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Politique

Mélenchon et l’antisémitisme : ligne rouge franchie, et allègrement!

En s'attaquant au CRIF, Jean-Luc Mélenchon vient de franchir un pas supplémentaire dans ce qui devient son naufrage personnel, politique autant qu'idéologique.

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(FILES) In this file photo taken on November 21, 2017 French leftist La France Insoumise (LFI) party leader Jean-Luc Melenchon speaks to the press after a meeting with the French president at the Elysee palace in Paris. - The sentence is expected on Decem

Par une acrobatie dialectique assez stupéfiante, Mélenchon a trouvé moyen de s’en prendre au CRIF.

AFP

Une chute sans fin ni fond. Un naufrage autant personnel que politique et idéologique. Une vie d’engagements ruinée. Depuis quelque temps, nous avions compris, et une grande partie de ses sympathisants aussi, que Jean-Luc Melenchon s’était égaré: son soutien aveugle aux gilets jaunes, les agressions verbales, quasi physiques, contre les représentants de la police et de la justice, un nombrilisme délirant ponctué par ce ridicule "la République, c’est moi", une volonté de fer d’écraser les autres "forces" de gauche... En conséquence un double naufrage, sondagier puis électoral à l’occasion des récentes Européennes. Mélenchon vient pourtant de franchir un pas supplémentaire: il est désormais déconsidéré. Car nul ne "joue" impunément, pire encore délibérément avec l’antisémitisme.

En Grande-Bretagne, le parti travailliste et son chef de file Jeremy Corbyn viennent de perdre les élections législatives. Balayés! Un triomphe pour le conservateur Boris Johnson, notamment dans des circonscriptions populaires qui, jamais, ne s’étaient détournées de la gauche. Voilà en effet un retournement historique, désastreux une nouvelle fois pour la social-démocratie en Europe, qui mérite analyses et réflexions. Mélenchon, lui, a trouvé les coupables à ce naufrage de son camarade Corbyn: non pas sa ligne politique; non pas ses ambiguïtés sur le Brexit; non pas son manque d’incarnation et de charisme face au tonitruant Boris Johnson. Le coupable en chef a pour identité Ephraim Mirvis, grand rabbin d’Angleterre, secondé selon Mélenchon par "les divers réseaux d’influence du Likoud", le parti politique du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Quelques semaines avant le scrutin, le grand rabbin avait en effet publié une retentissante tribune dans le prestigieux quotidien Times pour dénoncer "le poison de l’antisémitisme qui a pris racine au sein du Labour", jugeant Corbyn "inapte à gouverner"! Et le "lider maximo" de La France Insoumise de reprocher au travailliste sa... mollesse: "au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages. Dans les deux cas, il a affiché une faiblesse qui a inquiété les secteurs populaires". Alors traduisons avec clarté "le" Mélenchon: lesdits secteurs populaires se sont détournés de Corbyn parce que celui-ci, effrayé, pétochard, s’est "couché" devant la puissance juive. "Corbyn a voulu plaire aux importants", ajoute-t-il. Qui sont donc ces "importants"? Des Juifs? Le Pen, Jean-Marie, ne se serait pas exprimé autrement.

Pas un instant Mélenchon n’estime opportun et important de s’interroger sur la réalité de cette dérive antisémite du parti travailliste. Pas un instant il ne lui vient à l’idée de questionner les motivations de ces milliers de "vieux" militants qui, la mort dans l’âme et pour cette raison, ont rendu leur carte. Pas un instant il ne prend au sérieux le retrait de Luciana Berger et de Louise Ellman, deux élues de Liverpool la rouge, précisément en raison de cette fièvre anti-juive. Pas un instant, il ne reproche à Corbyn d’avoir longtemps, trop longtemps, laissé prospérer dans son entourage un négationniste patenté et un prêtre revendiquant sa haine antisémite. Pas un instant il ne songe à poser la bonne question: pourquoi le leader travailliste anglais n’a-t-il pas réagi avec force quand la critique (légitime) de la politique d’Israël s’est muée en une détestation déclarée des Juifs?

La nouvelle "cohérence" Mélenchon?

Pas un instant Mélenchon, et c’est troublant, ne tique à la lecture de cette assertion de Corbyn: "les sionistes britanniques ont deux problèmes: ils ne veulent pas étudier l’histoire; bien qu’ayant vécu dans ce pays très longtemps, probablement toute leur vie, ils ne comprennent pas non plus l’ironie anglaise"... Cela laisse entendre que ces "sionistes", ces Juifs là, sont et resteront à jamais "étrangers à leurs pays". À nouveau, le vocabulaire et le raisonnement de l’extrême-droite antisémite. Choquant, au moins... Pas pour Mélenchon.

Mais voilà qu’il ne s’en tient pas à la Grande-Bretagne. Retour en France puisque, par une acrobatie dialectique assez stupéfiante, Mélenchon trouve moyen de s’en prendre au CRIF (conseil représentatif des institutions juives de France). À de nombreuses reprises, nous n’avons pas ménagé le CRIF, ses présidents successifs, son soutien obtus à la politique de Netanyahou. Mais à quoi fait-il allusion quand il se déchaîne de la sorte: "la génuflexion devant les ukases arrogantes des communautaristes du CRIF: c’est non. Et non, c’est non." Pourquoi cette violence verbale? À quoi fait-il allusion? Nous avions cru comprendre qu’en manifestant récemment à Paris contre l’islamophobie sans prendre un instant garde aux engagements politiques et idéologique des organisateurs (islamistes), Mélenchon, précisément, s’était agenouillé. Mais sans doute s’est-il imaginé que cette génuflexion là avait, entre autres, valeur électorale.

Il y a quelques années déjà, Jean-Luc Mélenchon avait été soupçonné d’antisémitisme. Sans la moindre hésitation, j’avais pris sa défense. Il suffisait, croyais-je à l’époque, d’observer son parcours -socialiste, républicain et humaniste- pour s’interdire tout (faux) procès en antisémitisme. Mélenchon fut reconnaissant de cette intervention. Aujourd’hui, après cet épisode Corbyn-CRIF, l’accablement est de mise: oui, Jean-Luc Mélenchon a franchi la ligne rouge de l’antisémitisme. Quelques jours auparavant, il tressait des louanges à... Marine Le Pen qui avait déclaré son soutien à la grève des cheminots: "elle est en train de faire un progrès en direction de l’humanisme, je ne vais tout de même pas me plaindre de ça. Ses adhérents sont les bienvenus." De Corbyn à Le Pen, est-ce la nouvelle "cohérence" Mélenchon? On peut le redouter.

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