L'index égalité femmes-hommes, une occasion d'agir

L’index d’égalité femmes-hommes devra être publié par les PME de plus de 50 salariés en mars. Une contrainte, mais aussi une occasion d’agir.

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L'index égalité femmes-hommes, une occasion d'agir
L’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat.

Après quarante-sept ans, on est encore loin de l’égalité salariale. Le site du secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes rappelle que "la loi du 22 décembre 1972 [a inscrit] dans le droit le principe de l’égale rémunération des femmes et des hommes". Si le principe est dans la loi, les pratiques tardent à changer. Le ministère du Travail estime à 10 % environ la différence non expliquée de salaire entre les deux sexes… au détriment des femmes.

"Dans de nombreuses entreprises, les dirigeants n’ont pas pris conscience des écarts de salaire qui pouvaient subsister, et ce en toute bonne foi. Ils pensent que c’est réglé", explique Jean-Marc Morel, qui dirige le département RH de la société lyonnaise d’expertise comptable RSM.

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Le calcul et la publication d’un index [lire l’encadré ci-dessous] sont l’une des mesures phares prise par la ministre du Travail, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat. "On ne peut pas corriger ce qu’on ne mesure pas", rappelle Isabelle Villedieu, la responsable des rémunérations et des avantages sociaux de Schneider Electric. Après les grandes entreprises et les ETI, c’est au tour des PME de 50 à 250 salariés de se livrer à ce calcul pour une publication d’ici au 1er mars.

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Des définitions précises

Pour calculer l’égalité salariale stricto sensu, les chefs d’entreprise et leurs responsables RH vont devoir réunir les informations sur la paie des douze derniers mois. S’il n’est pas d’une complexité exceptionnelle, le calcul requiert toutefois un peu de temps pour récupérer les données et réfléchir à la façon de les utiliser. La démarche ne consiste pas à comparer les hommes et les femmes en général, mais des ­sous-ensembles de personnel par tranche d’âge (de 20 à 30 ans, de 30 à 40 ans, de 40 à 50 ans…) et par catégorie socioprofessionnelle (ouvriers, techniciens, cadres…). Avec une restriction d’une grande importance : "Si, dans un sous-groupe donné, on a de zéro à deux individus représentant le sexe minoritaire, le sous-groupe en question, sous-représenté, ne doit pas être pris en compte dans le calcul global", précise Jean-Marc Morel. Les textes officiels font "référence à la rémunération globale perçue, rappelle Caroline André-Hesse, avocate au sein du cabinet AyacheSalama. Dès lors, comment comptabiliser les congés ­maternité et les arrêts maladie ? Comment traiter les primes ? Faut-il ou non les intégrer ?". Toutes les primes relatives à la nature du poste occupé sont exclues, ce qui est logique puisqu’elles ne sont pas liées à la personne ou à son travail. En revanche, il faut intégrer les primes collectives (comme celles de transport), les primes d’objectif et autres bonus.

Les entreprises ne sont pas seules. Elles peuvent s’appuyer sur le simulateur d’index mis en ligne par le ministère du Travail, qui les assiste pas à pas dans la démarche. L’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a également publié en ligne un guide assez complet pour accompagner ce calcul. Des ambassadeurs de l’index sont aussi là pour aider les entreprises. C’est le cas de Jean-Paul Chapron, le président de l’entreprise de services numériques ASI, qui précise que son rôle n’est pas "de promouvoir l’index en tant que tel, mais l’intérêt qu’il y a pour les entreprises à s’y intéresser. Autrement dit, de leur montrer comment cette obligation légale peut être un atout pour elles".

L’index, un point de départ

Le calcul de l’index n’a pas pour vocation de remplir des armoires ou les serveurs des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), mais bien plutôt d’obliger les entreprises à agir. Camille Rainsard, la DRH de groupe Raja explique comment les résultats obtenus dans son entreprise l’ont amenée à revoir certains éléments de la politique maison [lire l’encadré ci-dessus]. Chez Schneider Electric, qui a obtenu la note de 94 sur 100, Isabelle Villedieu ne compte pas s’endormir sur ses lauriers. "Nous avons lancé il y a une dizaine d’années une méthodologie pour mesurer les écarts. C’est un combat permanent, où rien n’est jamais acquis. Avant la loi, nous mesurions et négociions tous les ans un budget de rattrapage dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire", souligne-t-elle.

Ce travail a un premier mérite : trouver les sources d’écart salarial. Une préoccupation partagée par de nombreux chefs d’entreprise, à en croire Jean-Paul Chapron. "Quand je leur demande s’ils sont à l’aise sur l’existence d’un écart de 10 % entre hommes et femmes, les dirigeants répondent négativement, même s’ils râlent à cause de la paperasse que représente l’index", raconte-t-il. Traduction : ils sont prêts à agir, même si la méthode les effraie un peu. C’est le cas, notamment, de Schneider Electric, qui a identifié que l’une des sources du problème se situait très en amont. "Lors de l’embauche, les hommes ont, en moyenne, une capacité plus forte de négocier leur salaire que les femmes", explique Isabelle Villedieu. Résultat, même en étant vigilants sur les augmentations, les écarts subsistaient. Désormais, les responsables RH sont attentifs à ce point lors de l’embauche et des promotions – un autre moment critique où peuvent se créer des écarts.

La mise en œuvre de l’index d’égalité femmes-hommes pourra amener des sociétés à revoir leur mode de fonctionnement. "Dans certaines entreprises, les hausses ne sont pas centralisées, mais laissées entre les mains du manager", constate Muriel Besnard, la responsable du pôle veille légale RH d’ADP. La solution passe alors par une meilleure formation des managers. L’année 2020 sera-t-elle celle où l’on appliquera enfin la loi de 1972 ?

Que mesure l’index ?

L’index est composé de cinq indicateurs concernant les salariés français.

  • l’écart de rémunération
  • l’écart de taux d’augmentations individuelles, hors promotions
  • l’écart de taux de promotions
  • les augmentations dans l’année suivant le retour de congé maternité
  • le nombre de personnes du sexe sous-représenté dans les dix plus hautes rémunérations.

L’ensemble produit une note sur 100.

Toutefois, pour les PME de 50 à 250 salariés, seuls quatre critères seront pris en compte, l’écart de taux de promotions étant écarté. Une entreprise dont le score sera inférieur à 75 devra mettre en place des mesures correctives dans les trois ans. Des pénalités égales à 1 % de la masse salariale pourront être appliquées aux entreprises ne respectant pas leurs obligations.

Des augmentations toujours sous contrôle

Le cabinet Deloitte prévoit un taux d’augmentation médian des salaires des cadres et des non-cadres de 2,1 % en 2020. Les cadres supérieurs devraient se contenter d’un peu moins, avec une hausse de 2 %. C’est un peu moins que ce qui a été observé en 2019, où les augmentations ont atteint 2,8 % pour les cadres et 2,4 % pour les non-cadres, en incluant les promotions et des augmentations générales.

Si le montant des hausses de salaire est plus généreux dans l’enquête réalisée auprès de 400 entreprises par le cabinet Willis Towers Watson, la tendance est la même : pas d’à-coups dans la politique salariale en 2020. La moitié des entreprises prévoit un budget d’augmentation supérieur ou égal à 2,5 %, les trois quarts des firmes consultées annoncent un taux d’augmentation de 2,3 %.

Année après année, la tendance se confirme : les augmentations individuelles sont plus importantes que les hausses générales, en particulier pour les cadres. Parmi ceux dont le salaire a été revalorisé en 2019, 64 % ont bénéficié d’un coup de pouce individuel, 8 % d’une augmentation générale et 28 % des deux. L’amélioration conjoncturelle observée ces dernières années n’a donc pas rendu les entreprises aveuglément généreuses. Les pratiques qui se sont répandues pendant les années de crise, de 2008 à 2012, perdurent. Les augmentations sont distribuées de façon très sélective. Pour en bénéficier, il faut posséder des compétences rares et très recherchées sur le marché. Le meilleur moyen d’être augmenté est d’être désiré ailleurs. Ou d’avoir atteint un haut niveau de performance.

Généreuses PME

L’étude de Deloitte révèle une donnée que tous les cadres n’ont pas forcément en tête. "Les PME au chiffre d’affaires inférieur à moins de 50 millions prévoient des budgets d’augmentation des salaires supérieurs à ceux des entreprises de plus de 1 milliard d’euros." Les hausses anticipées toutes catégories confondues y sont de 2,3 %, contre 2 % dans les grands groupes, indique Deloitte. Disposant d’un large éventail de moyens pour attirer et garder les salariés, ces derniers appliquent une politique sociale qui ne se limite pas aux seuls salaires, ce qui expliquerait cette différence.

De son côté, Willis Towers Watson indique qu’un phénomène de rattrapage devrait avoir lieu en 2020. Les entreprises les plus généreuses seront celles qui avaient été les plus prudentes en 2019. Comme si, dans le contexte actuel, l’important était de rester dans la course à tout prix.

"L’excellence, ça s’organise"

3 QUESTIONS A: Camille Rainsard, DRH du groupe Raja

Quel effet a eu l’indice d’égalité hommes femmes sur vos pratiques ?

Nous avons obtenu la note de 84, et de 93 pour notre deuxième filiale. Mais je ne suis pas satisfaite. Je vise 100 et nous serons à 99 en 2019. Raja est une entreprise dirigée par une femme et la question de l’égalité est essentielle. Les promotions se font sur les compétences. Nous travaillons sur l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, nous avons des places en crèche, une conciergerie... La note de 84 est due à un oubli sur un retour de congé maternité. Depuis, j’ai demandé la liste des femmes en congé maternité pour être certaine que cela ne se reproduira plus. Désormais, nous passons, dès qu’elles sont décidées, leurs augmentations en paie, sans attendre que les salariées concernées reviennent dans l’entreprise. Nous visons l’excellence et cela ne s’atteint pas spontanément. L’excellence, ça s’organise. Nous devons tous être encore plus vigilants.

Jusqu'où irez-vous ? Pourriez-vous favoriser une candidate, par exemple ?

Pas de discrimination positive, surtout pas. Quand le directeur administratif et financier est parti, nous avons voulu rééquilibrer l’équipe de direction. Nous cherchions plutôt une femme et nous avons finalement embauché... un homme. Et sans états d’âme. C’était le meilleur candidat, avec les bonnes compétences pour le poste.

Et maintenant, allez-vous vous reposer sur vos lauriers ?

Non. La situation est globalement bonne, mais il peut y avoir des problèmes localement, dans un service ou une filiale. Nous procéderons à une comparaison poste par poste. L’index fournit une photo générale dont je ne peux me contenter. Ensuite, je veux travailler sur nos filiales européennes. Il n’y a aucune raison pour que l’exemplarité s’arrête aux frontières françaises.

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