Bastille, début d’année, début de soirée. Malgré le frimas, les terrasses des cafés sont quasiment pleines comme en été. Et pour cause, dans ce haut-lieu du Paris festif, elles sont toutes chauffées. Attablées sous un « parasol chauffant », quatre copines allument clope sur clope. « Plus elles sont chauffées, plus on kiffe », assure Noa. Mais les lycéennes sont formelles : si la capitale suit le pas de Rennes, qui interdit le chauffage des terrasses depuis le 1er janvier, elles déserteront les troquets. « On arrêtera les cafés, mais on n’arrêtera pas de fumer. »
A la terrasse d’un autre établissement très prisé de la place, les serveurs renouvellent les bougies sur les tables soigneusement dressées. Une quinzaine de braseros au gaz (« c’est plus économique ») et de réglettes électriques tournent à plein régime. « La terrasse, c’est 80 % de notre chiffre d’affaires en hiver, témoigne Jean, qui dirige le service. L’interdiction du chauffage sera une catastrophe pour nous et les Parisiens, surtout les fumeurs. » Car Jean en est convaincu, c’est une question de mois : « Avec les municipales, [Anne] Hidalgo n’a pas voulu prendre de risque. Mais elle le fera après les élections, si elle est réélue. »
Pour l’heure, la Mairie de Paris s’est seulement engagée à intégrer la question à la concertation qu’elle promet de lancer entre 2020 et 2021 pour réviser le règlement des terrasses et permettre aux restaurateurs de trouver des alternatives. Lors du dernier Conseil de Paris, le 12 décembre 2019, Olivia Polski, adjointe au commerce et à l’artisanat, a rappelé « l’attachement de la maire de Paris à ces cafés dont les terrasses participent à l’image de Paris dans le monde entier ».
Chauffer une terrasse de 12 m2 pendant une journée reviendrait à faire rouler un SUV pendant 350 km
Elle répondait à un vœu déposé par le groupe écologiste visant à interdire les chauffages de terrasse. « Attendre 2022 avant de mettre fin à cette hérésie de chauffer dehors, ce n’est pas possible », s’étrangle Jacques Boutault, le maire (EELV) du 2e arrondissement. L’élu écologiste a fait le calcul : en matière d’émissions de gaz à effet de serre, chauffer une terrasse de 12 m2 pendant une journée reviendrait, selon lui, à faire rouler un SUV pendant 350 km.
« Une gabegie énergétique »
D’après une étude de l’association négaWatt, la consommation d’une terrasse moyenne durant un hiver équivaut à la consommation annuelle en électricité de neuf familles, hors chauffage et eau chaude. D’après cette même enquête, une terrasse de 75 m2 équipée de cinq braseros au gaz rejetterait autant de dioxyde de carbone (CO2) au cours de l’hiver qu’une voiture neuve faisant trois fois le tour de la Terre (40 000 km), soit 13,7 tonnes émises dans l’atmosphère. Or, à Paris seulement, on estime que plus de 12 500 terrasses sont chauffées.
Il vous reste 57.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.