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Attentat de Villejuif : oui, on peut être à la fois "déséquilibré" et "terroriste"
Crédits : Crédit CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Attentat de Villejuif : oui, on peut être à la fois "déséquilibré" et "terroriste"

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Alors que le procureur de Créteil a déclaré que l'assaillant de Villejuif était atteint de troubles psychiatriques et que le parquet antiterroriste s'est saisi de l'enquête, Vincent Lautard interroge les relations entre terrorisme et troubles psychiatriques.

Dans les premiers instants qui suivent un acte possiblement terroriste, une question revient sans cesse dans les médias, chez les politiques ou encore sur les réseaux sociaux : "est-ce un acte terroriste ou l’œuvre d’une personne atteinte d’un trouble psychiatrique ?", la réflexion est binaire, pas de demi-mesure, l’assaillant sera soit "déséquilibré", soit "terroriste", point final, circulez il n’y a rien à voir !

Avoir une pathologie psychiatrique ne signifie pas qu’on aura forcément des comportements violents.

Une personne ayant des troubles psychiques ne pourrait donc pas être considérée comme terroriste ?

Des précisions s’imposent :

Tout d’abord, le champ de la psychiatrie englobe de nombreuses pathologies, on peut citer les troubles névrotiques ou encore les troubles délirants (schizophrénie...). Il est important de rappeler qu’avoir une pathologie psychiatrique ne signifie pas qu’on aura forcément des comportements violents, au cours de sa vie. Une personne atteinte d’une maladie psychique pourra avoir conscience de ses troubles et n’avoir aucune altération de la réalité ou à l’inverse, être déconnectée du monde réel, en développant par exemple des idées irrationnelles. Tout dépendra de la pathologie dont elle est atteinte.

Refuser les amalgames

Ensuite, les bonnes questions doivent être posées afin de déterminer les circonstances du passage à l’acte violent de l’individu :

  • Est-ce que la personne au moment des faits a eu son discernement et le contrôle de ses actes abolis ? (Article 122-1 du code pénal), dans le cas contraire, sa « responsabilité pénale » pourra être engagée.

  • Est-ce que son comportement destructeur est lié à une idéologie radicale : religieuse, politique...(daesh, néo-nazi...) ?

  • Est-ce que des ordres ou des consignes ont été donnés par des tiers (cellule terroriste...) ?

  • De même il n’est pas impossible qu’un groupe terroriste ou qu’un individu radicalisé, puisse manipuler une personne atteinte d’une grave pathologie mentale, pour l’inciter à commettre un attentat.

Il n’est pas question de faire un amalgame entre la maladie psychique et le terrorisme.

Autant de réponses à apporter pour arriver à définir le profil de l’assaillant :

- Si l’individu atteint de troubles psychiatriques n’a pas d’abolition de son discernement au moment de son passage à l’acte, et si celui-ci est lié à une idéologie violente, on pourra s’interroger sur un possible acte terroriste

Il est bien évidemment important de souligner ici, qu’il n’est pas question de faire un amalgame entre la maladie psychique et le terrorisme (comme le soulignait Raphael Gaillard, professeur de psychiatrie à St Anne et expert à la cour d’appel de Paris : "La grande majorité des terroristes n’ont aucun rapport avec la psychiatrie").

Il est donc aussi essentiel de ne pas donner trop de crédit à certains pyromanes de la politique ou des réseaux sociaux.

Tout comme il ne s’agit pas là non plus, d’assimiler la violence aux troubles mentaux, comme c’est si souvent le cas dans la culture populaire. Le but étant de montrer qu’une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique, peut tout à fait être consciente de la réalité qui l’entoure et donc tout aussi bien, être responsable de ses actes. Alors que nous vivons dans une société rythmée par des chaînes d’information, où une actualité en chasse une autre, il est primordial, de ne pas se précipiter et faire des conclusions hâtives sur des actes qui viennent de se produire.

Il est donc aussi essentiel, de ne pas donner trop de crédit à certains pyromanes de la politique ou des réseaux sociaux, qui auraient trop hâte de classifier les faits à des fins idéologiques. Si on prend l’exemple du terrorisme islamiste, certains ont tendance à cataloguer tous les terroristes comme des "déséquilibrés", pour clôturer le débat sur la montée de l’islam radical alors que d’autres, notamment de l’extrême droite, cherchent à faire passer tous faits divers comme des actes terroristes.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne