La Cour de justice de la République (CJR) a donné raison au gouvernement sur un sujet éminemment sensible. Elle a classé sans suite les plaintes déposées contre le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, par des familles de femmes et d’enfants de djihadistes français retenus en Syrie, ont annoncé des sources concordantes à l’Agence France-Presse (AFP), lundi 6 janvier.
Six plaintes, notamment pour « omission de porter secours » et « abus d’autorité », avaient été déposées à partir de juillet auprès de la CJR – seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions – et visaient également la ministre de la justice, Nicole Belloubet. Les plaignants reprochaient au chef de la diplomatie française de refuser, de manière « pesée, volontaire et intentionnelle », de rapatrier ces femmes et enfants de djihadistes français retenus dans des camps kurdes en Syrie alors qu’ils sont « en situation de péril ».
« Une décision politique »
Dans sa décision rendue le 16 décembre, la commission des requêtes de la CJR a estimé que les infractions reprochées aux ministres reposaient sur le postulat « que les personnes en cause avaient les moyens d’agir ou disposaient de relais sur place leur permettant d’intervenir effectivement ». Or, selon la CJR, la Syrie est un « territoire étranger, qui ne dispose pas d’une représentation stable et reconnue et qui, en outre, est actuellement en proie à un confit ». Par ailleurs, la CJR fait valoir que les mineurs « se trouvent sous l’autorité parentale de leur mère, dont il n’est pas démontré qu’elles en aient été déchues ou qu’elles aient accepté de laisser leurs enfants quitter les camps sans elles ».
« Ce n’est ni une décision juridique ni une décision judiciaire, c’est une décision politique », a réagi Marie Dosé, avocate de plusieurs familles de djihadistes dont celle de la famille Lopez, que Le Monde avait suivie. « Quand la France a voulu rapatrier des personnes, elle l’a fait, a-t-elle observé. Elle n’a jamais expliqué qu’elle ne pouvait pas rapatrier ces personnes. »
Des rapatriements au « cas par cas »
Jusqu’ici, le gouvernement français n’a accepté de rapatrier des enfants de ces camps qu’au « cas par cas ». Après des mois de tergiversations, Paris a ainsi rapatrié en juin douze enfants, dont la majorité étaient des orphelins. « C’est la raison d’Etat et l’hypocrisie qui ont prévalu une fois de plus dans la gestion du retour » de ces familles, a regretté de son côté l’avocat Emmanuel Daoud, à l’origine de certaines de ces plaintes. Selon lui, « il y a une présence française sur place, les services français sont sur place, les autorités françaises sont dans un dialogue constant avec les autorités kurdes ».
Mme Dosé a déposé plusieurs assignations en référé pour faire constater la « voie de fait », qui permet au juge judiciaire de sanctionner une atteinte à la « liberté individuelle » commise par l’administration. L’avocate fait notamment valoir que « les rapatriements d’une quinzaine d’orphelins ces derniers mois démontrent que les autorités françaises bénéficient d’une influence déterminante sur les autorités locales qui gèrent ces camps pour organiser ces rapatriements dans des conditions de sécurité satisfaisantes ».
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