L'incroyable découverte de milliards de mitochondries dans le sang

VIDÉO. Celle-ci a pris de nombreuses années au biologiste français Alain Thierry, qui envisage des retombées dans la détection des cancers.

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Temps de lecture : 3 min

Stupéfiant ! Il aura fallu attendre 2020 pour découvrir dans le sang l'existence de milliards d'organites qui étaient jusque-là passés inaperçus. Une découverte réalisée 362 ans après celle des globules rouges par le biologiste néerlandais Jan Swammerdam. Rien que cela !

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Le plus étonnant dans cette histoire, c'est que ces passagers clandestins sont parfaitement connus. Il s'agit des mêmes mitochondries qui truffent par centaines chacune de nos cellules. Ce nom ne vous dit rien ? Les mitochondries sont les centrales énergétiques de la matière vivante. Elles brûlent les sucres avec l'oxygène de la respiration pour produire l'énergie nécessaire aux cellules, sous la forme d'une molécule d'ATP. Ce qui est intéressant avec la mitochondrie, c'est qu'elle possède son propre ADN pour se reproduire. Ce qui fait dire aux biologistes que, autrefois, il y a plusieurs milliards d'années, les mitochondries étaient des organismes indépendants. Et puis, un jour, elles ont passé un pacte avec d'autres cellules ramollos : je t'alimente en énergie si tu me loges gratis.

Des mitochondries que l'on ne cherchait pas

Et puis voilà que le biologiste français Alain Thierry, directeur de recherche à l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, découvre que notre sang est envahi par ces organites qui ont pour cela abandonné leur douillet abri cellulaire. Surprise !« Effectivement, lorsqu'on considère le nombre élevé de mitochondries extra-cellulaires que nous avons trouvées dans le sang, on peut se demander pourquoi cela n'a pas été découvert auparavant. » Et d'avancer, lui-même, un début d'explication : « C'est probablement parce qu'on ne les cherchait pas. Les recherches ont plutôt porté sur les facteurs solubles dans le sang comme les hormones et les facteurs de l'inflammation. » Il faut dire aussi que, vu sa petitesse, la mitochondrie passe facilement inaperçue. Il a fallu pas moins de sept ans de travaux avant que le biologiste ne parvienne à confirmer sa présence dans le sang. Tout commence voilà de nombreuses années au National Institutes of Health (Washington, USA) où Alain Thierry mène des recherches sur la thérapie génique. Il imagine alors d'utiliser les mitochondries comme véhicules pour délivrer de l'ADN thérapeutique aux cellules. « Je travaillais alors sur les fragments d'ADN libérés par les cellules tumorales dans le sang. Pour repérer ces microscopiques fragments, j'ai dû mettre au point une technique révolutionnaire. »

La connaissance de ce mécanisme ouvrira certainement la porte à de nouveaux traitements

C'est ainsi que le chercheur découvre, parmi les brins d'ADN nucléaires (c'est-à-dire ceux que l'on trouve dans le noyau des cellules), de l'ADN mitochondrial. De retour en France, il poursuit ses travaux pour découvrir qu'il ne s'agit pas de fragments d'ADN isolés, mais que celui-ci est empaqueté dans sa structure d'origine. Bref, qu'il s'agit carrément de mitochondries entières et intactes. À raison de 300 000 à 3 millions par millilitre de sang. Maintenant, que font-elles là ? Alain Thierry se demande si cet organite ne jouerait pas un rôle dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques nécessitant une communication entre les cellules, comme dans les mécanismes d'inflammation. « Les mitochondries extracellulaires pourraient effectuer plusieurs tâches en tant que messager pour l'ensemble de l'organisme », précise-t-il. Et d'imaginer qu'elles puissent jouer un rôle dans la transmission d'informations entre les cellules cancéreuses. La connaissance de ce mécanisme ouvrira certainement la porte à de nouveaux traitements. « La densité des mitochondries dans le sang pourrait également évoluer en fonction de l'état pathologique, ce qui fournirait un élément diagnostic à l'utilité indéniable », note-t-il. « De même, les mitochondries extracellulaires pourraient servir de biomarqueur dans le diagnostic prénatal non invasif. »

Et si le sang nous réservait encore des surprises ? Peut-on imaginer d'autres découvertes ? Alain Thierry n'écarte pas totalement cette hypothèse : « Je pense que ce sera difficile de trouver d'autres organites normalement intracellulaires dans la circulation, cependant, il faut considérer que les micro-vésicules émergeant de la surface des cellules, ayant des fonctions biologiques récemment trouvées dans le sang, sont encore peu connues et il est possible qu'une catégorie de celles-ci soient caractérisée et révélée comme ayant une fonction spécifique, voire importante. »

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Commentaires (12)

  • jjacolo

    Merci Mr Lewino. Vous auriez pu dire que l intégration des mitochondries dans certaines cellules leur a donné un avantage sélectif déterminant plutôt que de parler de pacte mais globalement votre article est enthousiasmant. Et pose de nombreuses questions
    nouvelles, notamment est ce que ces mitochondries sont toutes d origine maternelle
    comme celle qui sont dans les cellules ? Suite au prochain numéro...

  • Mr. Spoke

    On recherche dans le sang des agents infectieux depuis Pasteur et aucune personne parmi quelques dizaines de millions de chercheurs n'ont vu d'organites ressemblant comme deux gouttes d'eau à des bactéries ? Ça mérite une explication plus solide que celle donnée ici

  • Paradise Lost

    Ingénieux et persévérant.