«C’est une honte !» : à l’hôpital de Cherbourg le service de cancérologie a fermé pendant les fêtes

    Faute d’effectifs suffisants dans d’autres services, l’hôpital Pasteur a fermé le département d’oncologie pour 15 jours, transférant malades et personnels. Une décision qui indigne infirmières et familles des patients.

     « Ces patients qu’on suivait tous les jours, on ne sait même pas dans quels services ils ont été déplacés », s’insurge une infirmière de l’hôpital Pasteur. (Illustration)
    « Ces patients qu’on suivait tous les jours, on ne sait même pas dans quels services ils ont été déplacés », s’insurge une infirmière de l’hôpital Pasteur. (Illustration) LP

      « Je n'aurais jamais cru qu'on pourrait en arriver là… Du jour au lendemain, on s'est retrouvés séparés de patients qu'on suivait parfois depuis 10 ans ! Et on découvre dans la nécrologie de la presse locale que certains sont morts. Ce qui veut dire qu'ils étaient dans des services où ils ne connaissaient personne… à deux jours de Noël. Si ce n'est pas de la maltraitance, je ne sais pas ce que c'est. »

      Depuis 12 ans, Agathe (le prénom a été modifié) travaille comme infirmière, spécialisée dans le traitement des cancers, à l'hôpital Pasteur à Cherbourg (Manche). C'est elle qui a décroché les décorations de Noël, anéantie par la décision inédite de la direction de fermer son service d'oncologie pendant au moins 15 jours… en pleine période de fêtes !

      Dans un contexte déjà lourd de restructuration, « il y a des manques d'effectifs dans l'ensemble des services », précise Sylvie Meriel, secrétaire Force ouvrière à l'hôpital. Résultat, selon la syndicaliste : « La direction a dû faire un rapide calcul en se disant qu'il suffisait simplement de fermer l'oncologie pour récupérer une quinzaine de personnels et combler les trous un peu partout ».

      Un malade transféré à 120 km

      « Sauf que, poursuit Agathe l'infirmière, nos patients se retrouvent dispatchés dans des services où les personnels ne sont pas formés à ces soins très spécifiques, notamment la chimiothérapie. Imaginez que certains d'entre eux sont en fin de vie et on les balade en brancards au hasard des places qui se libèrent. C'est une honte ! L'un d'eux a même été emmené à 20 km d'ici, dans un service qui n'avait absolument rien à voir avec son cancer. Ils l'ont ensuite transféré à Caen (Calvados), cette fois à 120 km, où il est mort deux heures après. Loin des praticiens qui le suivaient au quotidien… »

      C'est cette dimension humaine, apparemment sous-estimée, qui suscite l'incompréhension. « Peut-on accepter de dire à des familles dans de telles souffrances : eh bien, on va déménager votre mari ou votre papa… parce qu'on ferme le service pour Noël ? Ces patients qu'on suivait tous les jours, on ne sait même pas dans quels services ils ont été déplacés », s'insurge Louise (le prénom a été modifié), infirmière elle aussi dans le service. Un sentiment manifestement partagé par les habitants de la ville.

      Les infirmières prévenues la veille

      « C'est un véritable scandale. Quand on voit l'argent public qui est dépensé alors qu'on n'est pas foutus d'offrir un accueil décent à des patients qui souffrent de maladies aussi graves. Et les pauvres infirmières qui se retrouvent larguées comme des kleenex. C'est insupportable ! », commente Hervé, 55, ans.

      Car au-delà du fond de l'affaire, il y a la forme. « Je travaille ici depuis 12 ans et ce sont des collègues qui nous ont prévenues par téléphone que le service fermait le lendemain et qu'on n'allait pas revoir les patients. Est-ce que vous imaginez ce que ça veut dire aussi humainement pour nous ? » interrogent d'une seule voix les infirmières.

      Reste maintenant à savoir si le service rouvrira bien le 6 janvier comme convenu. « Rien n'est moins sûr. On ne voit pas en quoi les conditions pourraient subitement s'améliorer en une semaine… » Interrogée, la direction refuse catégoriquement de répondre aux questions de la presse et, plus surprenant, aux inquiétudes des patients et de leurs soignants.