AGRICULTUREFace aux zones tampons, la FNSEA brandit la menace des boues d’épuration

Pesticides : La FNSEA va bloquer des stations d’épuration contre l’entrée en vigueur « précipitée » des zones tampons

AGRICULTURELe premier syndicat agricole est vent debout contre l’arrêté qui a instauré, au 1er janvier, des zones de non-traitement aux pesticides aux abords des habitations. « Une entrée en vigueur précipitée alors qu’il reste de nombreux points à éclaircir », estime la FNSEA
Illustration d'un épandage de pesticides.
Illustration d'un épandage de pesticides. - PHILIPPE HUGUEN / AFP
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Le syndicat d’agriculteurs menace les collectivités de ne plus répandre les boues de leurs stations d’épuration si l’instauration de zone de non-traitement n’est pas suspendue.
  • Un arrêté, publié toute fin décembre, instaure depuis le 1er janvier des zones de non-traitement aux pesticides aux abords des habitations. De 3 jusqu’à 20 mètres en fonction des cultures, des techniques d’épandage et des produits utilisés.
  • Une entrée en vigueur que la FNSEA juge précipitée, alors qu’il y a encore de nombreux points de l’arrêté à éclaircir.

La FNSEA met ses menaces à exécution. Le premier syndicat agricole garde en travers de la gorge l’entrée en application, depuis le 1er janvier, des zones de non-traitement (ZNT) aux pesticides autour des zones habitées.

Le 10 janvier, la FNSEA avait déjà prévenu qu’elle comptait mener des actions de protestation s’il n’y avait pas un moratoire immédiat sur l’application – en clair une suspension – de ce décret et qu’elle attendait des réponses du gouvernement en ce sens avant le 14 janvier. Le délai est écoulé. Lors de ses vœux à la presse, ce mardi à son siège parisien, la FNSEA a annoncé le blocage, dans les prochains jours, des stations d’épuration de France.

Trois, cinq, dix voire vingt mètres

C’est « Le » sujet agricole qui fâche depuis mai dernier et la prise, par plusieurs maires de France, d’arrêtés interdisant l’épandage de pesticides de synthèses, utilisés en agriculture conventionnelle, dans un périmètre de 150 mètres autour des habitations. En réponse, le gouvernement a ouvert, le 10 septembre, une consultation publique sur les distances minimales à respecter entre les habitations et les zones d’épandage. Puis, il a fini par trancher le 20 décembre, en publiant un arrêté imposant, à partir du 1er janvier, les distances minimales d’épandages recommandées par l’ Agence française de sécurité sanitaire (Anses). A savoir à 5 mètres des habitations pour les cultures dites basses (légumes, céréales), 10 mètres pour les cultures hautes (arbres fruitiers, vignes) et 20 mètres pour les produits « les plus dangereux ». Cette dernière catégorie reste « exceptionnelle », ces produits « les plus dangereux » ne représentant que 0,3 % des produits phytosanitaires consommés chaque année en France.

Dans le détail, l’arrêté prévoit la possibilité de réduire ces zones tampons dans le cadre de « chartes d’engagement » validées au niveau départemental entre agriculteurs, riverains et élus. Jusqu’à 5 mètres pour l’arboriculture et 3 mètres pour les vignes, mais à condition d’avoir recours aux matériels de pulvérisation les plus performants sur le plan environnemental.

Un calendrier précipité pour la FNSEA

Ce n’est pas tant sur les distances que peste la FNSEA – les associations environnementales demandaient des zones « tampon » de 150 mètres –, mais sur le calendrier de mise en application de ces ZNT, fait savoir Eric Thirouin, secrétaire général adjoint du syndicat agricole. « Nous sommes stupéfaits par la démarche, indique-t-il. On demande aux agriculteurs d’appliquer dès à présent un décret qui n’est pas terminé d’être défini. Quels matériels de pulvérisation permettront justement de réduire les zones tampons ? Quelles prises en charge seront apportées aux agriculteurs impactés par ces zones de non-traitements ? Ceux en particulier dont les parcelles cultivées se trouvent en zone d’habitat diffus. Dans le cadre de la PAC (Politique agricole commune), ces surfaces qui seront délaissées par les agriculteurs, car en ZNT, pourront-elles être classées comme des surfaces à intérêt écologique ? »

Pour la FNSEA, le moratoire demandé permettra au gouvernement « de clarifier les zones d’ombre de l’arrêté » et « de poursuivre le travail sur les chartes de bon voisinage, pas terminé non plus ». De son côté, sur cette question du calendrier, le gouvernement répète qu’il était sous pression. Le Conseil d’État, plus haute autorité administrative, lui avait donné jusqu’au 11 décembre pour présenter un nouvel arrêté. Un argument redit, ce mardi matin, par Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture. « Il est exact que l’État a été [contraint] par le Conseil d’État de modifier la réglementation sur la protection des riverains et sur le sujet des ZNT […]. En revanche, sur la manière de le faire, il y avait plein de possibilités », répond Eric Thirouin.

Les agriculteurs ne prendront plus les boues d’épuration

La FNSEA ne précise pas encore à partir de quand elle entend bloquer les stations d’épuration. « Les actions seront menées en concertation avec les Jeunes Agriculteurs [autre syndicat agricole] », indique Jérôme Desprey, son secrétaire général. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas s’attendre à des blocages physiques des entrées et sorties des stations d’épuration françaises. Mais celles-ci, qui traitent les eaux usées des industries et des particuliers, génèrent des déchets appelés boues d'épuration. « Une grande partie de ces boues est épandue dans les champs comme engrais, rappelle Jérôme Desprey. C’est un service, rendu gratuitement, par les agriculteurs. »

La FNSEA s’apprête donc à demander aux agriculteurs à ne plus prendre en charge ces boues d’épuration, laissant alors aux collectivités le soin de trouver d’autres portes de sortie à ces déchets. « On parle d’un million de tonnes de matières sèches produites par an en France, dont 52 % proviennent de boues industrielles et 48 % de boues urbaines, précise-t-on au syndicat. Et les solutions alternatives à l’épandage agricole – notamment celle de les envoyer dans des centres de traitement – coûtent dix à vingt fois plus cher. »

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