Au milieu d’une forêt d’hévéas, sur un ancien site bouddhiste de Sumatra Ouest, le musicien Dewa Budjana pince les cordes de son étrange instrument en forme de pipe, tandis que Trie Utami chante Jataka, un hymne aux vies antérieures de Bouddha.

Puis il souffle dans une flûte de bambou pour accompagner un chant dayak kenyah de Bornéo et termine en frappant un tambour à double face à la résonance archaïque. Des larmes emplissent les yeux des spectateurs, majoritairement musulmans.

“Sound of Borobudur”, rapporte Koran Tempo, est un orchestre indonésien utilisant les instruments de musique “dépeints sur les bas-reliefs de Borobudur. Dans une tentative de restituer les sons emmurés depuis le VIIIe siècle dans le silence de ses pierres volcaniques.”

Une encyclopédie de pierre

Le temple bouddhiste de Borobudur, construit autour des VIIIe et IXe siècles durant le règne de la dynastie Sailendra, est situé au centre de Java. Il est considéré comme le plus grand du monde grâce à ses 1 460 bas-reliefs qui déploient plusieurs soutras [recueil d’enseignements] du bouddhisme mahayana.

Cette immense frise de près de 2 000 mètres carrés courant le long de galeries à ciel ouvert est également une extraordinaire encyclopédie illustrée de la vie quotidienne dans les villages et les palais javanais de l’époque. La musique, aussi bien populaire, royale, rituelle et spirituelle y tient une large place.

Purwa Tjaraka, le producteur de Sound of Borobudur, explique à Koran Tempo qu’il a fallu trois ans pour inventorier les dessins d’instruments de musique sur les bas-reliefs du temple :

Nous en avons identifié 45 sortes dont la version contemporaine est utilisée sur toutes les îles de l’archipel indonésien et dans une quarantaine d’autres pays à travers le monde. Beaucoup sont des instruments à cordes, à vent, des luths, des flûtes, des trompettes en forme de coquillage, des cloches rituelles, des gongs et des percussions.”

Des répliques aux formes bizarres

Les plus nombreuses représentations sont situées sur la galerie inférieure dite Mahakarmavibhangga, “la grande classification des actions”, c’est-à-dire “les causes et les effets du karma”.

Sur l’un de ces bas-reliefs on reconnaît une femme, assise entre deux autres musiciens, drapée d’un pagne, la poitrine découverte, les bras et le cou chargés de colliers et de bracelets, frappant une cymbale d’un large diamètre.

“Tous ces instruments de musique dont nous avons fait des répliques n’ont pas encore de nom. Et leurs formes sont très bizarres”, confie à Koran Tempo Trie Utamie, la chanteuse du groupe.

Et Dewa Budjana d’ajouter :

Nous ne saurons jamais comment sonnaient les compositions orchestrales représentées sur les bas-reliefs, car elles remontent à une civilisation très ancienne, bien avant l’apparition de la musique classique. C’est pourquoi nous essayons de les interpréter pour témoigner de cet héritage fabuleux que nous a légué Borobudur.”