Quand il a découvert le tract dans sa boîte aux lettres, Pierre Fouquet a souri : « Un Black qui ose se présenter face au maire de Charvieu-Chavagneux, c’est courageux », s’est dit le quadragénaire venu de Charente, il y a dix ans, pour s’installer avec femme et enfants dans cette commune d’environ 9 000 habitants du Nord Isère, à une trentaine de kilomètres de Lyon. La ville doit l’essentiel de sa (petite) notoriété aux rodomontades xénophobes de son maire, Gérard Dézempte.
Installé à l’hôtel de ville depuis 1983, l’édile, sans étiquette, mais adoubé par Marion Maréchal aux législatives de 2017, envisage, à 68 ans, de se présenter pour un septième mandat en mars dans cette commune où le Rassemblement national a dépassé les 40 % des suffrages aux dernières européennes. Mais cette fois, contrairement au précédent scrutin, quelqu’un s’opposera à lui. Pierre Fouquet a donc décidé de s’intéresser à la politique locale. Il s’est engagé dans la campagne de Mamadou Dissa, Français originaire du Burkina Faso, qui conduira la liste Charvieu-Chavagneux, l’avenir autrement.
Une salle de prière détruite à la pelleteuse
Rien que l’intitulé de la liste a des airs de rupture. Trente-sept ans que Gérard Dézempte creuse le sillon de l’islamophobie : Marion Maréchal n’était pas née, Robert Ménard se croyait encore journaliste et de gauche quand, en août 1989, une pelleteuse dépêchée par le maire détruisait le bâtiment abritant une salle de prière en présence de fidèles musulmans. Gérard Dézempte plaida l’« accident » et bénéficia d’un non-lieu. Pendant que Michel Noir, alors maire de Lyon et son compagnon au RPR, attribuait le permis de construire de la grande mosquée, lui clamait que « Charvieu-Chavagneux n’a pas vocation à devenir le phare de l’islam dans la région ».
La carrière de Gérard Dézempte est ponctuée d’anathèmes. En 1997, il fait adopter par son conseil municipal l’idée d’un référendum sur les « équilibres de peuplement » et se vante d’avoir fait baisser le nombre « d’étrangers », qui contraignent les « Français à s’adapter à des mœurs, cultures et religions étrangères à notre pays » : la délibération sera annulée par le tribunal administratif de Grenoble.
En 2000, sa municipalité utilise son droit de préemption sur une villa dont un couple d’origine maghrébine avait signé le compromis de vente, avant de la laisser à un ménage au nom plus « français ». Gérard Dézempte sera condamné à trois ans d’inéligibilité et à 1 500 euros d’amende en première instance puis en appel, mais la Cour de cassation estimera que le délit de discrimination raciale ne peut être retenu dans le cadre d’une préemption « même si elle est abusive ».
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