit ».

Autre point sur lequel il s'était expliqué : l'écart significatif entre les montants des deux transactions (la prise de position du 15 juin et son débouclage), qui a aussi alimenté les suspicions car en théorie il devait y avoir symétrie. Morgan Stanley l'a justifié  par le caractère urgent de la situation : la banque approchait dangereusement de sa limite de risque, et, pour ne rien arranger, le trader du 15 juin n'était pas là pour dénouer lui-même sa transaction.

« C'est avec une grande déception que nous avons pris connaissance de cette décision. Morgan Stanley continuera à défendre vigoureusement son intégrité et les plus hauts standards appliqués à ses pratiques professionnelles », a réagi l'établissement ce mardi. Ajoutant : « Les activités en cause ont été entreprises en parfaite conformité avec les pratiques du marché, dans le cadre du rôle et des obligations de la banque en tant que teneur de marché. Morgan Stanley demeure convaincu d'avoir agi dans le meilleur intérêt du marché et de ses clients. »

La banque de Wall Street a déjà décidé de déposer un recours devant la cour d'appel de Paris. Elle contestera, sans doute, la compétence de la commission des sanctions sur des obligations belges, et le montant élevé de la sanction.

Cette sanction figure par son montant parmi les plus élevées. En juillet 2017, Natixis AM avait écopé d'une sanction de 35 millions d'euros pour avoir manqué à ses obligations professionnelles dans la gestion de fonds à formule. Du jamais vu ! Mais le conseil d'Etat l'a récemment abaissé à 20 millions d'euros. Le record précédent était détenu par le fonds spéculatif Elliott en 2014, condamné, lui, à payer 16 millions d'euros.

Statut de SVT

Pour l'établissement, l'enjeu est aussi de taille en raison de ses potentielles implications concernant ses liens avec l'Etat. Morgan Stanley pourrait voir son statut de SVT (spécialistes de valeurs du Trésor) remis en question. Celui-ci est accordé tous les trois ans à 15 banques, qui aident la France à placer sa dette sur les marchés, et l'établissement avait été reconduit en 2018.

A ce stade, aucune décision n'est prise du côté de Bercy. « Nous analysons la sanction qui vient d'être prononcée par la Commission des sanctions de l'AMF et examinons les suites éventuelles qu'il conviendra de lui donner », a déclaré un porte-parole de l'Agence France Trésor (chargée de la dette) aux « Echos ».

Laurence Boisseau et Isabelle Couet

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