Fachos fâcheux

Dimanche à Paris, les nationalistes ont battu le pavé (et un journaliste)

Les militants d'extrême droite les plus radicaux ont profité du cortège anti-PMA pour refaire parler d'eux. Entre hooligans et ex-Gudards, les «Zouaves» se distinguent par leur violence : ils ont agressé le journaliste de France Inter Sébastien Sabiron.
par Pierre Plottu
publié le 20 janvier 2020 à 19h00

Des centaines de nationalistes radicaux ont défilé à Paris ce week-end pour réclamer le rétablissement de la monarchie ou revendiquer leur xénophobie. Mais aussi pour crier leur homophobie : certains ont été aperçus dimanche dans le cortège du collectif anti-PMA «Marchons enfants», où ils ont aussi agressé un journaliste de France Inter. Samedi soir, les royalistes de l'Action française et les identitaires de l'association Paris fierté (proche du groupe d'extrême droite Génération identitaire) ont défilé dans l'hypercentre de la capitale. Les premiers, héritiers notamment du collabo Charles Maurras, rendaient hommage au dernier roi de France décapité le 21 janvier 1793, scandant notamment «Gloire, honneur au roi Louis XVI». Au même moment, à un jet de pierre, les identitaires défilaient pour sainte Geneviève, patronne de la ville de Paris et des gendarmes notamment.

Mais ces groupes, malgré leur capacité de mobilisation, ne sont pas les fers de lance de la violence politique d'extrême droite dans la capitale, qui est devenue la «spécialité» des «Zouaves Paris». «Paris c'est nous» aiment ainsi à scander ces jeunes nationalistes-révolutionnaires se réclamant du tristement célèbre Groupe union défense (GUD, néofasciste). «Tenir la rue» est la raison d'être de ce groupe informel.

Zouaves pas du tout drôles

Amalgamé depuis au moins fin 2017, les Zouaves Paris commencent à faire réellement parler d’eux à l’été 2018 suite à une série d’agressions racistes et de bagarres avec des antifascistes en marge des matchs de la Coupe du monde 2018. Mais c’est surtout leur activisme au sein des manifestations des gilets jaunes qui les fait sortir de l’anonymat.

Les Zouaves étaient ainsi en première ligne des émeutes de la place de l'Etoile dès le 1er décembre 2018 et ont constellé leur parcours de tags racistes, parmi lesquels des croix celtiques ou le slogan «Justice pour Esteban» (Esteban Morillo, le skinhead condamné à onze ans de prison pour son implication dans la mort du jeune militant antifasciste Clément Méric en 2013). Ils se sont même payé le luxe d'une photo de groupe au milieu des affrontements derrière leur banderole «Le peuple aux abois – Tuons le bourgeois», reprenant une formule de Julius Evola, référence de la nouvelle droite et des néofascistes. Comprendre : il faut tuer le bourgeois qui est en soi et ses dérives «intellectualistes» pour y préférer le «guerrier», seul à dominer ce qu'Evola estime être l'ordre hiérarchique traditionnel. Six jeunes membres ou proches du groupe ont été condamnés pour leur participation à ces violences.

Violence dans l’ADN

Outre une vision du monde fondée sur la race et la religion, la violence est dans l'ADN des Zouaves Paris, dignes héritiers des groupuscules d'extrême droite radicale interdits ou disparus. La liste de leurs exactions est longue : attaque des militants NPA dans une manifestation des gilets jaunes (fin janvier 2019), violences contre des antifas lors de la manif identitaire pour la Sainte-Geneviève 2019 (toujours en janvier), bagarre contre des antifascistes le soir de l'incendie de Notre-Dame (avril 2019), agression d'un étudiant portant une veste aux couleurs du Maroc à Nanterre (novembre 2019), charge contre des «gauchistes» au départ de la marche «Stop islamisme» de Génération identitaire (novembre 2019)… Une liste pourtant non exhaustive tant les bagarres ou intimidations sont récurrentes lorsque des Zouaves croisent quelqu'un qu'ils identifient à un militant de gauche.

Le dernier «fait d'armes» du groupe date de moins de vingt-quatre heures. Ce dimanche, le journaliste de France Inter Sébastien Sabiron a été agressé par certains de leurs membres alors qu'il couvrait la manifestation anti-PMA organisée à Paris par le collectif «Marchons enfants». «Je tendais mon micro pour prendre des sons d'ambiance lorsque j'ai été pris à partie», raconte Sébastien Sabiron à Libération. «Immédiatement un jeune me dit que c'est un micro-espion, raconte le reporter, je lui réponds que non, sinon il ne verrait pas le micro et il me rétorque qu'il pourrait l'attraper avec son parapluie "comme Gollnisch" [en référence à une altercation du député européen avec une équipe de Canal+, lors du défilé FN du 1er mai 2015, ndlr]

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais immédiatement d'autres jeunes commencent à frapper le journaliste. «J'ai pris quelques coups de pied et un coup de poing m'a frôlé la joue, ils m'ont traité de "hippie de merde" aussi, détaille-t-il. Mais ça va.» Le reporter a été choqué et dit avoir continué à couvrir la manifestation «pas serein». D'autant qu'il a aperçu les mêmes jeunes à l'arrivée du cortège, devant l'Opéra Garnier, avec un groupe d'hommes plus âgés arborant des brassards orange «sécurité»…

 «Kühnen Gruss» et poing américain

Comme à leur habitude, les Zouaves Paris ont posté une photo de groupe attestant de leur présence à la manifestation de dimanche. Prise devant le cinéma Gaumont-Opéra, à l'angle de la rue de la Chaussée-d'Antin et du boulevard des Italiens, soit à deux pas de l'arrivée de la manifestation, elle montre une quarantaine d'hommes vêtus de couleurs sombres, certains semblant faire le salut fasciste, d'autres un «Kühnen Gruss» (un ersatz de salut nazi). Un drapeau du parti ukrainien Tradition et Ordre est exhibé au côté d'un autre frappé du slogan «ACAB» (pour «All Cops Are Bastards») accompagné d'un poing américain.

Diffusé par le groupe, le cliché est accompagné d'une courte légende revendiquant des violences contre des contre-manifestants, ainsi que «quelques claques méritées pour un journaliste de France Inter (il transmettra le message à Frédéric Fromet)». Il s'agit de Sébastien Sabiron. Pourquoi viser Frédéric Fromet ? Sans doute pour sa chronique chantée du 10 janvier dernier intitulée «Jésus est pédé». Une chronique pour laquelle il s'est excusé depuis. De son côté, Sébastien Sabiron annonce à Libération son intention de porter plainte.

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