Etats-Unis : ces entreprises qui vous veulent du bien

La compagnie emploie 30 000 personnes aux Etats-Unis. - Getty
La compagnie emploie 30 000 personnes aux Etats-Unis. - Getty
La compagnie emploie 30 000 personnes aux Etats-Unis. - Getty
Publicité

Aux Etats-Unis, la société de déménagement U-Haul n'embauchera plus de fumeurs à partir du 1 février. Un moyen, selon l’entreprise, d'augmenter la culture du bien-être.

C’est une histoire fumeuse.

Alors je ne sais pas si vous fumez, mais si jamais vous aviez l’intention de vous reconvertir dans le transport de camions et le déménagement aux Etats Unis, je ne saurais vous conseiller autre chose que d’arrêter illico la cigarette. L’entreprise U-Haul, un des leaders sur ce marché qui compte plus de 30 000 employés, a publié un communiqué le 30 décembre, passé presque inaperçu au milieu des fêtes : il sera interdit à tous ses futurs employés, à partir du 1 février 2020, d’être fumeur. Pas seulement de fumer sur le lieu de travail, mais d’être fumeur tout court. 

Publicité

Le smoking ban, l’exclusion de la cigarette, est légale dans 21 Etats américains. 

Et l’entreprise compte bien en profiter. Selon la direction de U-Haul, cette mesure est une étape fondamentale dans la culture du bien-être. La mesure, rappelle-t-elle, accompagne des dispositifs préexistants d’incitations à une bonne alimentation, à faire du sport, et à suivre des programmes de santé… “Nous prenons soin de notre “workingforce” pour qu’à leur tour ils prennent soin de nos clients”. 

La logique est implacable, mais elle fait beaucoup débat depuis la rentrée dans la presse américaine. Et les éditorialistes s’inquiètent de ses possibles déclinaisons futures : d’abord la cigarette, puis les boissons sucrés, l’obésité, l’alcool, et pourquoi pas le saut en parachute, le ski, etc-etc... La liste des comportements à risque pourrait être longue. 

Parce qu’aux Etats-Unis, tout est bon pour avoir des employés en bonne santé, surtout si ça rapporte. Certaines entreprises incitent même leurs employés à arrêter de fumer en leur offrant des jours de congés supplémentaires… Car c’est elles, la plupart du temps, qui financent les frais d’assurances santé privées de leurs collaborateurs. S’assurer de ne pas avoir de salariés fumeurs est donc un moyen comme un autre pour faire des économies. Et à près de 6000 dollars de surcoût en moyenne par employé fumeur selon l’Université de l’Ohio, c’est une juteuse affaire.  Et puis, toujours selon les promoteurs de ce nouveau genre de sélection à l’embauche, les non-fumeurs sont moins absents et plus productifs que ceux qui s’en fument une de temps en temps. 

Les entreprises, nouvelles garantes de la prévention des comportements à risque ? 

Mais la décision de U-Haul, la dernière en date, ouvre un débat plus large d’éthique et de santé publique. Selon l’historienne Natalia Mehlman Petrzela citée par le Washington Post, ces mesures affectent avant tout les plus fragiles, dans un pays où 30% des personnes qui sont sous le seuil de pauvreté sont fumeuses. Mais pas seulement. Avec ce genre de mesures privées, les entreprises pourraient être amenées à remplacer progressivement l’Etat dans la prévention des comportements à risque, et devenir in fine les principales structures garantes de la santé publique. Alors que la question du système de santé est au cœur du débat démocrate pour la présidentielle, ces questions trouvent une certaine résonance… 

L’année dernière, Activision Blizzard, un des leaders mondiaux du jeux vidéos, était lui aussi sous le feu des projecteurs. L’entreprise donnait un dollar par jour à ses collaboratrices qui lui partageaient leurs données à travers des “app de santé”, des applications de suivi de menstruations ou de grossesse par exemple. Ces données étaient ensuite utilisées entre autres pour inciter leurs salariées à reprendre plus vite le travail après l’accouchement, ou pour prouver aux assurances la “bonne culture du bien-être” de leurs équipes. La “vie bonne” de la philosophie antique remodelée façon entreprise du XXIe siècle.  Et bien je ne sais pas pourquoi, mais à moi qui ne suis pas fumeur, ça me donnerait presque envie de m’en griller une. 

par Mattéo Caranta

L'équipe