Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Au Liban, les droits de l’homme sont-ils uniquement des dessins sur les murs ?

Le Musée d’art moderne et contemporain (Macam) et l’Union européenne ont dévoilé le Human Rights Wall of Contemplation, un mur de 60 mètres couvert de peintures murales sur le thème des droits de l’homme.

Sur les murs du musée Macam, Crédit photo Macam

À dix minutes en voiture au-dessus de Jbeil, le musée Macam a invité pas moins de 12 artistes issus des quatre coins de la planète pour réaliser une œuvre d’art collective à même les murs du musée. Chaque peinture a son style plus ou moins figuratif, plus ou moins humoristique, plus ou moins acerbe, mais toutes le même thème : les droits de l’homme. Un projet dont l’idée a germé dès 2018, année des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les 58 États membres faisant alors partie de l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948.

Mais force est de constater que, en se penchant sur les principes de dignité édictés à l’époque (l’égalité entre les races, les sexes, la liberté d’expression, la non-discrimination, le droit à la vie, à la sécurité…), un goût amer monte à la bouche en regardant du côté de la rue libanaise : les enfants continuent à travailler, les femmes ne peuvent toujours pas transmettre la nationalité à leurs enfants, des minorités ethniques sont quotidiennement exploitées au sein des foyers dans l’indifférence quasi générale, des fouilles décidées en fonction du faciès sont régulièrement effectuées au niveau des barrages routiers... « Les droits de l’homme sont au cœur de notre travail au Liban. Nous essayons de nous impliquer au maximum dans les sujets touchant à ces droits ici, et certains de ces sujets sont dépeints sur le mur, tels que la torture, le droit des femmes, le droit des enfants et la liberté d’expression », a toutefois annoncé Ralph Tarraf, l’ambassadeur de l’Union européenne, lors du vernissage il y a quelques jours. À noter que le choix du support artistique n’est pas anodin : produire à partir du béton, du mur, si tristement emblématiques de notre civilisation d’Homo urbanus, et des murs de la honte érigés ici et là dans le monde, c’est bien là le signe d’une volonté d’ancrer durablement ces messages de liberté tellement fondamentaux et pourtant si souvent oubliés. Ce n’est pas non plus un hasard si la peinture murale, dans la forme de ce qu’on appelle le Street Art, continue à s’afficher comme un des grands supports de création des sociétés contemporaines. Face à l’obsolescence programmée, à cette société de consommation dans laquelle rien ne peut durer, où tout tend à la virtualisation de la matière, la peinture murale fonctionne comme une pulsion d’ancrage, de marquage durable. Et il n’est pas nécessaire de prendre l’avion pour aller admirer quelques-uns des ces chefs-d’œuvre à Berlin, Montréal ou Paris : de nombreux artistes libanais ont bel et bien sauté le pas depuis déjà quelques années. il suffit de voir ce que la révolte populaire du 17 octobre a produit sur les murs de Beyrouth, ou encore de Tripoli, pour s’en convaincre.

Des œuvres mûres

L’envergure du Human Rights Wall of Contemplation du Macam peut d’ailleurs presque prétendre rivaliser avec celui de l’immeuble Ghandour sur la place al-Nour de Tripoli; mais s’il n’est pas aussi colossal, il est recouvert d’une série de peintures d’une qualité indéniable. Hassan Issa (Liban), Giovanni Chiantera (Italie), Rawaa Qudah (Jordanie), Raul Sisniega (Mexique), Miramar Al-Nayyar (Irak), John Beijer (Suède), Yann Mathe (Allemagne), Dina Saadé (Émirats arabes unis), Aleksei-Lex Zooz (Estonie), Diego Della Posta (Italie), Djibril Drame & Tonton Deep (Sénégal et États-Unis), Andreii Koftun & Victoria Lyme (Ukraine) ont véritablement produit chacun à sa manière des œuvres d’art pour le moins convaincantes. Du dessin de comics à la Marvel chez John Beijer ou de cartoon à la Rick and Morty chez Diego Della Posta, en passant par du surréalisme à la René Magritte chez Raul Sisniega, ou encore par de l’abstraction pure et pulsionnelle à la Jackson Pollock chez Giovanni Chiantera, le résultat esthétique est admirable, bien que déconcertant par son hétérogénéité. Par ailleurs, comme pour mettre encore plus de signifiance et rendre l’évocation des formes et des couleurs plus forte encore, chaque peinture est associée à un ou plusieurs articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Et comme il est toujours bon de se les remémorer, en voici quelques-uns, qui pourront peut-être faire sourire (amèrement) un Libanais en 2019 : Article 1 : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ; Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude, l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ; Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi ; Article 9 : Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé ; Article 15 : Tout individu a droit à une nationalité ; Article 21 : Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. (...) La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics, cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret, ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote; Article 22 : Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la Sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.

À dix minutes en voiture au-dessus de Jbeil, le musée Macam a invité pas moins de 12 artistes issus des quatre coins de la planète pour réaliser une œuvre d’art collective à même les murs du musée. Chaque peinture a son style plus ou moins figuratif, plus ou moins humoristique, plus ou moins acerbe, mais toutes le même thème : les droits de l’homme. Un projet dont l’idée a...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut