L'association Ni putes ni soumises est sur le point de disparaître : la fin d'une époque ?

Manifestation pour défendre le droit à l'avortement. Paris, février 2014. ©Maxppp - Marlène Awaad
Manifestation pour défendre le droit à l'avortement. Paris, février 2014. ©Maxppp - Marlène Awaad
Manifestation pour défendre le droit à l'avortement. Paris, février 2014. ©Maxppp - Marlène Awaad
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L'association Ni putes ni soumises n'a plus de local depuis le 1er janvier. Criblée de dettes et sans subvention, l'association emblématique, fondée en 2003 par Fadela Amara, pourrait bien disparaître.

C’est une association emblématique qui est en train de disparaître, dans l’indifférence quasi générale. “ Ni putes ni soumises” (NPnS), fondée en 2003 par Fadela Amara à la suite de l’assassinat de Sohane Benziane, est au bord de la liquidation judiciaire. Criblée de dettes et sans subvention, l’association est désormais à la rue : elle a dû quitter ses locaux à Montreuil, le 1er janvier dernier. Elle sera déclarée en état de cessation de paiement dans les prochains jours.

La présidente actuelle, Stéphanie Rameau, se sent “méprisée” par les pouvoirs publics. En 2019, l’association n’a reçu qu’une subvention de 5 000 euros (de la part de l’Education nationale), pour mener ses actions de sensibilisation dans les établissements scolaires. NPnS ne tourne que grâce à l’énergie de quelques militants, tous bénévoles. 

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Cela fait des années que nos subventions baissent et que l’on fait part de nos inquiétudes. Mais personne ne répond à nos mails. Le symbole Ni putes ni soumises ne peut pas disparaître”, défend Stéphanie Rameau.  

Un lieu convivial

Sans local, l’association est obligée d’improviser. Marie-Christine Tournier, militante depuis cinq ans, assure désormais une permanence téléphonique. Auparavant, c’est elle qui accueillait les femmes victimes de violences, ou en grande précarité, qui venaient chercher de l’aide à Montreuil. 

C’était un lieu très convivial. Les femmes connaissaient nos heures d’ouverture. _On leur offrait un café, à manger, ou même des kits d’hygiène__. Un endroit réconfortant où elles pouvaient trouver une écoute et échanger entres-elles_”, regrette la bénévole. 

La militante ne compte pas raccrocher pour autant. Elle assure suivre environ 80 femmes, de façon plus ou moins importante en fonction des cas. Toutes ne sont pas en situation d’urgence, mais son téléphone reste allumé de 10h à 17h. “C’est vraiment difficile de décrocher… On a parfois envie de garder son téléphone avec soi la nuit. Au cas où...”. 

Âge d'or dans les années 2000

L’association n’a pas toujours connu les difficultés, bien au contraire. Au moment de sa création, tous les hommes politiques se pressent aux côtés de Fadela Amara, la très médiatique présidente. NPnS emploie alors une dizaine de salariés et les subventions se comptent parfois en centaines de milliers d’euros. 

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Mais un premier tournant a lieu en 2007, lorsque Fadela Amara accepte de rejoindre le gouvernement de François Fillon. Un poste de secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, et une "trahison" pour certaines militantes. "Cet épisode a fortement abîmé l'image de l'association", analyse Marion Charpenel, maîtresse de conférence en sociologie, spécialiste des mouvements féministes. "Beaucoup de militantes sont politiquement ancrées à gauche".

Un manque de soutien politique et d'ancrage territorial ?

Mais selon la sociologue, des effets plus structurels sont surtout à l'origine du déclin de NPnS. "Il y a d'abord _la chute du Parti socialiste__, qui n'est plus ce qu'il était dans les années 2000. Clairement cela joue : l'association ne bénéficie plus de ce soutien là. Et puis,_ il y a un manque d'enracinement sur le terrain. Des sociologues l'ont très bien montré : contrairement au planning familial, il y a un manque d'assise territoriale de NPnS, en particulier dans les quartiers". 

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Le gouvernement n'envisage pas d'aide

Du côté du gouvernement, aucune aide spécifique n'est envisagée. Le cabinet de Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, explique ne pas "remettre en cause l'histoire de cette association" mais précise : "La règle pour obtenir une subvention est de présenter les actions nationales qui justifient que l'argent public soutienne l'action. Hélas, NPnS n'a pas été en mesure de formuler une demande formelle sur cette base". Avant de préciser : "Le rôle de l'Etat n'est pas de maintenir des associations sous perfusion d'argent juste pour leur réputation quand les militantes ou projets ne sont hélas pas au rendez-vous..." Une position que ne comprend pas Stéphanie Rameau, pour qui l'absence d'action d'envergure est aussi liée au manque de subventions.

Des positions critiquées

Certaines militantes féministes remettent également en cause le positionnement de NPnS. L'association, dont le slogan est "Laïcité, égalité, mixité", est farouchement opposée au voile, contre la prostitution et très critique vis-à-vis de la "non-mixité" (le fait d'exclure temporairement les hommes de certains rassemblements ou réunions, afin d'éviter la reproduction de logiques patriarcales et permettre la libre expression d'une parole féministe). 

"Ces positions sont de plus en plus marginales au sein d'une nouvelle génération de féministes, éduquées et majoritairement issues des centre-villes", détaille Marion Charpenel. Preuve en est : l'absence de NPnS lors des importants rassemblements organisés par le collectif "#NousToutes". Dans un communiqué, l'association expliquait : "Nous n’admettons pas et n’admettrons jamais de renier nos valeurs les plus fondamentales au prétexte d’un faux-semblant d’union sacrée au nom de la cause féministe, en légitimant celles dont le but premier est de dénoncer ce qu’il reste du vivre-ensemble".

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