Henri Delcour poursuit : "Nous hésitons à entrer dans la remise. Ils tuent au revolver une dame qui ne veut pas rentrer. Au moment où je vois cela, je reçois un coup de crosse sur la tête et je suis éjecté dans le hangar. Les SS mettent une mitrailleuse à l'entrée de la remise, la chargent et commencent à tirer. Nous étions 28 et ils nous ont tiré dessus. Moi je m'étais laissé tomber et je faisais le mort. Plusieurs personnes sont tombées sur moi, certains agonisaient. Il y avait un boucan indescriptible. Un soldat allemand est entré dans la remise, revolver au point. Tous ceux qui bougeaient étaient achevés d'une balle dans la nuque. Puis je n'ai plus rien entendu, j'ai cru que j'était le seul survivant. J'avais reçu un coup de crosse sur la tête et j'avais une balle dans la jambe. Les SS ont foutu de la paille et des morceaux de bois à l'entrée du hangar et ils y ont mis le feu. Mes pieds commençaient à brûler. Alors je me suis dit que je devais foutre le camp : je préfèrerais être tué tout de suite dehors qu'être brûlé vif. J'ai traversé tous les cadavres et je suis sorti par le fond du hangar".
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"J'ai sucé des glaçons pour donner à manger à mon bébé"
Lucie Delcour, une autre habitante de Parfondruy, se souvient des événements tragiques de décembre 1944. Alors que des civils sont massacrés dans le village, elle se réfugie dans les bois des environs avec son bébé âgé de deux mois, emmitouflé dans une couverture. "J'ai passé deux jours et deux nuits dans les bois. Il faisait tellement froid qu'il y avait des glaçons, il gelait fort. J'ai sucé des glaçons pour donner à manger à mon bébé, qui n'a pas dit un mot. Il y avait une tranchée et les Boches se battaient contre les Américains. J'ai dû traverser la tranchée, j'ai été bénie parce que j'avais mis le drap blanc de mon bébé avec une branche de sapin, puisque je me rendais. On avait toujours dit qu'on se rendait avec un drap blanc. Je suis restée contre une pierre, là un soldat m'a tenu en joue bien longtemps. Après deux jours je suis rentrée par un petit chemin. Les combats faisaient toujours rage près d'une ferme. Une habitante de cette ferme m'a fait signe de m'approcher, mais mes jambes étaient gelées. Je tenais mon bébé comme je pouvais. Il avait la tête penchée et son corps était couvert de coups. J'ai ensuite voulu rentrer à ma maison. Là, la voisine m'a dit de venir, mais en rampant le long de la maison. Parce que les Allemands étaient postés sur les toits des maisons et visaient tous ceux qui passaient. Je me suis réfugiée là et, deux jours après, mon bébé mourait dans d'atroces souffrances, malheureusement. On a commencé à chercher des planches et j'ai mis mon bébé dans un petit cercueil que j'ai fabriqué comme j'ai pu. Quand on est seul et dans la peine…"
"Mon papa était brûlé, mais où était-il? On l'a retrouvé : il restait trois doigts, avec son alliance. Tous nos voisins étaient carbonisés. J'ai mis Papa dans un essuie. Et j'ai mis mon bébé dans la maison où il y avait d'innombrables tués", ajoute encore Lucie Delcour.
Au total, 24 personnes désarmées ont été mitraillées dans la grange à Parfondruy. Ces faits ont été commis par des membres SS de la colonne Peiper.