Les conséquences de l’assassinat ciblé du chef iranien des Forces Al-Qods, Ghassem Soleimani, mené en Irak par les Etats-Unis dans la nuit de jeudi 2 à vendredi 3 janvier, sont immédiates. Washington a décidé de déployer entre 3 000 et 3 500 militaires supplémentaires au Moyen-Orient pour renforcer la sécurité des positions américaines dans la région, a annoncé le Pentagone.
Ces soldats appartiennent à une force de réaction rapide de la 82e division aéroportée. Ils s’ajoutent aux quelque 700 soldats qui ont été envoyés au Koweït en début de semaine après l’attaque contre l’ambassade des Etats-Unis dans la capitale irakienne, Bagdad, mardi.
Le président américain, Donald Trump, a affirmé vendredi ne pas chercher de « changement de régime » à Téhéran après l’élimination de celui qu’il a qualifié de « terroriste numéro un » dans le monde. Affirmant avoir agi pour « arrêter » une guerre, pas pour en commencer une, il a assuré que Ghassem Soleimani préparait des attaques « imminentes » contre des diplomates et des militaires américains.
Par ailleurs, l’ambassade américaine à Bagdad a appelé vendredi ses ressortissants à quitter l’Irak « immédiatement », « par avion tant que cela est possible, sinon vers d’autres pays par voie terrestre ». Les principaux postes-frontières de l’Irak mènent vers l’Iran et la Syrie en guerre, alors que d’autres points de passage existent vers l’Arabie saoudite et la Turquie.
Paris appelle ses ressortissants au Proche-Orient à la « prudence »
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui a interrompu un voyage en Grèce pour rentrer en urgence en Israël, a estimé que les Etats-Unis avaient le « droit » de « se défendre ». Sans déclarer l’état d’urgence, l’armée israélienne a fermé l’accès à une station de ski sur le Mont Hermon, site stratégique situé sur le plateau du Golan à la frontière de la Syrie et du Liban.
De son côté, Emmanuel Macron a exhorté les différents intervenants à la « retenue » afin d’« éviter une nouvelle escalade dangereuse ». Lors d’un entretien avec son homologue russe, vendredi matin, le président français a « rappelé l’attachement de la France à la souveraineté et à la sécurité de l’Irak et à la stabilité de la région ». Il a appelé l’Iran à « revenir rapidement au plein respect de ses obligations nucléaires et à s’abstenir de toute provocation », ajoute la présidence dans un communiqué.
Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a appelé l’Iran à éviter toute réaction à la mort du général Soleimani qui conduirait à aggraver « l’instabilité régionale » ainsi qu’à « une grave crise de prolifération nucléaire ».
Le Quai d’Orsay appelle à la « prudence », sur son site Internet, ses ressortissants se trouvant dans plusieurs pays du Proche-Orient, notamment en Irak et en Iran. Il formule des conseils similaires à l’intention des Français « résidant ou de passage en Arabie saoudite » ou encore en Israël et dans les territoires palestiniens.
Appels à la vengeance d’un côté…
En Iran et en Irak, les appels à la vengeance des responsables politiques et religieux se multiplient. L’Iran et les « nations libres de la région » se vengeront des Etats-Unis, a promis le président Hassan Rohani. Le Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, plus haute instance sécuritaire de l’Iran, a également promis de venger « au bon endroit et au bon moment » le général Soleimani. « L’Amérique doit savoir que son attaque criminelle (…) a été la plus grave erreur du pays », fait-il savoir dans un communiqué.
A Téhéran, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour dénoncer les « crimes » américains. Femmes et hommes, parfois âgés, ont défilé dans les rues après la prière en brandissant notamment des portraits du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. « L’axe du mal, ce sont les Etats-Unis, le leitmotiv de la religion et du Coran est : “Mort à l’Amérique !” », ont-ils scandé en chœur. « Ô leader de notre révolution, condoléances, condoléances », ont-ils poursuivi.
Côté irakien, le premier ministre démissionnaire, Adel Abdel Mahdi, a estimé que le raid américain allait « déclencher une guerre dévastatrice en Irak », dénonçant « une agression contre l’Irak, son Etat, son gouvernement et son peuple ».
Sur la même ligne, le pouvoir syrien a dénoncé la « lâche agression américaine », y voyant une « grave escalade » pour le Moyen-Orient, a rapporté l’agence de presse officielle syrienne Syrian Arab News Agency (SANA). Le président syrien, Bachar Al-Assad, a assuré que le soutien du général Ghassem Soleimani à l’armée syrienne « ne sera pas oublié », dans une lettre adressée au Guide suprême iranien, selon des propos rapportés par SANA.
Le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah, grand allié de l’Iran, a, lui, promis « le juste châtiment » aux « assassins criminels » responsables de la mort du général iranien.
La Russie a elle aussi mis en garde contre les conséquences de cette frappe. « L’assassinat de Soleimani (…) est un palier hasardeux qui va mener à l’accroissement des tensions dans la région », a déclaré le ministère des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, cité par les agences de presse RIA Novosti et TASS :
« Soleimani servait fidèlement les intérêts de l’Iran. Nous présentons nos sincères condoléances au peuple iranien. »
… à la désescalade de l’autre
Le grand ayatollah Ali Al-Sistani, figure irakienne majeure de l’islam chiite, a appelé, vendredi, toutes les parties à faire preuve de retenue et de sagesse :
« Ces événements et plus encore montrent que notre pays se dirige vers des temps très difficiles. Nous appelons toutes les parties concernées à se comporter avec retenue et à agir avec sagesse. »
« Le monde ne peut se permettre une nouvelle guerre dans le Golfe », a affirmé de son côté le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, dans un communiqué. Dans ce texte très court publié vendredi, il appelle aussi « les dirigeants à faire preuve du maximum de retenue ».
Même invitation à la « retenue » de la part du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Exhortant tous les acteurs impliqués à « la responsabilité en ce moment crucial », M. Borrell a souligné qu’une « autre crise risquait de mettre en danger des années d’efforts pour stabiliser l’Irak ».
L’Arabie saoudite a également appelé à « la retenue pour éviter tout ce qui pourrait aggraver la situation avec des conséquences incontrôlables », a déclaré le ministère des affaires étrangères saoudien sur Twitter. Proches des Américains et des Saoudiens, les Emirats arabes unis, autre puissance arabe du Golfe, ont également appelé à faire preuve de « sagesse » et de « mesure », dans un tweet de leur ministre d’Etat aux affaires étrangères, Anwar Gargash. Riyad et Abou Dhabi soutiennent la politique de fermeté de l’administration Trump contre Téhéran mais craignent des représailles de la République islamique et ses alliés sur leur sol, selon des experts.
La Chine a quant à elle fait part de sa « préoccupation » et a appelé au « calme ». « Nous demandons instamment à toutes les parties concernées, en particulier aux Etats-Unis, de garder leur calme et de faire preuve de retenue afin d’éviter une nouvelle escalade des tensions », a indiqué un porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang.
Le ministre des affaires étrangères britannique, Dominic Raab, a lui aussi invité « toutes les parties à la désescalade », estimant qu’« un autre conflit n’est aucunement dans notre intérêt », tout comme Berlin, qui a exprimé sa « grande inquiétude ».
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) « surveille la situation de très près », a déclaré vendredi un de ses porte-parole. L’Alliance atlantique maintient une présence limitée sur le territoire irakien où elle mène, à la demande du gouvernement irakien, une mission de formation des forces du pays pour empêcher le retour de l’organisation Etat islamique.
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