Attentats

«Charlie Hebdo» : une dégradation sur la tombe de Wolinski

Le mot «Charlie» a été effacé la semaine dernière, vraisemblablement au burin. Maryse Wolinski annonce qu'elle va porter plainte. La mairie de Paris minimise.
par Sibylle Vincendon
publié le 12 janvier 2020 à 16h08

Mercredi 7 janvier, jour anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo, Albert, qui habite à la porte de Vanves, a traversé le cimetière du Montparnasse pour aller au jardin du Luxembourg comme il le fait tous les jours depuis qu'il est à la retraite. «Une ou deux fois par semaine, je passe devant la tombe de Wolinski. Ce jour-là, il y avait une dame devant, elle m'a fait remarquer que le mot "Charlie" avait été effacé. J'ai passé la main, il y avait un creux, au moins trois millimètres de pierre enlevés.»

«C’est vraiment un coup»

De retour chez lui, Albert envoie un mail à la rédaction de Libération : «Dans le Libé d'hier vous vous demandiez où en était l'esprit Charlie. Eh bien je vous conseille de passer voir la tombe de Wolinski au cimetière du Montparnasse. Vous y verrez que la tombe a été profanée, le mot "Charlie" dans l'épitaphe qui disait la cause de son décès (attentat contre Charlie Hebdo) a été enlevé au burin !!!» De fait, sur place, on voit que le nom de l'hebdomadaire a été suffisamment gratté et creusé pour disparaître. Rien d'autre autour, juste ça. Le reste de la stèle de cette sépulture blanche en pierre de Paris est impeccablement lisse sous la main.

En voyant la photo de la stèle prise par Libération, Maryse Wolinski, veuve du dessinateur, n'a guère eu de doute : «C'est un peu enfoncé, c'est vraiment un coup, avec un instrument, un petit burin.» La découverte de cette dégradation alors que l'on commémore le cinquième anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo et que le procès s'annonce en mai, ne lui semble pas l'effet du hasard : «Que quelqu'un fasse cela cette semaine, ça veut quand même dire quelque chose.» Après s'être rendue sur place, elle a encore davantage l'impression d'une dégradation volontaire.

«Erosion de la pierre»

Depuis le 7 janvier 2015, les élus parisiens, Anne Hidalgo en tête, n'ont pas ménagé leur soutien aux victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo. Mais devant ce petit trou bien net sur un seul mot, ils sont d'une grande prudence. Contactée par Libération, Pénélope Komitès, l'adjointe chargée des espaces verts et du funéraire, émet ainsi des doutes sur l'origine de la dégradation. «On ne peut pas parler de malveillance, c'est plus compliqué», dit-elle. Ses services lui ont parlé des «passages de Kärcher très fréquents» demandés par la veuve du dessinateur à l'entreprise chargée de l'entretien de cette sépulture victime de graffitis répétés. Ces nettoyages auraient rendu «la pierre très poreuse» et «provoqué des trous».

Maryse Wolinski a contacté l'employé de l'entreprise funéraire chargée de l'entretien de la sépulture. «Il a discuté ce matin avec la conservatrice et tous deux sont persuadés qu'il ne s'agit pas d'une dégradation, mais de l'érosion de la pierre de Paris à certains endroits», raconte-t-elle. Quand elle a demandé : «Pourquoi uniquement sur le mot "Charlie" ?», l'employé lui a répondu : «Le hasard».

Le hasard travaille vite. «Quand je suis passé quinze jours plus tôt, il n'y avait rien», affirme Albert, le retraité. Maryse Wolinski compte porter plainte.

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