Django Reinhardt : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le guitariste

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Django Reinhardt : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le guitariste

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Django Reinhardt, en 1946.
Django Reinhardt, en 1946.
© Getty

Django Reinhardt est l'un des plus célèbres guitaristes du XXe siècle. Retour sur les aspects méconnus de la vie et personnalité de cet atypique jazzman interprète de "Sultan of Swing", "Minor Swing", "Nuages"...

Django. Ce seul prénom suffit pour évoquer l’un des plus importants guitaristes du jazz français. Né Jean Reinhardt le 23 janvier 1910 à Liberchies, en Belgique, l’enfant tzigane est aussitôt doté de ce surnom, Django, qui signifie « je m’éveille ».

Costume simple ou à carreaux, moustache fine et cigarette au bec, Django Reinhardt est un guitariste virtuose, dont le style de jeu et la fusion des genres ont donné naissance au jazz manouche.

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Il y a tellement à dire sur l’ambassadeur du swing français... Ce n’est donc pas sans difficulté que nous avons sélectionné dix (petites) choses insolites à son sujet.

Féru de peinture

Enfant, Django fabrique de petites roulottes en matériaux récupérés à droite et à gauche, et sa mère veut faire de lui un artisan. Elle n’imagine pas encore que c’est avec les cordes d’une guitare que son fils dévoilera tout son talent.

Plus tard, lorsqu’il entend pour la première fois les morceaux de Louis Armstrong et Duke Ellington, dans l’atelier du peintre Emile Savitry, il découvre aussi les couleurs et les pinceaux. Coup de foudre pour le jazz des grands maîtres, mais aussi pour la peinture, à laquelle il se consacrera tout au long de sa vie.

Exposition des oeuvres de Django Reinhardt à la Cité de la musique (Philharmonie) de Paris, en 2012.
Exposition des oeuvres de Django Reinhardt à la Cité de la musique (Philharmonie) de Paris, en 2012.
© Radio France - Matthias Abherve

Multigenres

Le père de Django, Jean-Baptiste Vées, était artiste ambulant. Tantôt violoniste, guitariste ou jongleur. Bien qu’il se soit mystérieusement évaporé avant le huitième anniversaire de son fils, Django grandit bercé par les musiques tziganes.

Il fait ainsi ses premières armes au banjo avec le répertoire transmis par sa famille et ses voisins, répertoire qu’il fusionnera brillamment avec le jazz . Il manifeste très tôt un intérêt pour ces sonorités venues d’Amérique, mais commence sa carrière en tant qu’accompagnateur de bals musette ou de chanteurs de variété, interprétant ainsi des genres bien différents.

Le chanteur Jean Sablon, que Django accompagne régulièrement au début des années 30. Jean Sablon est le premier chanteur français à utiliser un microphone sur scène, en 1936.
Le chanteur Jean Sablon, que Django accompagne régulièrement au début des années 30. Jean Sablon est le premier chanteur français à utiliser un microphone sur scène, en 1936.
© Getty

Régulièrement ‘porté disparu’

La personnalité de Django est caractérisée par une soif de liberté et d’indépendance. Le guitariste n’en fait qu’à sa tête et quand il n’a pas envie de jouer, il ne vient pas, tout simplement. On a beau l’attendre, lui envoyer une voiture, lui promettre un beau cachet, lui assurer que tout le gratin parisien a fait le déplacement, peu importe.

Ce n’est ni un mépris ni une prétention de sa part, simplement un état d’esprit. Django ne considère pas la musique comme un métier, mais comme un art de vivre.

Cette imprévisibilité témoigne également de l’éternel aller-retour qu’effectue le musicien entre sa vie de nomade et sa vie de gadjé (non tzigane). Il vivra longtemps en roulotte, puis s'installera en appartement à Montmartre, Pigalle, ou encore Saint-Germain-des-prés, tout en conservant son aspiration à la liberté, et en menant une vie tranquille et indépendante.

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Deux doigts en moins

Django n’a que 18 ans lorsqu’il perd son auriculaire et son annulaire gauches. Il est déjà un musicien réputé des bals parisiens, où il accompagne les accordéonistes au son de son banjo.

A 18 ans toujours, Django épouse Bella, une jeune fille de son camp tzigane. Mais lorsqu’un soir, il fait malencontreusement tomber une bougie dans leur roulotte, il échappe de peu à l’incendie qui ravage aussitôt l’habitation.

Toute la partie gauche de son corps est brûlée et il lui faut attendre 18 mois d’hospitalisation pour se remettre sur pied. Une année de soins, donc, mais seulement quelques mois pour ré-apprivoiser son instrument, même avec deux doigts en moins…

Django ou Joseph ?

Django a un petit frère, Joseph Reinhardt, de caractère plutôt souple, conciliant. Et quand son aîné n’est pas d’humeur à se produire sur scène, c’est lui qui court le remplacer.

En novembre 1936, alors que le Quintette du Hot Club de France (dont fait partie Django) est invité à Zurich, le guitariste disparaît subitement. Sans nouvelle de leur tête d’affiche, les musiciens de l’orchestre demandent à Joseph de se faire passer pour Django. Le public n’y voit que du feu, et le concert est une réussite.

La supercherie de Zurich aura permis à Joseph de prendre confiance en son talent. Désormais, il ne souhaite plus rester dans l’ombre de son aîné, et les relations entre les deux frères se compliquent, se teintant parfois de rivalité.

Django (en premier plan) et son frère Joseph sur scène avec le Quintette du Hot Club, en 1934.
Django (en premier plan) et son frère Joseph sur scène avec le Quintette du Hot Club, en 1934.
© Getty

Charles Delaunay, l’homme de l’ombre

Derrière l’ascension fulgurante de Django Reinhardt se cache l’oeuvre et l’ambition d’un manager, Charles Delaunay. Issu d’un milieu bourgeois, fils d’un couple de peintres renommés (Robert et Sonia Delaunay), Charles est passionné par le jazz et souhaite promouvoir un swing à la française.

Convaincu par le talent de Django, il s’emploie à développer la carrière du guitariste. Là où Django voit une musique de scène, des improvisations entre amis, Charles Delaunay ambitionne, lui, une école de jazz à la française et un nouveau filon pour l’industrie du disque .

Et c’est un manager de génie ! Pendant l’Occupation, par exemple, alors que tout ce qui vient des Etats-Unis est proscrit à Paris et que les allemands qualifient le jazz de « musique judéo-nègre », Charles Delaunay a l’idée de franciser les titres des chansons interprétées par Django et ses musiciens.

In the Mood devient Ambiance, Dinah devient Dinette et Lady Be Good se transforme en Les bigoudis … et même si personne n’est vraiment dupe, les concerts échappent à la censure.

Reinhardt et Grappelli, un duo tardif

D’origine modeste, Stéphane Grappelli, violoniste, et Django Reinhardt, guitariste, ont arpenté les mêmes rues et cafés de Paris. Au début des années 1930, ils se produisent au sein du même orchestre, celui du contrebassiste Louis Vola. Et c’est pendant une répétition de l’orchestre que se produit le déclic, non pas sur scène, mais en coulisse.

L’orchestre est en pause. Grappelli accorde son violon après avoir remplacé l’une de ses cordes. Assis un peu plus loin avec sa guitare, Django répond aux coups d’archet par quelques accords de guitare. Le jeu est lancé, leur duo de génie est né.

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Le mirage américain

Django admire la scène jazz d’outre-Atlantique, et le public américain le plébiscite tout autant. Lorsque Paris est libéré en août 1944, beaucoup de soldats alliés se pressent pour entendre le fameux guitariste tzigane.

Aussi, lorsque Django est invité par Duke Ellington pour une série de concerts à New York, il fonce tête baissée, prêt à réaliser son rêve américain. Mais la déception est amère : ne parlant pas un mot d’anglais, il peine à communiquer et provoque même la colère du Duke en arrivant en retard un soir de concert, parce qu'il a rencontré le boxeur Marcel Cerdan dans un bar, s'est attardé avec lui et n'a pas su, ensuite, indiquer la bonne adresse au taxi.

De plus, aucun duo ou enregistrement n’a été prévu pour Ellington et Reinhardt, et si le public américain se presse pour voir l’ambassadeur du jazz à la française, lui n’apprécie pas cette façon de faire de la musique. Moins d’un an après avoir atterri à New York, il est de retour à Paris.

Django Reinhardt et Duke Ellington.
Django Reinhardt et Duke Ellington.
© Getty

Analphabète, ou presque

Django n’a pas ou très peu fréquenté l’école, et il ne sait donc ni lire ni écrire. Sur ses premiers enregistrements, on le retrouve ainsi sous l’écriture « Jeangot » ou « Jiango Renard », parce qu’il n’a pas su épeler son nom.

Son illettrisme complique sa situation administrative, ses voyages, et pose la question de ses droits d’auteur. Ses héritiers ont dû se battre avec nombreux contrats que leur aïeul n’avait pas pu comprendre ou même consulter.

Plus tard, Stéphane Grappelli lui montre comment apposer sa signature, et le clarinettiste Gérard Lévêque lui apprend à écrire. Django rédige ainsi une lettre pour chacun d’entre eux depuis les Etats-Unis, des lettres écrites en petites capitales, sans ponctuation ni alinéa, mais d’une touchante sincérité.

Loin d’être insouciant

Durant l’Occupation de Paris, entre 1940 et 1944, Django continue à se produire sur scène parce qu’il se sait protégé par sa notoriété et l’admiration de certains officiers allemands. Mais lorsque les services de la Kommandantur lui demandent d’aller jouer en Allemagne, il préfère fuir la capitale et se cacher à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie.

Dans le film « Django », sorti en avril 2017, le réalisateur Étienne Comar raconte la fuite de Django (interprété par Reda Kateb) en Haute-Savoie, et sa tentative de passage en Suisse.
Dans le film « Django », sorti en avril 2017, le réalisateur Étienne Comar raconte la fuite de Django (interprété par Reda Kateb) en Haute-Savoie, et sa tentative de passage en Suisse.
© AFP
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