"J'aime la France mais cette fois je la déteste": le ton monte entre des touristes et des grévistes bloquant le Louvre

AFP

"Les touristes avec nous!", scandent les grévistes bloquant vendredi l'entrée du Louvre, musée le plus fréquenté au monde, pour manifester leur opposition à la réforme des retraites. "Honte à vous!", répondent furieux des visiteurs, venus en majorité de l'étranger et de province.

Avec des slogans comme "Grève, blocage, Macron, dégage" et "on ira jusqu'au retrait", plus d'une centaine de manifestants ont bloqué l'entrée de la Pyramide en agitant des drapeaux. "Les touristes avec nous", lancent-ils.

Mais les touristes expriment surtout colère et incompréhension. Derrière des barrières de sécurité, certains injurient et huent les manifestants. Une femme hurle "liberté, liberté".

"On va foncer sur eux, on est plus nombreux", éclate un homme rouge de colère venu de Bourgogne, tandis que, devant l'entrée vitrée du musée, micro à la main, une syndicaliste proclame: "La lutte s'élargit, la lutte s'amplifie."

Marie, arrivée de Caen pour voir avec son mari la grande exposition Léonard de Vinci, exprime son grand dépit avec humour: "On est venus par le train, on a tout réservé en octobre, notre train a été supprimé, donc on a racheté un autre billet parce que c'était pas facile pour faire l'échange. Ce soir, on a un hôtel à payer, tout ça pour voir Léonard, qu'on ne verra pas!".

A côté, Lucien ne comprend pas: "de Bruxelles, je suis venu à la journée pour Léonard. Il y plein de véhicules de CRS, les grévistes sont peu nombreux", dit-il regrettant qu'ils n'interviennent pas.

"Beaucoup de gens viennent de partout pour cette exposition. J'aime la France, mais cette fois je la déteste. Je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas des policiers qui font leur travail", dit Mila, venue d'Espagne.

Un touriste chinois qualifie les grévistes d'"égoïstes": "On est égoïste si on fait la grève en empêchant d'autres. On doit choisir une meilleure voie."

L'intersyndicale justifie son action, qui a abouti à la fermeture du musée pour la première fois depuis le 5 décembre, par "des conditions des agents du musée qui se dégradent de jour en jour notamment sous les pertes d'effectifs, la précarité et le désengagement de l'Etat".

"Visiter le Louvre, c'est pas vital"

Un des manifestants, Dominique, se défend des critiques des touristes, en affirmant avoir aussi reçu d'eux des soutiens. "Notre action ne va tuer personne. Visiter le Louvre, c'est pas vital. On défend nos droits, on a des enjeux plus forts". Il explique que certains syndicalistes sont venus "en solidarité" de l'extérieur. Une banderole "Profs en grève" flotte au milieu des drapeaux.

"Ce lieu, il faut beaucoup de travailleurs pour l'entretenir... Les chiottes de ces touristes, il faut bien les laver! Avec quelle retraite vont finir ceux qui s'en chargent?", s'exclame Dominique.

"Nous voulons une nouvelle République pour les travailleurs. Ce lieu, c'est le symbole des révolutions", s'enflamme un de ses camarades, en rappelant l'invasion et le sac des Tuileries en 1848 et en 1871.

"C'est au coeur même de la Pyramide du Louvre, où Emmanuel Macron a choisi de consacrer son investiture, que se hisse contre lui vent debout un front d'opposition syndical contre ses orientations désastreuses en matière de retraite", écrit l'intersyndicale CGC-CGT-FSU-SUD dans un communiqué.

En début d'après-midi, le Louvre n'excluait pas une réouverture si jamais le blocage cessait, notamment en raison de la nocturne prévue jusqu'à 22H00. Les visiteurs sont tenus informés sur les sites internet et les réseaux sociaux. Tous ceux qui avaient un billet seront remboursés. Des papiers ont été distribués avec l'adresse mail de la billetterie.

Mais pour Léonard de Vinci, il sera difficile de retrouver des places pour ceux ayant réservé pour ce jour, les réservations étant déjà pleines, reconnaît la direction.

Le Louvre a accueilli l'an dernier 9,6 millions de visiteurs, dont 75 % d'étrangers, Américains, Chinois et Européens en tête.

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