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"Lâche", "négatif pour les étrangers" : la presse japonaise sidérée par la fuite de Carlos Ghosn
Carlos Ghosn a pu retrouver son épouse au Liban.

"Lâche", "négatif pour les étrangers" : la presse japonaise sidérée par la fuite de Carlos Ghosn

Editos pas très chauds

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La plupart des journaux et des télés nippons voient dans la fuite de l’ancien Président de Nissan un affront au système politique et judicaire. Certains trouvent matière à réflexion sur la refonte du système de détention.

La fuite de Carlos Ghosn, le 29 décembre dernier, passe mal au Japon. Déjà, elle vient donner raison à certains juges et procureurs qui se sont toujours opposés à sa libération sous caution. Le journal de Tokyo, plutôt sur une ligne progressiste, explique que « son argument selon lequel il veut prouver son innocence est remis en question », affirmant que ce départ est une insulte envers le système japonais. Même ton critique du côté du Yomiuri Shinbun (journal conservateur le plus vendu au Japon et dans le monde) qui voit dans cette fuite « un acte plein de lâcheté ». Interrogé par l'Asahi Shinbun (deuxième quotidien du pays à tendance libérale), un procureur explique que « la libération sous caution était une erreur. Le résultat est terrible ». L'hebdomadaire centriste Bunshun va plus loin dans l'analyse en expliquant que « les tribunaux japonais ont augmenté le nombre de libération sous caution depuis 2009. Mais la fuite de l'ancien président aura un impact sur ce régime et pourrait pousser les juges à serrer la vis ».

Surpris par la facilité de la fuite de l'ancien président de l'alliance, Masahisa Sato, député du parti de Shinzo Abe, affirme qu'il est « problématique qu'un pays laisse faire un départ illégal » visant ainsi son propre gouvernement. Interrogés par le Sankei Shinbun (un des grands journaux conservateurs du pays) des procureurs dénoncent « une pression extérieure ». Selon eux, les nombreuses critiques des médias étrangers sur le système de « justice d'otage » ont influé sur la décision des juges de libérer Ghosn sous caution.

Certains médias indépendants et plutôt critiques du gouvernement dénoncent quand même l'attitude du président déchu. Pour le média progressiste Shingetsu News « cette fuite aura des répercussions négatives sur les étrangers vivant au Japon. Cela va saper les critiques justifiées de « justice d'otage » et pousser les procureurs à ne pas transiger avec les longues détentions ». Pour eux « la décision de Ghosn soulagera les vrais coupables (…) Désormais, tout sera centré sur Ghosn et sa fuite. »

Le postulat de Shingetsu est à nuancer car bien que les projecteurs soient braqués sur Ghosn, c'est bien Nissan le premier embêté par cette affaire. Interrogé par l'Asahi Shimbun, un journaliste d'un grand quotidien national explique que « si la perspective d'être jugé au Japon disparaît, Ghosn pourrait dénoncer d'autres actes répréhensibles de cadres de Nissan. Cela pourrait saper la légitimité des dirigeants actuels et nuire à l'image de marque ainsi qu'aux résultats ». D'ailleurs, le procès Ghosn devant se tenir au printemps devait également juger son bras droit Greg Kelly ainsi que la responsabilité de Nissan. Alors que d'après Hisao Inoue, spécialiste de l'affaire Ghosn « il est fort probable que le procès n'ait pas lieu », Nissan prend tout de même le risque d'être jugé... sans le principal incriminé.

De son côté, Ghosn n'a pas masqué sa hâte de dévoiler sa vérité. Une conférence de presse est prévue pour le 8 janvier, lors de laquelle il devrait en dire sur le "complot" qu'il dénonce depuis plus d'un an.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne